Bon, du coup il faut que j'envoie un message à ma mère pour prévenir que je suis pas là ce soir parce que je mange avec des amis de l'école. Je prends mon téléphone pour le faire rapidement et me reconcentrer sur le jeu ensuite, vu qu'on approchait d'un boss avant que ce projet de dîner n'arrive dans la conversation.
Alors, on en était où ? Ah oui.

Pendant le combat, je sens mon téléphone vibrer dans ma poche mais je suis trop concentré pour m'en rendre compte tout de suite, du moins jusqu'à ce que je réalise que ça fait… trois messages ? C'est bizarre, ma mère se contente de répondre "ok", d'habitude. Peut-être qu'elle avait prévu quelque chose et qu'elle veut que je rentre quand même ? Enfin techniquement je vais passer l'été avec eux, je peux bien rater une soirée de plus pour la passer avec Casey, non ?

On avance dans le jeu mais j'ai un peu de mal à me concentrer. Parce qu'il y a trop de messages, c'est pas normal. Peut-être que c'est autre chose, genre quelqu'un d'autre qui m'envoie des messages.

- Attends, mets pause je regarde un truc.

Juste le temps de voir pourquoi mon téléphone… vibre… autant…
Merde !
Je me suis planté. Je me suis carrément planté ! J'ai pas… Non, j'ai pas envoyé ça sur la conversation de groupe de ma famille, quand même ? Mais pas de doute possible. Je me suis fait induire en erreur par la photo de ma mère et parce que c'était la dernière à avoir parlé, mais c'était bien le groupe général. Et comme je m'en doutais, mes frères s'en sont donnés à cœur joie.

J. "Des amis de l'école, hm ? Tu veux dire Casey ?"
P. "Casey ?"
D. "C'est une fille avec qui il avait rendez-vous hier."
J. "Une jolie petite blonde qui le fait rougir dès qu'elle lui parle"
M. "Il a dit 'des amis', pas une fille."
J. "C'est parce qu'il se l'avoue pas encore, c'est tout."
D. "Elijaaaah."
D. "T'es avec elle ?"
D. "C'est pour ça que tu réponds pas ?"
D. "Wouhou Eliiiiii."
P. "Ça va, David, arrête de l'embêter. Elijah, dis-nous juste avec qui tu dînes et comment on peut te joindre si jamais il y a un problème."
J. "Oh oui, donne-nous l'adresse qu'on puisse venir vous faire coucou "
P. "Un numéro de téléphone c'est tout."
P. "Elijah ?"
D. "Trop occupé pour répondre, petit frère ?"
D. "Aaaah, c'est pas juste, je suis plus âgé je devrais avoir une copine avant lui."
J. "T'as prévu d'avoir une copine d'ici ce soir ?"
J. "Parce que sinon c'est trop tard tu t'es fait doubler."
M. "Vous envoyez trop de messages"

A l'aide. Je peux pas répondre avec tout ça ! Il y a trop de messages, trop de n'importe quoi, trop de trucs, sans compter la petite inquiétude de mon père qui peut vite virer à la parano si je réponds pas assez vite. Il me faut une excuse, n'importe quoi, pour que mes frères arrêtent de spammer leurs idioties !

E. "Je suis avec des amis. Eden et Morgan."

Ok, j'ai paniqué, mais ça passe, non ?

J. "Pas Casey ?"
E. "Non, je suis pas tout le temps avec elle !"
J. "Si tu le dis ~"
P. "Donne-moi un numéro de téléphone stp"

- Hm, Eden ? Je… Je peux avoir ton numéro de téléphone ? C'est pour mon père, il est un peu parano.

Il l'appellera pas et le numéro sera effacé d'ici demain matin mais bon, si je lui donne pas il est capable de me spammer toute la soirée et je suis pas prêt pour 600 messages de plus.

Avec tout ça, on a quand même fini par reprendre la partie et réussir à commander des tacos. Bon. Catastrophe évitée, j'imagine ? Jusqu'à ce que je rentre demain et que je doive probablement raconter ma soirée en évitant à tout prix de parler de Casey et j'ai déjà dit que j'étais pas un très bon menteur ? Ça va être sport…
Sans compter tout le reste de l'été.

- Je rentre en France pour les vacances, avec ma famille.

Vu qu'on joue avec les sous-titres en français, et avec mon accent de toute façon, c'est un peu évident que je viens de là-bas. Mais je crois que l'été va être très, très long.

Je sens que mon retour à la maison va être… sportif. Je suis pas pressé de rentrer en fait, c'est trop tard pour demander à garder ma chambre au lycée pendant une nuit de plus ? Probablement. De toute façon je devrais bien faire face à mes abrutis de frères à un moment ou un autre. Pour l'instant, ce qui compte, c'est que mon père a le numéro d'Eden, donc ils ne devraient plus m'embêter dans la soirée à moins qu'il y ait un problème.

- Alors crêpes et gâteaux peut-être, mais j'habite en Normandie, on a pas vraiment de "vraies plages de sable".

Bon, je crois qu'il y en a quelques unes, mais pas chez moi en tout cas. On a des galets comme tout le monde en bordure de la Manche. En fait, maintenant que j'y pense, je suis pas si loin de Londres, quand je rentre. Je peux voir l'Angleterre depuis certaines plages, derrière la brume, quand il fait pas trop moche. Enfin, je crois.

Ouais, je vais passer du temps avec ma famille. Ça veut dire que je vais avoir Julien – et David, mais surtout Julien – sur le dos en permanence pendant touuuut l'été, et maintenant qu'il a rencontré Casey je pourrais pas prendre mon téléphone sans avoir droit à un commentaire, je le sais. Je le connais. Enfin, ça m'empêchera pas de lui parler. Quitte à me prendre des piques de mon frère, autant être vraiment en train de parler avec Casey.

Les tacos finissent par arriver quelques dizaines de minutes plus tard. L'avantage de vivre dans une grande ville, c'est que les livreurs sont plus rapides. On mange donc dans la même ambiance de taquineries permanentes – on a vraiment le même genre de famille – mais bon, il faut bien que j'affronte la mienne à un moment ou un autre. Je peux retarder avec un repas, avec le gâteau, en continuant de discuter un peu après avoir arrêté de jouer mais… c'est l'heure de rentrer.

- Je... Je vais rentrer, il est tard et mon père va s'inquiéter.

Ça me fait bizarre de me dire que je vais passer tout l'été sans la voir. Mine de rien, je me suis habitué à sa présence… … J'ai pas envie de partir…
Bon… pour une fois, je peux bien…

- On se revoit à la rentrée…

Et je lui fais un câlin. Oui, je sais, venant de moi elle risque d'avoir un choc et de tomber dans les pommes – j'exagère – mais je vais pas la voir pendant quasi trois mois, s'il y a bien un moment où je peux mettre mes réticences au contact de côté, c'est maintenant !