Le bal de fin d'année... Elle se demande encore pourquoi elle y va. L'année dernière, elle était venue "jeter un œil", sans se soucier de sa tenue ni de quoi que ce soit d'autre. Elle a voté au hasard pour un des gars de son club qui, apparemment, a remporté la couronne et peut-être la fille qui allait avec, mais elle ne s'est pas franchement souciée du reste. Si, elle se souvient qu'on a essayé de l'embrigader dans un jeu d'action ou vérité. Ensuite, c'est le noir absolu. Peu importe, après tout. Ce qui compte, c'est la raison pour laquelle elle est là cette année, non ?
Elle ne le sait pas elle-même. Ni pourquoi elle est là, ni pourquoi elle a fait l'effort de trouver une tenue dans le thème ou de s'attacher les cheveux. C'est un bal de lycée, il n'y aura pas d'alcool, elle le sait. Ça aurait dû être une raison suffisante pour qu'elle ne vienne pas. Mais il y a Becky... Comme elles partagent la même chambre, Tessa l'a vue se préparer. Elle sait qu'elle y va avec quelqu'un. Elle était trop pétillante pour qu'il en soit autrement. Une amie normale serait sûrement contente pour elle mais...
Tessa essuie les larmes qui commencent à naître dans son regard avant d'observer son reflet dans le miroir. Elle a mis un temps fou à trouver une robe noire, ou plutôt à trouver quelqu'un qui accepte de lui dire de quelle couleur était sa tenue, mais normalement elle n'est pas en dehors du thème. Elle devrait être heureuse, oui. Contente que Becky ait trouvé quelqu'un. C'est ce qu'une bonne amie ferait. Mais elle n'y arrive pas. Elle se sent abandonnée. Encore. Par la dernière personne à qui elle tenait. Sa gorge se serre. Elle pose une main sur le miroir. Elle va la perdre, elle aussi. Comme les autres. Elle n'en peut plus de perdre tout le monde.
Un regard par la fenêtre, puis elle quitte sa chambre, descend l'escalier des dortoirs. Elle ne devrait pas y aller. Elle le sait. Au mieux, elle va souffrir, au pire elle va créer un scandale. Comme avec Willow, la dernière fois qu'elle l'a vue. C'est ce qu'elle fait de mieux, de toute manière. Faire des scènes et attirer l'attention. Jusqu'au jour où elle attire l'attention des mauvaises personnes.
» Bonjour ! Tu veux voter pour l'élection ?
Ah, oui. Roi et reine, hm ? Son cœur se serre en voyant le nom de son amie, puis elle fronce les sourcils. Tess ? Est-ce que c'est la même Tess qu'elle a rencontrée l'année où elle est arrivée ? Son visage s'assombrit. C'est elle qui... lui vole...
» Tessa ?
Elle se reprend, fixe la personne qui lui demande de voter. Peu importe, non ? Autant qu'elle vote au hasard. Ça ne changera rien à sa vie, de toute manière. Tant qu'elle ne voit pas Becky monter sur scène avec quelqu'un, tout ira bien. Tout ira... bien...
Les Pires Cauchemars Naissent dans un Beau Sourire
ft beaucoup de monde
30/06/19, 19:37, Auditorium de l'ISS.
Un bal de promo...
Depuis que Chris avait découvert cette nouvelle vie, il connaissait chaque jour de nouvelles choses. Mais si on lui avait dit qu'une fille, à plus forte raison aussi jolie que Lily, allait lui demander de l'accompagner à son bal de promo, il aurait certainement bien rigolé, et ne l'aurait jamais cru.
Alors que la nuit commençait doucement à tomber, le Corbeau traversa doucement la cour du campus menant au bâtiment du bal d'un pas nerveux. Pour la énième fois, il trafiqua nerveusement la cravate de son costume trois pièces noir, tout en repensant à ce que lui avait dit son ami universitaire Mike, en l'aidant à s'habiller. - Bon sang, mais... Tu vas la lâcher, cette putain de cravate, où il faut que j'te l'agraphe sur le front ?!! Avait il hurlé au bout d'un moment.
Chris n'était pas habitué à tout ça. Il n'avait jamais connu toutes ces choses. Et même si d'ordinaire, il était doué pour cacher ses sentiments, et faire semblant, ce soir là, il n'arrivait à rien... Ce soir là, c'était spécial pour lui. C'était une sorte de rencard. Le premier de sa vie ! Avec une fille qui lui plaisait beaucoup, la première de sa vie aussi. A un bal de promo, le premier de sa vie aussi. Ca faisait beaucoup de "premiers" pour un seul soir, même pour lui...
Finalement, en voyant la foule grandir peu à peu, le brun sut qu'il approchait du but et se força à réguler sa vitesse de marche ainsi que sa gestuelle pour dissimuler sa nervosité. Il ne voulait pas que Lily le voie aussi pitoyable. Il s'avança doucement, et croisa finalement son regard, après avoir mis quelques secondes pour la reconnaître. Il la détailla durant quelques secondes, avant de lui faire un sourire des plus sincères, puis la salua avant de lui proposer son bras, comme le ferait un chevalier servant exemplaire.
Ce geste lui fit bizarre. Chris avait toujours été plus proche de la faucheuse que du chevalier blanc, de son propre point de vue, et ce n'était pas un hasard s'il avait choisi un costume noir pour se vêtir, ce soir là. Cette couleur était son domaine... Néanmoins, il lui proposa son bras car il voulait lui faire plaisir. Après quoi, le couple entra, avant qu'on ne leur propose de voter pour le Roi et la Reine du Bal. Le brun ne s'intéressa pas vraiment à ça, il était accaparé par les décorations de la salle. Mais soudain, son attention fut attirée par un détail qui lui fit écarquiller les yeux: quelqu'un les avait inscrits, Lily et lui, comme potentiels roi et reine du bal.
Le Corbeau tourna alors son regard de brume vers la jeune Cullen, avant de lui murmurer d'une voix surprise: - C'est toi qui as fait ça ?! Il n'y croyait pas vraiment, et cela s'entendait dans le ton de sa voix. Il commençait à connaître Lily. Et monter sur la scène du bal de promo n'était probablement pas dans les projets de la jeune adolescente...
Son regard balaya une nouvelle fois la salle avant de bloquer une nouvelle fois, sur une autre lycéenne. Il hésita, n'étant pas sûr d'avoir bien reconnu la personne... Qu'est ce qu'elle pourrait bien faire à une telle soirée, après tout ? Cela ne lui ressemblait pas du tout... "Mais à lui non plus, après tout... Et pourtant, il était là, en costume, au bras d'une superbe fille," ne put il s'empêcher de se riposter à lui même. Elle tourna alors la tête, et le doute ne lui fut plus permis: Tessa était à la soirée ! - Ohh, non... lâcha t'il malgré lui dans un murmure à peine audible.
Le coeur du Corbeau manqua un battement avant de s'accélérer légèrement tandis que son stress commença tranquillement à grimper en flèche... Au vu des évènements qui s'étaient produits lors de leurs dernières rencontres, sa présence en ces lieux était tout sauf une bonne nouvelle pour le jeune Raven, et il en avait parfaitement conscience.
Décidément, cette soirée s'annonçait très longue et très compliquée pour Chris, en fin de compte...
C'est le grand soir ! Et autant dire que je suis à la fois autant excitée que nerveuse ! On est jamais allé au bal ! C'est sa première pour Lily ! Cela va être formidable ! Je n'arrête pas de sautiller partout, un peu comme un premier jour d'école ! Et puis Lily sera bien accompagnée, et nous ses émotions on sera là pour veiller à ce que tout se passe bien ! On a pensé à enfermer Tristesse dans la bibliothèque à bouquiner ! Car il est absolument hors de question qu'un village nuage vienne griser cette merveilleuse soirée qui s'annonce. Sauf que....bon je vais pas vous le cacher, c'est plutôt gérer les autres...qui va être compliqué !
Joie - » Arrête de te cacher sous la commande Peur ! Franchement tu psychotes beaucoup trop Peur - » Tu comprends pas Joie ! Il y a des GENS ! des G-E-N-S ! Il y a forcément quelque chose qui va se passer ! En plus y'a notre coloc et de rappel elle aime bien Chris ! Et en plus y'a Jesse Macpherson...et puis...et puis... Joie - » C'est bien ce que je dis tu te fais un sang d'encre pour rien... Peur - » mais tu as vu dans quelle tenue on est ! Comment tu veux que je ne m'inquiète pas ! Holalalalala je savais que c'était une mauvaise idée... Dégoût - » Il a quelque chose à redire sur mon choix de costume le canard mouillé ?
Je comprends pas ce qui lui déplait dans ce costume...moi je l'aime bien... Mais qu'en est-il de Lily...?
• • •
Elle doit vraiment y aller dans cet accoutrement...Disons qu'avant qu'elle n'invite Chris, elle n'avait pas compris que cela serait une soirée à thème, elle avait espéré pouvoir venir en robe tout au plus, ou bien dans son uniforme...mais pas en...en...Bon c'est tout ce qu'elle a trouvé hein pour s'accorder à la thématique de cette nuit ! Alors pas de jugement...Sauf que pour attirer les regards des hommes un peu trop fan service, il n'y a pas mieux...Quelle merveilleuse idée...Ouais on y repassera...
C'est donc habillée dans ce costume de maid que la jeune rouquine arriva dans la pièce. Évidemment tout les autres invités étaient dans le style classique, robe noire classieuse, ou bien costume dans son plus bel apparat...Personne n'avait choisi quelque chose d'aussi décalé qu'elle...Quoi que...ce blond là bas...elle est persuadée de l'avoir déjà vu...ce serait quand même pas l'autre fils à papa mateur de poitrine ? En robe de mariée ? Really ?! Finalement elle se sent rassurée, son accoutrement n'est pas si mal en fin de compte...
Un bref coup d'oeil fait comprendre à l'irlandaise que Chris n'est pas encore arrivé...ou du moins pas dans les parages. Elle profite donc de ces quelques minutes pour aller chercher à soulager son gosier. Puis elle voit le brun habillé de son costume très chic, le rendant sexy badass as fuck à souhaits ! Oups pardon les pensées de la joueuse viennent d'interférer ! Après ce mini blocage sur le brun, elle se dirige vers lui les joues rouges et le remercie intimement d'être venu du regard. A dire vrai, elle est heureuse d'être ici, mais elle ne sait pas du tout comment se comporter...et elle n'est pas très à l'aise avec toute cette foule.
Vite fait, elle repéra Jesse qu'elle salua d'un bref signe de main, avant de retourner son regard sur le brun, et de laisser s'esquisser un sourire sur ses lèvres légèrement glosées. S'accrochant à son bras, assez timidement, la belle le suivit et regarda la liste des inscrits pour y voir leur deux noms...Heu....non ce n'est pas elle non...mais maintenant il allait falloir qu'elle analyse qui pouvait bien être le coupable....Surtout que pour être plus précise...elle ne connait pas grand monde, à part sa colocataire de chambre...Jesse Macpherson...et Chris...donc ça ne pouvait être que quelqu'un qui se fit à la rumeur un peu trop étanche comme quoi ils seraient ensembles ! Des bruits de couloir, et un poisson dans l'eau difficile à noyer. Ou quelqu’un qui veut lui nuire du genre l'amie du danseur....ou bien l'autre fille à la soirée ?
▬ Alors non...je suis innocente, j'ignore qui mais...apparemment il semblerait que quelqu'un veuille se plaire à faire perdurer la rumeur...
Peut être qu'il n'en a pas entendu parler ? Ce serait bien de le mettre au parfum alors...
Sauf qu'il semble soudainement mal à l'aise ! Voulant presque fuir le regard de quelqu'un, que cette personne ne le trouve pas dans cette masse. Une ex ? Non impossible, il lui avait dit qu'il n'avait jamais eu de relation avec qui que ce soit.... Lily trouvait cela bien étrange, mais il avait son jardin secret, alors....elle ne voulait pas s'immiscer dans sa vie, s'il ne voulait pas lui dire...C'est son droit après tout...Il ne sont pas ensemble...
Dommage aurait-elle pu se dire, mais ça serait trop s'avancer dans quelque chose d'enlisé, un sujet trop compliqué pour être étudié maintenant...surtout qu'elle ne sait pas vraiment la nature de ses sentiments pour le jeune homme. De l'amitié...plus que ça ? C'est difficile...son expérience amoureuse l'empêche de se suggérer cette éventualité.
Becky... au bal... avec Tess... Peu importe combien de fois elle fait tourner ça dans sa tête, peu importe à quel point elle fait rouler entre ses doigts le bracelet que son amie lui avait offert pour noël, Tessa n'y arrive pas. Elle n'arrive pas à accepter que Becky soit proche de cette fille, l'aime, peut-être. Elle n'arrive pas à juguler l'angoisse qui lui brûle les veines et les artères, qui s'infiltre dans son cerveau, ses poumons, sa bouche, ses yeux. Obsessionnel, serrés, sèche, humides. Et tout ça se voit. C'est sans doute l'une des rares occasions où son vrai visage transparaît. Ses vraies émotions, sans masque ni atténuation, sans faux-semblants ni mensonge, sans adaptation. Et son vrai visage n'est pas celui de quelqu'un de bien. Elle le sait.
Et pourtant, elle l'écoute. La voix de sa conscience, celle au fond de sa tête qui a guidé le moindre de ses pas depuis le premier jour de l'école primaire, l'absence de sa mère, celle qui a planté la graine de la folie dans son crâne en même temps qu'une maladie obsessionnelle et démoniaque, celle qui y a ensuite fait naître cette addiction folle, piètre consolation devant l'état de son psyché. La peur. La seule chose qu'elle connaît, la seule chose qu'elle comprenne. Peur de la solitude, peur de l'abandon, peur d'être trop imparfaite pour qu'on l'aime vraiment un jour. Elle n'est qu'une fille avec qui on s'entend bien et qu'on jette ensuite, quelqu'un qu'on garde avec soi jusqu'à ce qu'on trouve mieux, quelqu'un qu'on ne peut pas aimer. Sa mère ne l'a pas aimée. Son père ne l'a pas aimée. Sa cousine ne l'a pas aimée. Cam ne l'a pas aimée. Ils ont tous finis par s'éloigner, s'énerver, disparaître, trouver mieux. Pourquoi Becky serait-elle différente ? Parce qu'elle lui a donné un bracelet ? Beth lui a donné la vie, et ça ne l'a pas empêchée de disparaître.
Tessa essuie d'un geste rageur les larmes qui essayent de noyer son regard. Le thème de la soirée lui correspond aujourd'hui plus que n'importe quel autre jour. Le noir et le blanc. Le gris, au milieu, tout autour d'elle. Là, tout le monde voit presque le monde comme elle. Sans couleurs, sans éclat. Mais eux, ils voient les yeux des gens. La peau. Les cheveux. Ils sont encore loin d'être autant qu'elle dans un monde de nuances de gris.
Et pourtant, même sans couleurs, elle reconnaît Becky. Et pourtant, même sans couleurs, elle reconnaît Tess, avec elle. Dans une autre vie, quand Cam l'attendait encore – ou qu'elle le croyait – elle a rencontré cette fille. Une IRS comme elle, qui s'était dressée avec elle contre des prétentieux de l'autre école. Elles leur avait fermé leur clapet. Tess, c'est la fille dont elle s'est inspiré la première fois qu'elle avait rencontré l'assassin qui n'avait cessé d'apparaître dans sa vie depuis. Une fille forte, sûre d'elle, qui ne reculait pas et qui, malgré son passé, semblait pouvoir ignorer la peur comme d'autres ignorent une personne désagréable. Comme Tessa ignore une personne désagréable. Et aujourd'hui, Tess, c'est la fille qui est venue au bal avec sa meilleure amie et qui, peut-être malgré elle, vient l'arracher à sa vie. Non. Elle refuse de revivre ça. Becky est la dernière personne à qui elle tient. Pourquoi devrait-elle la perdre, elle aussi ?
Le cœur serré, Tessa boit trois gorgées supplémentaires de sa bouteille d'eau. Pas assez, selon elle, mais elle en garde pour plus tard, vu que ce genre de bal bannit l'alcool de son mieux. Elle déglutit, puis elle s'approche des filles. Son regard est fixe, un peu vague. Elle se rappelle de l'époque où Becky voyait ce garçon et où seul le bracelet l'avait empêchée de sombrer dans la paranoïa. Mais maintenant il y a l'abandon de Cam. Mais maintenant il y a l'alcool. Mais maintenant il y a la menace qui pèse sur d'elle. Un bracelet n'est plus assez pour garder sa phobie sur les rails.
» Becky...
Sa voix tremble. Là où son regard ne semble pas vouloir perdre son effrayante stabilité, le son qui sort de sa bouche est incapable d'en obtenir une. Elle serre ses mains l'une dans l'autre, le cœur valsant entre la détresse et la colère, l'esprit vacillant entre la phobie et l'hystérie. Et elle reste là, immobile, son regard violet planté dans celui résolument gris de son amie. De quelle couleur sont ses yeux, d'ailleurs ? Lui a-t-elle seulement posé la question avant de la perdre pour toujours ?
Elles se tiennent la main. Évidemment, idiote, crie une voix dans sa tête, elles, contrairement à toi, ne tombent pas amoureuses sous l'influence d'une maladie mentale. Elles sont ensemble, elles te sourient et, comme tout le monde, elles vont de laisser de côté. C'est la loi de la vie qu'elle a toujours menée. Tessa regarde son ami sans la voir. Ses yeux sont rivés sur les mains entrelacées, comme si une partie de son âme avait décidé là, sur l'instant, que cette image était la dernière qu'elle devait voir. C'est plus douloureux que ce qui lui est arrivé ces derniers mois.
Quand les mains se séparent, elle reprend légèrement conscience de la réalité. Mais le mal est fait. Le poison qu'elle s'inflige elle-même court déjà dans ses veines, paranoïa maniaque qui brouille toute perception qu'elle peut avoir du monde, de la scène, de la main qui s'approche d'elle. Elle ne bouge pas quand celle-ci se pose sur la sienne. Elle n'essaye pas plus de s'y accrocher que de la repousser. Son cœur balance encore. Colère d'un côté, peine de l'autre, incapable de choisir tant la peur l'a court-circuité. Et puis d'un coup...
» Tessa ! Tu es venue ? Tu aurais dû me dire, je t'aurais invitée ! » Vraiment..?
Sa question aurait pu être pleine de détresse ou d'espoir, mais il suffit de la connaître un peu pour reconnaître le sarcasme qui se dégage de sa voix. Elle n'y croit plus. En fait, elle ne croit plus vraiment en rien depuis quelques temps. Certainement pas l'amitié, les relations et quoi que ce soit de stable autour d'elle. Elle repousse tout le monde, c'est toujours comme ça qu'a fonctionné son existence. La différence c'est que, maintenant, elle a cessé de croire qu'elle pourrait y changer quoi que ce soit.
» Tu ne serais pas juste venue avec ta copine pour me laisser de côté ?
Est-ce son cœur qui tremble, ou son corps entier ? Une partie d'elle refuse la douleur. Elle a conscience de la présence de la bouteille dans son sac, et d'une seconde dans son sang. C'est comme ça qu'elle arrête de souffrir. Elle aurait dû se contenter de ça. Pourquoi est-elle là, finalement ? Il y a d'autres remèdes à la douleur. La rancœur, la colère... Ce sont les plus simples, les plus automatiques, aussi. Si Becky est destinée à l'abandonner, autant lui faciliter la tâche... Injuste et glaciale. C'est ce qu'elle est sans s'en apercevoir. C'est ce que lui avait dit Willow et ce qu'elle refuse de voir, de penser ou d'admettre. Cette lettre à Noël, cette lettre qui soulignait l'injustice de ses aces, elle l'a ignorée. Et elle replonge dans le même schéma. L'amour est un mensonge. L'amitié n'est qu'un mensonge. Elle le sait. Elle l'a toujours su. Les pires cauchemars naissent dans un beau sourire.
» Tu es comme les autres... Vous êtes tous pareils, toutes pareilles... On vous fait miroiter un sentiment illusoire et vous le suivez comme un papillon vers la lumière en laissant tout le monde derrière vous...
Ses doigts triturent le bracelet autour de son poignet. L'amitié... Il n'y a pas si longtemps, elle le serrait entre ses doigts pour se rappeler que Becky l'aimait et qu'elle n'était pas seule. Mais c'était avant que le seul espoir qu'elle avait dans les sentiments s'effondre devant une photo. C'était avant qu'elle se brûle la gorge et s'assomme l'esprit pour oublier ses raisons de pleurer. C'était avant qu'on pointe une arme sur elle et qu'elle réalise à quel point la mort lui faisait plus envie que peur. Avant qu'on lui fasse croire qu'elle aurait pu en finir comme elle aurait dû le faire depuis le début.
Et dans tout ça, Becky était tombée amoureuse une nouvelle fois. La seule personne qui lui restait lui échappe. Elle ferme les yeux. Pourquoi cet idiot ne lui a pas filé un flingue chargé ce jour-là ? Pourquoi a-t-il vraiment tenu à l'épargner au lieu de la laisser disparaître et laisser le monde tourner sans elle ?
» Tu... Tu as bu, non ? » Pas plus que d'habitude.
Oui, elle a bu. C'est ce qu'elle fait depuis presque un an maintenant. Elle serre les poings.
» Tu le saurais si tu prêtais encore attention à moi.
Son ton est sec et ses paroles cruelles. Peut-elle seulement s'en rendre compte ? Probablement pas. Elle ne réalise pas à quel point. Injuste et cruelle, toujours la même rengaine.
» Mais tu as plus important à faire, je sais. Je ne voudrais pas perturber ton idylle.
L'amour est une plaie, une illusion, c'est un joli mot qu'on écrit en grosse lettres pour cacher l'abandon. Mais l'un ne va pas sans l'autre. Jamais.
» Bien sûr que je me soucie de toi ! J'étais...
Je ne veux pas l'entendre. Je ne veux pas l'écouter. Je ne veux plus les entendre ! Aucune d'eux ! J'en ai marre de leurs excuses ! Tessa a le poing serré. Elle sent ses ongles qui s'enfoncent dans sa peau. Un mot qui tourne en boucle dans sa tête. Menteuse. Menteuse. Menteuse. Tout le monde ment, toujours. Elle va l'abandonner comme les autres, parce que c'est ce qu'ils font tous. Ils trouvent quelqu'un qui fait battre leur cœur un peu plus vite que la normale, et ils oublient tous les autres. L'amour est un poison. N'est-ce pas ce que ses psys lui ont toujours répété ? Tu ne peux pas comprendre la perte que j'ai subi. J'ai perdu mes deux parents Tessa. J'ai perdu un œil Tessa. Elle secoue la tête. Chasse les mots de sa cousine. Des excuses, ça aussi. Rien ne justifie. Rien...
» Je... Je n'ai pas l'intention de t'abandonner, Tessa... Je... J'avais remarqué que tu buvais, mais je ne savais pas quoi faire. Je pensais que c'était sous contrôle, je me suis dit que tu étais assez grande pour gérer ça...
Un souffle agacé lui échappe comme seule réaction. Assez grande pour gérer ça... Est-ce que c'est ce que se disent les gens ? Ta mère n'est jamais là, tu es assez grande pour le gérer. Tes amis s'en vont, tu es assez grande. Cam ne t'aime pas, mais tu es grande, tu peux t'en sortir. Ton père s'éloigne, tu es assez grande pour ne plus avoir besoin de lui. Ta cousine t'abandonne, mais tu es assez grande. Tu es juste folle, Tessa, et personne ne t'aimera jamais. C'est ça, qu'on aurait dû lui dire. Sa gorge se serre. Elle ne veut pas savoir. Aucune raison n'est valable. Aucune raison n'est jamais valable. Son autre main continue de serrer le bracelet.
» Je ne veux pas savoir ! Je ne veux pas entendre ! Vous avez tous une bonne raison, toujours une bonne raison ! Toi aussi, tu vas me dire que c'est dans ma tête ?!
Elle ne sait même pas comment elle trouve encore la force de parler alors que sa gorge est plus serrée que jamais. Comment les sons parviennent à la traverser malgré tout. Son esprit se brouille, elle écoute à peine. Elle ne veut pas savoir. Elle ne veut pas entendre de raison ou d'excuse. Aucune ne sera suffisante. J'espère te croiser. Menteuse. Je n'ai pas l'intention de t'abandonner. Menteuse. Menteuse !
» Ils disent tous ça. Ils disent tous ça mais il le font quand même ! Beth, Willow, Cam, et toi aussi ! Tu vas faire comme tout le monde ! Le seul qui ne m'abandonne pas, c'est ça !
Elle ouvre son sac pour jeter sa fausse petite bouteille d'eau aux pieds de son amie. Elle sent que certaines personnes se tournent vers elles. Elle entend des murmures. Autant pour son secret. Mais elle ne réfléchit pas assez pour réaliser que n'importe quel membre du personnel de l'école peut voir ça, voir la bouteille, comprendre. Lui arracher sa solution.
» Tu veux que j'arrête pour toi ? Et il me reste quoi, après ?
Elle pleure. Des larmes autant motivées par la colère que par le poids de ses abandons réels et imaginaires. C'est comme ça qu'on détruit tout. Immobile au milieu du bal, Tessa regarde le visage de son amie se décomposer un peu plus. Ne devrait-elle pas réaliser qu'elle la blesse ? Ne devrait-elle pas comprendre qu'elle lui fait du mal ? Si... Si, elle devrait le savoir. Mais elle la regarde simplement, et elle est incapable de réagir autrement. Son regard se fixe sur la bouteille que Becky emporte loin d'elle. Ignore le reste. Ignore la déception qu'elle devrait pouvoir lire sur ses traits, ignore le petit sourire, ignore le commentaire. D'autres images se succèdent dans sa tête. À la place de Becky qui s'éloigne, elle voit sa mère. Elle voit Willow. Elle voit Campbell. Et son cœur se brise un peu plus.
» Ne me tourne pas le dos !
Becky ne peut déjà plus l'entendre. Elle le sait. Elle le sait, pourtant elle crie quand même. Pourtant elle laisse son esprit basculer complètement. Treize longues années de rancœur alimentées par toutes les personnes qui ont croisé sa route, voilà ce qui serre ses poings, compriment ses poumons, motive sa voix. Elle n'en a plus rien à faire. Elle n'a plus rien à perdre.
» Tu es comme tous les autres ! Vous êtes tous pareils ! Tous prêts à laisser tout le monde derrière pour poursuivre quelque chose qui n'existe pas !
Des gens se tournent vers elle. Du coin de l’œil, elle voit un duo descendre de scène. Ah, le couple de l'année. Encore des victimes d'une illusion. Combien de temps avant qu'elle leur éclate au visage ? C'est le problème des illusions, elles ne durent que tant qu'on ferme les yeux, ou tant qu'il y a du liquide dans la bouteille. Son regard croise celui d'un garçon qui la fixe d'un air perplexe, comme s'il essayait de comprendre ce qui ne va pas chez elle. Ça ne fait que l'énerver encore plus.
» Pourquoi tu me fixes comme ça ? Quoi, tu voulais profiter d'un bal tranquille avec ta petite chérie ? Mais elle ne t'aime pas ! Elle va se barrer à la première occasion. Personne n'aime personne ! Ce monde n'est qu'un ramassis de menteurs, d'hypocrites et de rêves débiles !
Plus elle crie, plus sa voix est forte, et plus elle monte dans les aigus. Les élèves tournés vers elle sont de plus en plus nombreux. Ils arrêtent de danser les uns après les autres. Les couples, les solitaires. Dans un film, la musique se serait sûrement arrêtée de manière dramatique. Là, elle continue, parce que personne n'est là pour la couper, mais Tessa ne l'entend plus. Elle n'entend même pas les murmures des autres. Elle n'entend que le vide infini dans sa tête et dans son cœur.
» Vous êtes pathétiques. Tous. Infidèles, malhonnêtes, vous... » Eh, Tessa... » Ne me touche pas !!
Elle dégage brusquement la main qu'une fille essayait de prendre pour la calmer, et lui retourne un regard mauvais.
» Ne t'approche pas de moi ! Je ne veux pas de ta pitié ! Foutez-moi la paix, tous ! J'espère que je vous verrai tous crever !
Elle a besoin d'un verre. Elle a besoin de s'anesthésier plus, jusqu'à ce que tout s'efface pour de bon, jusqu'à ce qu'elle n'ait plus à voir leurs visages de chacals et de fouines.
Les Pires Cauchemars naissent dans un Beau Sourire
ft beaucoup de monde
La soirée battait déjà son plein depuis un moment, et Chris se trouvait du côté du buffet, un verre à la main, lorsque soudain, son attention fut attirée par une voix qu'il connaissait bien. Il tourna la tête dans sa direction, et comprit très vite qu'une tempête couvait. Une tempête dangereuse... - Bouge pas de là, j'reviens...Murmura-t'il aussitôt à Lily.
Il s'approcha de la scène que faisait Tessa, par derrière, et la vit repousser l'aide d'une pauvre lycéenne incapable de ne serait ce qu'imaginer à quoi elle avait à faire. Mais Chris, lui, savait ! Il avait déjà eu à faire à elle plusieurs fois ! Ils s'étaient croisés plusieurs fois, et s'il ne l'avait pas encore tout à fait bien cernée, il savait clairement que Tessa n'était pas le genre qu'il fallait approcher doucement avec douceur et affection. Pas là. Pas ici. Pas maintenant...
Dès qu'elle fit volte face pour se diriger vers le bar en quête d'un verre, elle se retrouva en face d'un obstacle imprévu la toisant de toute sa hauteur: - Ca suffit, Tessa ! La fête est terminée ! Sans attendre de réponse, il s'empara de son bras, et la força à le suivre à l'extérieur, loin des autres élèves, loin des oreilles indiscrètes, à l'air libre ! Il la poussa au dehors, la suivit, et referma derrière lui avant de se tourner vers elle. - Bon, il n'y a plus que toi et moi, maintenant !
Durant un instant, il fixa la brune caractérielle comme s'il cherchait à la cerner un peu plus, avant d'ajouter soudainement: - Bon sang, c'est quoi ton problème, Tessa ?! Lâcha t'il alors sans diminuer la distance qui les séparait, pendant qu'il s'allumait de son côté une cigarette. Tu crois vraiment que faire éclater une scène en plein bal de promo va t'aider à régler ton histoire ?! Qu'est ce qui t'arrive, encore ?!
Le claquement sec de son Zippo indiqua que sa cigarette était allumée et il commença à fumée tout en allant s'assoir sur un rebord de muret un peu plus loin. Avec tout ça, le brun n'avait pas eu le temps de voir qui avait été responsable de "l'incendie". Mais de toute évidence, soit un crush, soit une amie de Tessa...
Elle n'en peut plus de cet endroit. De cet école. Des gens de manière générale. Est-ce trop demander de pouvoir quitter ce monde et ne plus avoir à subir tout ça ? Tous ceux qui l'abandonnent, tous ceux qui la délaissent, tous ceux qui font semblant d'être différents des autres? Mais personne n'est différent, tout le monde est pareil. Ils abandonnent tout à la moindre étincelle de sentiment illusoire jusqu'à ce qu'ils se fassent abandonner à leur tour. Ses poings se crispent sous la colère et elle s'éloigne d'un pas rageur, prêt à se barrer d'ici une bonne fois pour toutes. Peut-être foutre en l'air la moitié de l'école au passage, parce qu'après tout pourquoi pas ? En fait, elle pourrait détruire leur bal et les illusions qui va avec. Mais on ne la laisse pas faire.
Loin de chasser sa colère, la voix qui l'arrête et le bras qui l'emporte ne font qu'ajouter une dose de plus à sa crise. Peut-être que si elle s'énerve assez fort, il se décidera enfin à la laisser mourir ? Il l'entraîne avec elle jusqu'à la porte de l'auditorium puis dehors, dans une zone de la cour un peu à l'écart de ceux qui flânent devant les portes. Dans le recoin du bâtiment, seule avec lui, Tessa n'arrive pas pour autant à calmer ses nerfs. C'est toute une vie qui a explosé ce soir, et même la peur n'arrive plus à la faire trembler davantage... ou moins.
» Qu'est-ce que ça peut te faire ?! Pourquoi tu me fous pas juste la paix ?!
Il est toujours là, dans son ombre, comme un insupportable pot de colle qui ne veut pas la lâcher. Mais il ne veut pas la tuer pour autant, ni la laisser mourir. Un héros exaspérant qui sauve les gens qui ne veulent pas l'être. Est-ce qu'il l'a suivie ? C'est la seule raison qu'elle voit pour qu'il soit là, ce soir, dans son école. Comme la dernière fois qu'il est venu.
» Pourquoi tu me suis ? Pourquoi tu t'intéresses à ce qui ne va pas chez moi ? De toute évidence, tu n'as pas envie de régler mon problème !
Sinon il ne lui aurait pas donné une arme déchargée. Sinon il n'aurait pas empêché les gens de la tuer. Sinon il lui aurait tiré une balle dans le crâne à leur première rencontre. Mais non, au lieu de ça, il persiste à la sortir de toutes les situations qui pourraient mettre un terme à son calvaire. Et maintenant il vient lui reprocher d'avoir craquer ? C'est à cause de lui ! Depuis qu'il est arrivé, sa vie est encore pire qu'elle ne l'était avant, et il lui a fait miroiter de l'espoir avant de lui arracher des mains.
» Dégage... Va te tirer une balle au lieu d'empêcher les autres de le faire...
C'est la première fois que son comportement ne change pas face à lui, sans doute parce que c'est la première fois qu'elle est elle-même devant l'école entière. La vraie elle, celle que personne ne pourra jamais aimer. C'est la seule raison pour laquelle les gens l'abandonnent, au fond. Elle a essayé de leur plaire, mais si même Becky a pu voir à travers assez longtemps pour la laisser tomber, c'est que le masque ne marche pas. Ce n'est pas les autres qu'elle devrait détester, mais on ne lui laisse pas le choix. Parce que personne dans cette foutue école ne la laisse tuer la seule qu'elle déteste vraiment.
Les Pires Cauchemars Naissent dans un Beau Sourire
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"Vous ! Votre faute ! Votre malhonnêteté ! Votre infidélité ! Vous m'abandonnez ! Vous êtes méchants avec moi ! Moi ! Moi ! Moi !"
Chris savait à quoi il avait à faire avant même de tenter de l'aider, et pourtant, l'adolescente parvenait malgré tout à le surprendre par son égoïsme et sa psyché tordue, et égocentrique. Et plus les secondes avançaient, plus il sentait que ce qu'il avait initié comme une conversation afin d'éviter que Tessa ne se ridiculise devant l'ensemble du lycée, et afin d'essayer de l'aider, d'essayer de la calmer et peut être de tenter de l'aider à comprendre ce qui n'allait pas chez elle, se dirigeait tout droit dans le mur...
Il aurait dû le savoir, ça aussi... La jeune Buchanan n'était pas une IRS pour rien. D'ailleurs, la brune commençait à pousser sa psychose jusqu'à penser que Chris la suivait. Le Corbeau s'engageait lentement mais sûrement sur une pente dangereuse, mais il en avait conscience. Il avait l'intention de détruire cette "histoire" que Tessa était en train de monter de toutes pièces dans son cerveau malade. Calmement, il l'écouta parler et cracher sur lui tout en se rendant compte à quel point elle pouvait être méchante et mauvaise. Finalement, lorsqu'elle se tut, un sourire étrange naquit lentement sur ses lèvres. Un sourire mauvais, malaisant. - Ca y est ? Tu as fini de cracher ton venin ?
Dans ce cas, c'était à lui de jouer...
Soudain, sans crier gare, Chris s'avança vers elle, et la gifla violemment. Assez violemment pour que la pauvre Tessa tombe au sol. Personne d'autre ne le vit, naturellement, puisqu'ils étaient seuls dans l'auditorium. Avant même que Tessa n'ait repris ses esprits, le brun s'agenouilla à côté d'elle, et l'attrapa par les cheveux avant de lui murmurer d'une voix soudain devenue totalement menaçante: - Mais à qui est ce que tu crois parler, comme ça ?! Je pensais que tu avais compris à qui tu avais à faire ?! Mais de toute évidence, tu n'apprends pas vite, ma pauvre Tessa ! Je ne suis ni ton copain, ni ton voisin, ni ton frère ! Nous sommes de parfaits étrangers, toi et moi !
Le jeune Raven tira légèrement les cheveux de Tessa afin qu'elle plonge ses yeux dans ceux du Corbeau, dont le regard avait complètement changé: que ce soit son expression faciale ou sa manière d'être, il n'était plus du tout le même, et elle retrouvait celui dont elle avait eu si peur, dans cette fameuse ruelle pluvieuse où ils s'étaient rencontrés tous les deux la première fois: - Ne me parle plus jamais, comme ça, Tessa ! Jamais ! C'est compris ? Je ne te rendrai pas le service de te tuer, mais je peux te faire découvrir bien d'autres... "plaisirs" qui te feront amèrement regretter d'avoir loupé ton coup cette fois là, lorsque tu as pressé la détente...
Là dessus, il relâcha son étreinte, et se releva, avant de soupirer longuement: - Il ne t'arrive jamais de réfléchir, apparemment ? Sans mon intervention, tu aurais poursuivie ta jolie scène devant tout le campus, sans te soucier des autres et de ce qu'ils peuvent penser, parce que tu te moques de ce que pensent les autres, n'est ce pas Tessa ? En tout cas, c'est ce que tu prétends... Et pourtant, tout ça a commencé parce qu'une de tes amies t'avait "abandonnée" au profit d'une autre, ce qui m'amène à penser qu'au fond de toi, tu n'es pas aussi insensible que ça à ce que peuvent penser les autres de toi.
Le brun fit une pause tout en expirant sa cigarette, avant de poursuivre: - Mais dis moi un peu: A qui aurais tu tenté de parler une fois que tout le campus se serait dit que tu étais complètement timbrée ?! Une fois que tu aurais exposé au grand jour ton égocentrisme latent et ton égoïsme incroyable ?! Hein ?!
Chris la regarda tout en secouant tout doucement la tête de gauche à droite avant d'ajouter sur un ton plus bas, et plus calme, tandis que toute trace de menace s'évanouissait peu à peu du langage corporel de l'assassin: - Tu devrais me remercier pour ce que je viens de faire pour toi. La vérité, c'est que je viens de te sauver la mise, un point c'est tout ! Mais pas d'inquiétude... Je suis parfaitement conscient que tu es totalement incapable d'une telle clairvoyance, et je n'attends absolument rien de toi... Faire quelque chose sans attendre autre chose en retour, c'est clairement une démarche que tu es incapable de comprendre...
Son sourire aurait dû être un indice, mais Tessa réagit à peine. Embrouillé par l'alcool, la colère et le désespoir, son esprit ne le remarqua même pas. Jusqu'à ce que sa main s'écrase sur son visage et la projette au sol. Elle se recroqueville, les doigts repliés sur sa joue et des larmes montant naturellement dans ses yeux. Son cœur se serre encore davantage, comme s'il cherchait à se consumer totalement. Mais elle sent une douleur au niveau de sa tête avant d'avoir le temps de se remettre, et son regard croise les yeux gris et perçants. Malgré la brume qui envahit son esprit, elle perçoit la menace, et c'est bien la seule partie de son environnement qui est claire autour d'elle. Elle se crispe, serre et desserre les poings de façon frénétique comme si elle hésitait encore entre la colère et la peur. Mais la seconde finit par l'emporter. Et la douleur qui lui creuse le ventre jour après jour depuis des années.
» Je le regrette déjà assez... souffle-t-elle d'une voix vide.
Elle aurait aimé ne jamais rater ce tir. Tout le monde aurait été plus heureux sans elle, à commencer par elle-même. Mais son corps a préféré la garder en vie et depuis, tout le monde semble être d'accord avec cette idée ridicule. Qu'elle doit survivre. Pourquoi tout le monde y tient tant ? Elle retient de toutes ses forces le sanglot qui lui comprime la poitrine et reste recroquevillée, sans se relever ni se redresser lorsqu'il le fait. Elle ne bouge pas. Elle écoute ses mots avec les yeux brûlants et sa voix se brise.
» Bien sûr, que je me soucie de ce que pensent les autres...
C'est à cause d'eux, à cause de tout ça, qu'elle est dans cet état. Parce qu'elle s'est trop souciée d'eux, parce qu'elle s'est trop inquiétée de ce qu'ils pensaient. Elle n'y a jamais été insensible. Ce que pensent les autres d'elle est la raison qui l'a mise dans cet état. Elle n'a plus envie de pleurer. Plus envie d'essayer. Son regard explore le sol comme si elle pouvait y trouver une bouteille, mais elle n'a pas plus d'échappatoire à sa situation physique qu'à son état mental.
» C'est à cause d'eux. J'ai essayé d'être parfaite pour eux. D'être comme eux, comme tout le monde, de leur ressembler. C'est parce que je suis trop sensible à ce qu'ils pensent de moi que je suis là...
À quoi bon ? Il n'a pas plus envie de l'aider qu'elle n'a envie d'exister. Elle pourrait aussi bien parler à un mur, ou parler dans le vide. Mais tout autant qu'elle n'arrivait pas à s'arrêter d'insulter les autres quelques minutes plus tôt, elle n'arrive plus à se taire. À calmer les larmes qui lui enflamment les paupières et les sanglots qui l'étouffent.
» Qu'ils le sachent... Qu'ils le sachent si ça peut leur faire plaisir... Tu ne comprends pas ? Je n'ai pas envie qu'on me sauve... J'en ai marre d'essayer d'être ce qu'ils veulent. Ça ne sert à rien... Même toi, tu le sais. Tu m'as vue trois fois et tu le sais ! Égocentrique, égoïste et timbrée. De quoi tu as besoin de plus... ? Pourquoi j'essaye ? Pourquoi j'essaierai encore ? Qu'est-ce que je veux que les gens croient, au fond ? Que j'en vaux la peine ? Même toi, tu sais que ce n'est pas vrai.
Elle s'assoit, replie ses genoux contre elle. C'est ça, l'inutilité de ses mensonges, les limites beaucoup trop claires de ce qu'elle peut cacher. Peu importe à quel point elle essaye de correspondre à ce que veulent les autres, à quel point elle le cache, il ne faut que trois face à face pour réaliser à quel point elle ne vaut pas la peine d'exister.
» Tout le monde sera mieux sans moi... Tu penses que tu m'as aidée..?
Elle se redresse, s'appuie sur un mur pour tenir debout. Elle a du mal à croire qu'elle en a seulement la force. Avec tout ça. Le cœur vide, l'alcool, le coup qu'elle s'est pris au visage. Mais son corps semble déterminé à la tenir debout. À garder le rôle et le masque. Faire croire qu'elle tient en place alors qu'il n'y a pas une seule part d'elle qui tient en équilibre.
» La seule chose qui peut vraiment m'aider, tu m'as fait croire que je pouvais l'avoir pour me l'arracher des mains...
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Briser la glace. Fracasser le verre, pour atteindre ce qui se trouve de l'autre côté. Si Chris était aussi dégoûté par son geste qu'aurait pu l'être n'importe qui l'ayant vu frapper ainsi une jeune fille un soir de bal, le fait était qu'il n'avait trouvé aucun autre moyen pour tenter d'abattre les murs derrière lesquels la brune s'était réfugiée. Sa colère et son égocentrisme la rendaient particulièrement difficile à toucher, à atteindre, et si le Corbeau voulait essayer de la choquer d'une manière ou d'une autre, ses options étaient plutôt limitées. Qu'elles soient "bien" ou non n'était pas à prendre en considération. Une fois encore, l'assassin se retrouvait face au même problème: faire ce qui devait être fait, peu importe que ce doit difficile ou non...
Lorsqu'il l'avait giflée, il avait déployé son jeu de terreur comme il savait si bien le faire, comme on le lui avait appris, ensuite de quoi il avait espéré... C'est alors qu'une faille s'était révélée chez la jeune Buchanan. Minime, d'abord. Mais très vite, Chris avait compris que sa stratégie était en train de payer. Il avait ENFIN réussi à la toucher. Pas de la façon dont il l'aurait voulu, mais... Tessa était malgré tout finalement en train de lui parler d'elle, de s'ouvrir à lui ! Et ça, c'était inespéré ! A la fois surpris et satisfait, le Corbeau l'écouta avec attention, le regard grave, tandis que toute trace de menace avait déserté son visage.
Doucement, il s'approcha de la lycéenne, et s'accroupit en face d'elle. - Pourquoi faire ? Pourquoi veux tu être parfaite ? Est ce qu'ils le sont, eux ? A quel moment le moindre d'entre nous a t'il été parfait ? Tenter de te rendre parfaite n'est pas et ne sera jamais la solution. Tant que tu ne le comprendras pas, tu auras un problème... Lui murmura t'il d'une voix soudain beaucoup plus douce, qui n'avait plus rien à voir avec le ton dur et dangereux qu'il avait employé précédemment. Chris sentit alors les nerfs de Tessa être mis à rude épreuve. Ils étaient en train de lâcher. Pour n'importe qui d'autre, il aurait risqué un contact plus proche, comme la prendre dans ses bras. Mais pas avec elle. Il avait piraté et lu son dossier. Il connaissait sa condition d'érotomane. Il savait qu'il devait surveiller ses gestes en permanence...
Lentement, il soupira, avant de répondre: - Personne n'a envie que tu sois quoi que ce soit ! Tu t'es inventé tout ça dans un but que tu es la seule à connaître... Les gens font connaissance, deviennent amis, et se séparent. Ca arrive tous les jours, c'est la vie, c'est comme ça. Mais tu crois vraiment qu'ils attendent les uns des autres qu'ils soient parfaits ? Tu crois vraiment qu'ils attendent de "moi" que je sois quelqu'un de parfait ? Réfléchis un peu, Tessa ! Ton raisonnement ne tient pas debout ! Tu es juste tellement focalisée sur toi même que tu ne penses pas à l'appliquer de façon globale ! Et pourtant... Si tu faisais quelque chose d'aussi simple, tu te rendrais vite compte que tes idées ne tiennent tout simplement pas debout...
Il la regarda en silence se redresser, puis se releva à son tour une fois qu'elle se fut mise debout. Une nouvelle fois, la lycéenne reprocha à demi mot au Corbeau de ne pas avoir tiré dans cette ruelle glauque, le soir de leur première rencontre, mais le brun choisit d'ignorer sa remarque. Il se contenta de s'assoir sur un muret, derrière lui, et soupira en l'observant. Décidément, elle n'était vraiment pas facile à gérer... - Tu ne sais même pas pourquoi tu cours après la mort... Tu supplies pour que je t'abatte, mais tu n'es même pas capable de déterminer pourquoi tu veux mourir. Tu affirmes que c'est notre faute à tous, que tu as essayé d'être parfaite mais que ça ne marche pas... Alors arrête ! Arrête d'être parfaite ! Regarde toi, Tessa ! Tu porte ton uniforme d'Indarë même les jours où tu n'as pas à le porter ! Combien d'élèves font ça ? Tu peux me le dire ? Tu t'es tellement enfoncée dans cette logique de perfection que tu t'y es noyée ! Tu es en train de t'y perdre ! Et pourquoi ?
Le brun se leva et s'approcha de Tessa. Il baissa légèrement la tête pour être à sa hauteur, nez à nez, et lui sourit, pour la première fois depuis qu'ils s'étaient rencontrés. Un sourire franc et réel: - Si tu n'as rien à y gagner du tout et si tout ça te fait du mal, alors quel intérêt ?! Au lieu de chercher une solution désespérée dans le canon d'une arme, peut être que c'est en toi que tu devrais la chercher ? Peut être que si tu laissais la vraie Tessa s'exprimer un peu plus, et que si tu arrêtais de jouer à ce jeu de parfaite lycéenne, les choses changeraient pour toi...
Le brun se redressa, et redevint sérieux, avant d'ajouter: - Mais pour ça, faut il encore le vouloir. C'est une décision qui ne peut venir que de toi...
Pourquoi tu veux être parfaite ? Tellement de raisons, tellement de réponses. Parce qu'il n'y a que ça pour ne pas être détestable. Parce qu'il n'y a que ça pour que les gens restent près d'elle. Parce qu'il n'y a que ça pour éviter la solitude. Parce qu'il n'y a que ça pour ne pas affronter le vide béant qu'est la totalité de son esprit. Son cœur est vide et elle le sait. Elle n'est qu'une coquille sans existence propre, dont le seul but est de ne pas être abandonnée. Mais qui ne voudrait pas l'abandonner ? Elle n'a plus la force de refléter le monde, mais elle n'a rien à lui offrir. Son regard se pose sur lui. Vide. Elle l'écoute mais la seule réponse que lui offre son esprit, c'est le silence. Elle ne comprend pas ce qu'il veut. Elle ne sait plus lire les gens. La seule chose qu'il lui restait s'est évaporée...
» Tu ne comprends pas... La perfection, ce n'est pas être un modèle...
Il porte un masque en permanence mais lui demande d'arrêter de faire semblent. La pointe d'ironie se fiche dans son esprit mais elle l'ignore ; elle n'a pas la force de faire ce genre de remarque. Sa main vient essuyer les larmes de son visage tandis que le mur la retient de son mieux. Et elle laisse les mots l'approcher et l'atteindre sans vraiment les intégrer, sans vraiment saisir ce qu'ils veulent dire. Arrêter d'être parfaite... Mais elle n'a rien d'autre, dans la vie. Elle n'a jamais rien fait d'autre, à aucun moment, que de correspondre à ce que les gens sont. Être au plus proche des gens pour qu'ils restent avec elle, ne froisser personne, s'accorder différemment à chacun. Ne pas se faire abandonner. Ça n'a jamais marché. Elle enchaîne les échecs et elle n'a plus la force de se battre pour en surmonter un de plus. C'était la chute de trop, ce soir. Elle regarde l'eau qui mouille ses mains maintenant qu'elle a essuyé son visage. Pourquoi elle veut mourir ? Parce qu'elle n'a pas de raison de vivre. Peut-être qu'elle se perd dans la perfection. Ou peut-être qu'elle n'avait déjà rien à y perdre et que c'est tout ce qu'il lui reste.
» Je n'essaye pas d'être la perfection... La perfection n'existe pas. Les gens... ils ne le savent pas, mais tout le monde a ses préférences. On ne s'entend pas avec ceux qui ne correspondent pas à ce qu'on aime. Et on délaisse ceux qui ne nous ressemblent pas. Alors il faut... ressembler à ceux qu'on veut garder...
C'est une évidence. Sa logique imparable. C'est comme ça que fonctionne le monde. Les gens trop différents ne s'entendent pas, ou pas longtemps. Certaines personnes ne sont pas faites pour s'entendre et déclenchent des conflits dès qu'ils s'adressent la parole, incapable ne serait-ce que de discuter sans se mettre en colère ou sans perdre leur sang-froid. Mais en étant parfaitement ce qu'ils sont, et ce qu'ils aiment, il n'y a pas d'opposition. Pas de conflit. Pas de problèmes. Et pas d'abandon. Et d'un coup, elle arrête de penser à tout ça. Son corps semble se calmer mais elle n'a pas beaucoup plus d'émotions dans le regard. Elle le fixe. Et les mots qu'il vient de prononcer restent bloqués devant elle comme un mur.
» La vraie Tessa...?
Un effort mental remonte le fil de ses souvenirs pour essayer de trouver à quoi il fait allusion. Elle cherche, quelque part, une part d'elle qui aurait existé, vraiment. Mais à part des années de vide, la seule image qui lui apparaît l'espace de quelques secondes est celle d'une petite fille qui a cessé d'exister il y a bien longtemps.
» Il n'y a pas de vraie Tessa. Je suis juste un miroir. Il n'y a rien, là-dedans.
Elle pose sa main sur sa tempe, effleurant au passage la cicatrice qui n'a pas réussi à lui coûter la vie.
» Il y a autant de Tessa qu'il y a de personnes autour de moi... Sage avec les gens sages, blessée avec les gens tristes, confiante avec les gens sûrs d'eux. La seule chose qui existe vraiment, chez moi, c'est que je lis les gens. Je vois ce qu'ils sont et je deviens comme eux.
Elle n'a jamais été personne, seulement de reflet des gens qu'elle côtoie. Avec Becky, elle était calme, elle avait copié sa façon de détourner le regard, de ne juger rien ni personne. Avec Tess, elle était plus sèche, plus courageuse, plus directe. Avec Daryl et avec son club, elle était organisée et et positive. Avec Tyler, douce et compatissante. Seule... seule elle n'est rien. Parce qu'un miroir sans rien à refléter n'a aucune image propre à offrir.
» Je n'ai rien à exprimer... Je porte mon uniforme parce que je n'ai rien d'autre. Pour avoir des choix vestimentaires, pour exprimer des choses, il faut avoir une personnalité.
Ce n'est pas tout à fait exact. Reya lui a ramené une valise de vêtements qu'elle n'a jamais sortis de l'armoire, ni même de la valise, et elle a bien littéralement deux tenues à elle, mais elle ne les porte que quand elle en a besoin - autant dire jamais.
» Et on ne reste pas avec quelqu'un qui n'a pas de personnalité...
Il voulait savoir pourquoi elle veut mourir ? C'est pour ça. C'est pour ça qu'elle n'a plus envie de se battre. Si sa seule manière d'être aimée ne fonctionne pas, pourquoi continuer ? Personne ne peut aimer ce qui n'existe pas. Et si personne ne l'aime, si tout le monde l'abandonne, autant ne pas rester dans ce monde.
Les Pires Cauchemars Naissent dans un Beau Sourire
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Un miroir. Voilà donc ce que la pauvre Tessa s'imaginait être. Elle ne faisait que copier, imiter, afin de mieux renvoyer une image appropriée. Le tout dans le but de ne pas être abandonnée, encore une fois. Elle était parvenue à apprendre, comprendre, assimiler, de nombreux comportements de la part des gens l'entourant, nouvelle preuve de sa grande intelligence, mais elle n'était pas capable de comprendre qu'elle n'irait nulle part avec une telle méthode. Les choses ne fonctionnaient pas comme ça... Contre toute attente, un dialogue à coeur ouvert s'était installé entre les deux adolescents, et Chris tentait de faire comprendre à la jeune Buchanan qu'elle n'était pas sur la bonne voie. Mais il sentait bien que, tout comme lui, elle n'était pas tout à fait honnête avec lui. Il n'en était pas spécialement étonné et ne pouvait pas lui en vouloir pour ça, mais cela ne facilitait pas son travail...
Le Corbeau écouta la jeune femme lui expliquer comment elle "reproduisait" les comportements des gens avec une froideur qui lui faisait un peu penser à sa façon de tuer, idée qui ne lui plaisait pas vraiment, même si... Qui était il pour juger ? - Alors brise ce miroir ! Et commence à renvoyer une véritable image ! Tu crois peut être qu'il n'y a pas de vraie Tessa parce que tu ne l'as plus laissée s'exprimer depuis des années. Dans le but de manipuler et tromper, tu l'as peut être enfermée dans un coin de ta tête, ajouta t'il en tapotant doucement la tempe de la jeune fille avec son index.
Il fit une pause après les dernières phrases de la lycéenne en la fixant d'un regard grave. A nouveau, il avait senti qu'elle n'avait pas été tout à fait honnête avec lui, et il décida de la secouer une nouvelle fois: - Mais non... Tu ne le feras pas... Tu ne le feras pas parce que tu es terrifiée ! Tu as tellement peur de l'abandon des autres que tu ne cherches même pas à t'en sortir ! Tu veux seulement qu'on mette fin à ta douleur, parce que tu es également trop lâche pour le faire toi même ! Il fit une pause en soupirant, puis reprit: - Tu AS une personnalité ! Et tu le sais pertinemment ! C'est d'ailleurs tout le noeud du problème ! Tu détestes tellement ce que tu es que tu as été jusqu'à supprimer entièrement la vraie Tessa pour en créer une sur mesure à présenter en face de chacun des individus de cette planète ! Tu ne t'es pas dit que tu pourrais peut être essayer de changer. Tu as directement supprimé la véritable Tessa, dans le but de ne pas être abandonnée, et tu as crée ce miroir à la place !
Le brun se pencha une nouvelle fois pour se retrouver nez à nez avec la jeune Buchanan. Il ne souriait plus, cette fois: - Mais dis moi un peu: qu'est ce que c'est, si ce n'est pas du changement ? Tu as été capable de changer entièrement sans t'en rendre compte, mais tu n'as même pas essayé de changer la vraie Tessa en gommant tout bêtement certains de tes défauts. Pas en les supprimant ! Insista Chris en levant alors l'index droit pour appuyer son argumentaire, parce que nous ne sommes pas des robots. On ne supprime pas un défaut. On peut le cacher, comme tu l'as fait, mais on ne le supprime jamais totalement. C'est pourquoi ce soir la véritable Tessa s'est manifestée, tout à l'heure, et a fissuré le miroir durant un bref instant. Mais on peut au moins essayer de gommer un défaut une fois qu'on en a conscience et qu'on fait des efforts ! Mais non ! Toi, ce n'est pas ce que tu as fait ! Tu as détruit la véritable Tessa dans le but d'être entourée et aimée par les autres ! Tu l'as enfermée dans une prison de verre, derrière un miroir sans tin, et tu l'as condamnée à observer les choses se dérouler sans rien pouvoir faire ! A te regarder te perdre, toujours plus loin... Tu m'étonnes qu'elle en ait marre... Tu m'étonnes qu'elle veuille mourir...
Il se redressa une nouvelle fois, éloignant son visage de la lycéenne, puis reprit alors: - Eh bien devine quoi: Tu as commis une grave erreur ! Je préfère largement la véritable Tessa à cette... chose que tu as fabriquée ! Les intéractions sociales ne marchent pas comme ça ! Les miroirs ne fonctionnent pas ! Tu ne t'es jamais dit que les gens t'abandonnaient parce qu'ils comprenaient ton manège ? Si moi je le comprends, je ne suis forcément pas le seul ?! Tu es une fille intelligente, Tessa, c'est entendu ! Mais ce que tu fais là, ça ne t'aidera pas à accomplir ton objectif ! Si tu veux vraiment être aimée et choyée par les gens, alors il va te falloir restaurer la véritable Tessa, et prouver sa valeur ! Celle qui est lâche, celle qui est égoïste, celle qui est égocentrique et qui est une vraie peste !
Il reprit son souffle, puis devançant les paroles de la jeune fille, reprit aussitôt: - "Mais si je fais ça, personne ne m'aimera ! Ils m'abandonneront tous !" Lança t'il avec une voix un peu plus aigüe supposée être celle de l'adolescente. Oui, c'est exact ! Trancha alors le brun. Et c'est là que le fait de changer et de faire des efforts entre en jeu. C'est là que tu prouves que tu vaux quelque chose, et que tu es capable de gommer tes défauts ! Si tu n'es pas capable de prouver aux autres que tu vaux quelque chose tout en te révélant sous ta véritable personnalité, tôt ou tard, tu le paieras ! Crois moi, j'en connais un rayon sur le sujet ! Conclut le Corbeau d'un ton grave.
Il inspira à nouveau avant d'ajouter: - C'est la croisée des chemins pour toi, Tessa... Tu as l'opportunité de comprendre le noeud du problème et de commencer à travailler dessus pour tenter de le résoudre. Contrairement à moi, tu as la chance de pouvoir connaître une fin heureuse. Ne la gâches pas simplement par peur de l'abandon... Tu vaux mieux que ça... Conclut le brun en secouant très légèrement la tête de gauche à droite.
Elle ne le croit pas. Ou peut-être qu'elle n'a pas envie de le croire. La vraie Tessa a cessé d'exister quand elle avait cinq ans. Quand sa mère a cessé de venir, et cessé de l'aimer. Elle a tant voulu remplacer cette mère et, dans un sens, elle l'a fait, mais ça n'a pas fait revenir la petite fille qu'elle avait laissée derrière. Et elle n'est jamais revenue. Ce ne sont pas "des années" qui l'ont fait disparaître, mais plus d'une décennie. La quasi-totalité de sa vie. Elle secoue la tête.
» Elle n'existe pas...
Elle recule d'un pas pour s'éloigner de lui. Elle n'a pas envie d'écouter ses mensonges. Il y a bien longtemps qu'elle a cessé d'exister. Bien avant qu'elle tire cette balle qui était censée rendre les gens plus heureux autour d'elle. En disparaissant, elle facilite la vie de tout le monde. Personne n'a besoin d'elle, et encore moins du vide dans sa tête et dans son cœur. Cette "vraie Tessa" qui n'existe nulle part. C'est pour ça que vivre n'a aucun sens.
» Ils n'ont pas attendu ça pour m'abandonner ! Pourquoi tu penses que j'ai commencé à changer ? Tu continues de répéter que j'ai enfermé ma personnalité, mais c'est faux. Je n'en ai pas. Ce n'est pas un miroir sans tain, il n'y a rien derrière. Personne.
Mais si je fais ça, personne ne m'aimera ! Ils m'abandonneront tous ! Bien sûr que non. Parce que personne n'aime les égoïstes et les égocentriques, parce que personne n'aime les cœurs vides et les esprits sans empathie. Elle ne peut rien changer parce qu'il n'y a rien à changer. Au mieux, elle pourrait choisir une de ses personnalités créées de toutes pièces et la garder en place, poser un masque permanent jusqu'à s'y habituer.
» Tu ne sais pas de quoi tu parles... Tu penses que je vaux quelque chose ? Vraiment ?
D'un geste rageur, à cause de toutes les émotions qui s'agitent dans sa tête depuis le début de la soirée, elle arrache l'élastique dans ses cheveux, le collier autour de son cou, et la fleur accrochée à sa robe.
» Peu importe combien j'enlève de décoration, combien j'enlève de couches, il n'y a que des mensonges sur des mensonges.
Elle ramène la masse de cheveux en arrière, essuie les larmes qui ne veulent pas s'arrêter.
» La seule chose que je pensais vraie à propos de moi était un mensonge de plus. Mes émotions sont aussi fausses que le reste. Même ma peur est une maladie. Je suis juste des maladies empilées derrière un miroir qui pensent être une personne.
Phobies, érotomanie, achromatopsie, alcoolisme. Elle n'est définie que par des maladies qui se succèdent les unes après les autres. Un poison pour elle comme pour les autres.
» Quelle fin heureuse ? Rien de ce qui vient de moi n'est vrai. Ni ce que je dis, ni ce que je pense, ni ce que je ressens. Comment tu veux que j'ai une fin heureuse ? Tu as plus de chance d'en avoir une que moi. Tu finiras par te débarrasser des gens qui te poursuivent. Je ne peux pas me débarrasser de ce qu'il y a dans ma tête. La dernière fois que j'ai essayé, je n'ai fait qu'ajouter une maladie à la pile.
Elle s'adosse contre le mur, déglutit, s'efforce de contenir les sanglots qui ne cessent de faire trembler sa voix. Ce monde ne lui a jamais donné aucune raison d'avoir de l'espoir. On lui a répété tant de fois qu'elle était malade, que tout était dans sa tête. Comment peut-elle considérer les choses autrement ?
» Tu n'as personne à sauver... Je ne guérirai jamais. Dans mes moments de lucidité, j'ai fait des recherches. Ça ne se soigne pas. Toute ma vie je risque de me croire aimée par quelqu'un qui ignore jusqu'à mon existence. Toute ma vie je risque de croire que j'aime quelqu'un alors que ce n'est qu'une illusion maladive. Et le pire ? C'est que même en étant consciente de ça, je ne pourrai rien y changer.
Elle se recroqueville contre son mur, sans comprendre comment ses jambes la tiennent encore debout alors qu'elle sent son énergie lui échapper seconde après seconde. Elle a cessé d'essayer de chasser ses larmes, ou le désespoir qui brille dans ses prunelles. Que lui reste-t-il à perdre, de toute façon ? Il a déjà vu bien trop loin, il s'est déjà avancé dans le vide qu'est son esprit mais il semble déterminé à ne pas le voir.
» Je ne peux plus rien croire. On dirait que je suis faite pour mentir, au point que même mon cerveau le fait. Ça doit être la seule chose à propos de moi qui est vraie...
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L'empathie. S'il y a bien une chose dont Chris se serait cru totalement dépourvu, c'était ça ! Et pourtant, lorsque Tessa continua à lui ouvrir son coeur en pleurant devant lui, le brun sentit sa gorge se nouer. Il l'avait poussée à sa limite, et l'étrange attirance qu'il ressentait pour elle se manifesta d'une façon étrange. Il voulait l'aider à tout prix, faire quelque chose pour elle, ne pas la laisser dans cet état... Et soudain, la phrase de trop sortit: - Comment tu veux que j'aie une fin heureuse ? Tu as plus de chance d'en avoir une que moi.
Le brun eût une hésitation, comme un geste de recul, mais en plus discret. Lui ? Avoir une fin heureuse ? Sa propre création était une mauvaise fin, en soi... Mais elle ne pouvait pas le savoir. Et il n'était pas du genre à révéler son passé. Il resta là, à écouter et observer Tessa qui s'enfonçait toujours plus dans les abysses de sa propre maladie. Il se sentit comme vaincu par sa propre impuissance devant un tel mal. Un assassin qui l'aurait harcelée, il aurait pu le tuer. Mais un mal intérieur, qui venait de son propre cerveau... Il ne pouvait rien y faire, et il prenait conscience de son impuissance face à une telle menace. Il leva sa main, dont il fixa la paume, fronça les sourcils, et referma son poing. Il ne pouvait rien faire...
Face à certaines des phrases de la brune, Chris eût du mal à demeurer de marbre, du moins, en apparence, car intérieurement, elle l'avait touché. Il comprenait sa souffrance. Il comprenait que ce soit dur pour elle. Si elle n'avait même pas de médicaments pour lutter contre ça...
Silencieux, il écouta la jeune Buchanan lui parler de ce qu'elle avait vécu, et de ce qu'elle vivait tous les jours. Et finalement il prit une décision qu'il savait être une erreur. Malgré tout, il la prit. Il s'agenouilla près d'elle, puis lui dit d'une voix douce: - Tu n'es pas la seule à vivre tous les jours en sachant que tu auras une fin malheureuse... Il attendit d'avoir capté son attention, puis commença son histoire: - Je ne suis pas simplement recherché par des gens qui veulent ma mort, Tessa. J'ai été crée par eux. J'ai été fabriqué dans un laboratoire, dans le but de devenir un assassin. Je ne m'appelle pas Chris, et je ne m'appelle pas Raven non plus. Le seul nom qu'on m'a jamais donné, c'est Corbeau, se contenta t'il de lui dire, le regard perdu, fixant le sol.
Il se tut quelques secondes, le temps d'inspirer, puis reprit son histoire: - J'ai été crée avec un groupe d'enfants dans le but de devenir une espèce de super soldat, un assassin parfait. Je sais qu'on était 24, à l'origine. On a été entraînés dès notre petite enfance à tuer, à prendre la vie d'autrui de la manière la plus efficace qui soit. Je te passe les détails, mais ils ont finalement décidé de m'éliminer un jour parce qu'ils trouvaient que je n'étais pas assez "parfait" pour eux. Trop d'empathie, pas assez froid... Alors ils ont décidé de me tuer à mon tour, mais ils ont échoué. Le brun releva ses yeux de brume, et fixa Tessa, avant d'ajouter: - Tu te demandes sûrement pourquoi je te raconte tout ça, n'est ce pas ? C'est pourtant simple... Même si je parviens à éliminer les prochains assassins de l'organisation qui veut ma peau, il y en aura toujours d'autres qui viendront après moi. Je ne serai jamais tranquille. Et tôt ou tard, il viendra un type qui sera meilleur que moi, un jour où j'aurai moins de chance que les autres. C'est aussi simple que ça.
Il s'approcha et posa ses mains sur les épaules de la lycéenne: - Ecoute moi, Tessa: tu n'es pas la seule à souffrir dans ce monde. Ce n'est pas simple pour tout le monde. D'accord, tu as une vie difficile ! Je ne le nierai pas ! Mais tu peux encore changer les choses ! Je ne dis pas que tu auras forcément une fin heureuse. Mais regarde moi ! Si je peux me battre, alors tu peux le faire aussi ! Si tu n'essaies pas... Si tu pars perdante... Tu ne vas faire que t'enfoncer toujours plus en te laissant guider par tes peurs et tes phobies !
Il se redressa lentement, et soupira longuement, les yeux fermés. Puis, il les rouvrit, avant de baisser les yeux vers la jeune Buchanan: - D'accord Tessa... Je vais te proposer un marché. Le genre de marché que je ne pourrais proposer à personne d'autre qu'à toi, car il va à l'encontre de tout ce que je fais, généralement... Il tendit lentement sa main vers elle, comme pour l'aider à se relever, puis: - Donne toi une vraie chance ! Bats toi réellement contre ta maladie ! Je te donne un an ! Un an ! Un an pour faire voler en éclats ce fameux miroir et tenter de vraiment changer les choses. D'accord ? Lui demanda t'il en hochant la tête.
Il s'attendait évidemment à ce que la brune lui demande pourquoi elle ferait ça. Pourquoi elle se battrait pendant un an. Après tout, elle ne lui devait rien du tout. Aussi, le brun s'empressa de répondre à ce qu'elle voulait REELLEMENT savoir: - Si dans un an, je constate que tu t'es vraiment battue, que tu y as mis tout ton coeur, mais que rien n'a changé pour toi, que tu veux toujours mourir, alors j'accepterai de mettre fin à ta souffrance... C'est un contrat ! Un contrat entre toi et moi, que personne ne devra connaître. Personne ! Patiemment, le Corbeau attendit, la main tendue vers la jeune Buchanan. Si elle saisissait sa main, la symbolique serait suffisamment forte pour se passer de commentaire...
Effectivement, elle n'est pas la seule. Mais comme il l'a si bien dit, elle est égoïste. Égoïste, égocentrique et incapable de considérer un instant le sort des autres avec empathie. Pourtant elle l'écoute quand même. Une partie de son cerveau retient une chose, ce prénom qu'elle n'avait jamais entendu pour le désigner et qu'il vient de prononcer. Pas son nom, dit-il, mais ce n'est pas ça qu'elle retient. Chris... Elle a vu ce prénom sur la liste, en arrivant. Elle n'est pas restée focalisée dessus parce que celui de Brook avait trop attiré son attention, mais elle l'a vu. Une pointe d'amertume roule sur sa langue, brille dans son regard. Même lui. Même lui, avec la vie qu'il décrit, a pu attirer l'attention de quelqu'un assez longtemps, et de façon assez réelle, pour que son nom apparaisse à côté de celui de quelqu'un d'autre sur cette liste. Un assassin créé pour tuer, pourchassé parce qu'il ne savait pas assez bien le faire. Même comme ça, il a plus d'empathie qu'elle. Même comme ça, il peut être plus aimé qu'elle. Au fond d'elle, une question se superpose aux informations qu'elle vient d'entendre. À quel point est-elle un monstre pour que même un tueur le soit moins qu'elle ?
Un sourire pâle apparaît au bord de ses lèvres. Tôt ou tard viendra quelqu'un qui sera meilleur que lui. Mais dans combien de temps ? Une organisation, ça se démantèle. Elle a joué à tant de jeux que ça lui paraît une évidence. Si on coupe la tête assez fort, elle finit par arrêter de repousser. S'il veut en finir avec ses ennemis, il pourra, un jour. Elle, le seul moyen qu'elle a de chasser ce qui détruit sa vie à petit feu, c'est d'y loger une balle, et de ne plus jamais ouvrir les yeux.
» L'ironie c'est que même avec les circonstances qui t'ont mis au monde, tu restes plus humain que moi...
Le contact de ses mains sur ses épaules lui tire un frisson. Je peux me battre, dit-il comme si ses ennemis n'étaient pas matériels. Elle donnerait n'importe quoi pour se battre contre des armes, contre de la violence, contre de la force physique. N'importe quoi pour un adversaire qu'elle puisse affronter. Mais elle ne dit rien. Elle l'écoute, silencieuse, lui dire qu'elle peut se battre contre une maladie qui sera toujours là. Peut-être. Elle n'y croit pas plus qu'à ses chances de tenir le coup dans une vie où personne ne tiendrait jamais vraiment à elle. Elle soupire, se redresse légèrement, ose le regard dans les yeux un instant. Elle y lit des émotions qu'elle se sait incapable d'avoir. Savoir lire les émotions des autres sans pouvoir y compatir. Pour mieux mentir, mieux se faire passer pour une autre.
» Si je dois mourir, je ne viendrai pas supplier quelqu'un...
Un souffle, un simple murmure. Une once d'orgueil qui reste malgré tout. Ou peut-être que découvrir à quel point il est meilleur qu'elle malgré toute la haine qu'elle a pu ressentir à son égard la rend encore moins encline à accepter sa compassion. Compassion, empathie, pitié. Non, ce n'est pas de l'orgueil, c'est de la jalousie. Si elle en était capable, ne serait-ce que d'une seule des ces émotions, sa vie ne ressemblerait pas à ça. Et il lui demande de se battre. Pourquoi ? Pour ne pas mourir ? Non, pour mourir si elle échoue, ou si sa vie ne change pas. Elle a presque l'impression de devoir signer un contrat avec le diable. Son regard reste bloqué un instant sur sa main. Un pacte avec le diable. Pourquoi pas, après tout ? Qu'a-t-elle à perdre, elle qui n'a déjà plus rien ? Lentement, elle tend la main. Serre la sienne. Plus rien à perdre... Peut-être qu'elle supplie, finalement, d'une certaine manière...
Les Pires Cauchemars Naissent dans un Beau Sourire
ft beaucoup de monde
"L'ironie c'est que même avec les circonstances qui t'ont mis au monde, tu restes plus humain que moi..."
Oui, peut être était ce vrai. Peut être le Corbeau, dans un sens, était il plus humain que la jeune Buchanan. Mais donnez lui une arme, menacez sa vie, et soudainement son visage d'ange cèdera la place au démon qui sommeille en lui. Car aussi vrai que Tessa est incapable de guérir de sa maladie, Chris, lui, est capable d'ôter la vie sans sourciller, et sans ressentir une once de regrets ou de compassion pour ses victimes. Selon les circonstances, le sympathique adolescent souriant disparaîtra au profit du dangereux assassin caché en lui, et il agira sans hésiter, comme on lui a appris à le faire. Comme il a été crée pour le faire...
Le brun ne rétorqua rien à cette phrase. Il conserva le silence face à elle, mais toutes ces pensées traversèrent malgré tout son esprit. Toutes ces pensées qui le hantaient de plus en plus depuis qu'il avait commencé à fréquenter Lily Cullen. Parce qu'il savait qu'il n'était pas fait pour elle. Parce qu'il savait qu'en un sens complètement tordu, corrompu, dingue... Il était davantage fait pour quelqu'un d'aussi souillée par les ombres que Tessa que par quelqu'un d'aussi innocente que Lily... Et pourtant... Il s'évertuait à courir après la lumière... Comme si elle était son dernier espoir d'en finir avec ce monde de ténèbres. Comme si, peut être, grâce à elle, il avait une chance d'oublier son passé torturé et de réellement prendre un nouveau départ. Chose qu'il n'avait pour le moment pas réussi à faire en arrivant à Londres, alors que ça avait toujours été son objectif premier... Pour toutes ces raisons, Chris ne put que fuir les paroles de la jeune Buchanan. Elles le mirent mal à l'aise l'espace de quelques secondes...
Finalement, après son long récit et sa proposition, il tendit sa main à l'adolescente, et attendit qu'elle prenne une décision. Il ne fut pas compliqué de voir à son hésitation qu'à l'intérieur de son esprit, ce devait être un maëlstrom de pensées s'entrechoquant. Le Corbeau réprima un sourire de satisfaction. Si réellement elle n'avait aucune émotion, si réellement elle n'avait été qu'un miroir comme elle se plaisait à l'affirmer, jamais elle n'aurait été dans cet état, à ce moment précis. Il l'observa, sans mot dire, et sans retirer sa main, en gardant le silence. Elle prit soudain la parole, et le brun rétorqua calmement avec assurance, sans hésiter: - Tu n'auras pas à le faire... Ca fait partie des termes du contrat...
A nouveau, il la vit réfléchir, hésiter, peser le pour et le contre pendant de longues secondes... Et puis finalement, elle lui serra la main. A cet instant, il resserra son étreinte autour de ses doigts et l'attira soudainement et brutalement à lui jusqu'à ce que leurs visages soient tous proches l'un de l'autre, et leurs yeux face à face, avant de lui murmurer d'une voix grave, et sombre. Cette même voix que redoutait tant la jeune Buchanan, afin d'être certain d'obtenir toute son attention: - Souviens toi bien des termes du contrat, surtout... Si tu essaies de tricher, de me mentir, ou si quelqu'un d'autre vient à être au courant de notre arrangement, il sera caduc... Je ne serai jamais loin... Je te surveillerai... Et n'essaie pas de jouer les miroirs avec moi. Jamais ! On sait tous les deux que je verrai clair dans ton jeu... C'est compris ?
Il tenait toujours sa main entre ses doigts. Serrée. Il ne la lâcherait que lorsqu'il aurait obtenu une réponse, et pendant tout ce temps, leurs visages étaient très proches l'un de l'autre. Suffisamment pour sentir... Suffisamment pour lire au fond des yeux de Chris qu'il ne plaisantait pas, et que cette proposition n'avait rien d'un jeu à ses yeux. Mieux valait qu'elle n'essaie pas de le piéger pour obtenir ce qu'elle voulait. Car s'il s'en rendait compte, elle risquait de le payer cher...
