Tessa E. Buchanan

B3 |:| Jeux-vidéo (AS)

Le temps s'écoule comme du goudron. Trop lent, ou trop rapide, selon le côté où l'on se trouve, selon si l'on est enseveli ou si l'on construit quelque chose. Il n'a pas la légèreté de l'eau ni la délicatesse d'un courant d'air. Il s'écoule, il écrase, et il remplace. Dans sa tête, le temps est lent. Terriblement lent, chaque seconde s'étire à l'infini comme si la machine était en panne, dans une gélatine de ténèbres qui n'a plus envie de la laisser accéder à la surface. Est-elle ensevelie ou construit-elle quelque chose ? Un peu des temps, sans doute, bien que sa création n'en ait que le nom. Une arme, une fabrication qui n'a aucun autre but que de détruire.

Les yeux rivés sur l'écran, plongée dans le noir en dehors de la lumière blafarde qui éclaire son visage, elle observe le transfert de ces fichiers qu'elle eu tant de mal à obtenir. Il faut faire les choses bien, ne laisser aucune trace. Ça prend du temps. Ça prend des heures noyée dans des livres d'informatique, des jours et des nuits à appliquer des méthodes, pour toute effacer. La traçabilité réduite à néant. De transfert en transfert, d'encryptage à encodage, une modification minime à la fois, il ne reste rien d'elle dans ces données. L'autre choix aurait été d'imprimer. Mais c'est trop dangereux. On laisse trop de choses au hasard sur une photo imprimée. Trop d'informations qui auraient pu permettre de remonter jusqu'à elle, de la mettre au pied du mur. Elle ne peut pas être mise au pied du mur, pas maintenant. Alors elle est restée là. Quatre jours sans sortir, presque sans bouger. Quatre jours derrière un écran, où elle a à peine pensé à manger, absolument pas pensé à dormir. Pas le temps. Et pas le droit à l'erreur ni à l'inattention. Maintenant, il n'y a plus rien. Rien que cette clé usb volée dans la bibliothèque royale des mois plus tôt, que rien ne permet de relier à elle. Il suffit de la placer au bon endroit.

Revenir au monde réel implique de faire preuve de prudence. Pour commencer, dormir. Une fois son trésor en sécurité et l'ordinateur portable reformaté, elle prend quelques heures pour dormir. Ce serait trop dangereux de prendre le risque de faire des erreurs sous le coup de la fatigue. Alors elle s'allonge, ferme les yeux. Son corps épuisé ne trouve même pas la force de résister une seconde, et son esprit se laisse emporter dès l'instant où elle pose la tête sur l'oreiller. Neuf heures de sommeil. C'est assez pour se remettre de ses nuits blanches, et c'est assez pour qu'il fasse nuit. Elle attrape la clé usb, l'ordinateur, range tout dans un sac avant d'enfiler un jean, une veste, une écharpe qu'elle remonte jusqu'à son nez, une capuche. De quoi dissimuler son visage. Par prudence, elle remet ses fausses lunettes, ses lentilles vertes, attache ses cheveux pour qu'ils ne soient pas visibles. Puis elle quitte sa chambre malgré l'heure tardive. Sortir en douce n'a jamais été un problème. Elle le fait depuis des années, ils ne vont pas l'en empêcher aujourd'hui.

Il y a un ordre précis à suivre, comme pour tout. D'abord, l'ordinateur. En plein jour, elle aurait pu l'abandonner dans un magasin et personne ne l'aurait remarqué avant qu'elle soit partie depuis longtemps. De nuit, elle n'a pas cette option. Elle remonte la rue, teste toutes les portières des voitures qui passent à sa portée pour peu qu'elles n'aient pas l'air d'avoir d'alarme. L'une d'elle s'ouvre. Imprudent, ou chanceux, tout dépend de l'heure à laquelle il se réveillera demain matin et des fréquentations de sa rue. Elle sort l'ordinateur du sac, le glisse sous le siège conducteur, referme la porte en faisant le moins de bruit possible. Introuvable et intraçable. Un plan plus simple que de simplement le jeter dans la Tamise, même si ça faisait partie des possibilités.
Maintenant, la clé.

Elle connaît son adresse. Evidemment. Comment aurait-il pu en être autrement ? Il a pris cet appartement pour pouvoir la voir. Ou pour pouvoir les voir, plus exactement. Un pluriel qui n'aurait jamais dû être et qui va bientôt revenir au singulier. Bientôt, elle ne sera plus un problème. Elle s'arrête un instant devant le bâtiment, lève les yeux en direction de la fenêtre de sa chambre. Il va mal le vivre, sûrement. Lily aussi. Mais c'est de sa faute. Il n'aurait pas dû faire ça, il n'aurait pas dû la trahir. S'il n'avait pas franchi cette limite, ni lui ni Lily n'auraient eu à vivre ça. Il aurait dû trouver un autre alibi. Il aurait dû résister au lieu de craquer et de croire que Tessa ne s'en rendrait pas compte.

Elle sort la clé de son sac. Une clé grise, qu'elle n'a pas achetée. S'il reste des données dessus, ce ne sont pas les siennes. Les photos, par contre, si. Les vidéos aussi. De Lily et Liam. De toute ce qui s'est passé à cette soirée et qu'elle a pu immortaliser sur son téléphone. Le téléphone de Manny. Téléphone qui n'existe plus, bien entendu. Dernière précaution, elle sort une lingette pour s'assurer de nettoyer toutes les potentielles traces, d'elle ou de son environnement. C'est ça, une clé intraçable. Pas de mémoire numérique. Pas de mémoire physique. Il suffit de la glisser dans la bonne boîte aux lettres. Bien sûr, il faut qu'il l'ouvre. S'il ne le fait pas, elle se résoudra à la bonne vieille méthode et enverra des copies imprimées. Mais avec sa parano naturelle, franchement, combien de chances qu'il n'ouvre pas les fichiers, ne serait-ce que pour s'assurer qu'il n'y a rien de dangereux, ou que rien à son sujet n'ait fuité quelque part ?

Elle ferme les yeux un moment. Elle ne peut pas s'attarder ici. Il ne doit pas savoir qu'elle était là ce soir. Bien sûr que non. Elle aurait aimé passer un peu de temps avec lui, elle ne lui a pas parlé depuis Halloween, depuis qu'elle l'a vu avec Lily. Mais pas ce soir, pas encore. Juste un peu de patience. Elle se détourne de la boîte aux lettres, du bâtiment, rentre dans sa chambre, s'assoit dans un coin de la pièce. Il ne reste plus qu'à attendre.

Le temps s'écoule comme du goudron. Trop lent, ou trop rapide, selon le côté où l'on se trouve, selon si l'on est enseveli ou si l'on construit quelque chose. Il n'a pas la légèreté de l'eau ni la délicatesse d'un courant d'air. Il s'écoule, il écrase, et il remplace. Dans sa tête, le temps est lent. Terriblement lent, chaque seconde s'étire à l'infini comme si la machine était en panne, dans une gélatine de ténèbres qui n'a plus envie de la laisser accéder à la surface.
Depuis combien de temps n'a-t-elle pas revu la surface ?

Tessa E. Buchanan

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Le silence n'est une bénédiction que pour ceux qui n'ont pas l'habitude de le côtoyer. Elle déteste le silence, la solitude. Ça laisse trop de place à ses pensées, à ses réflexions.
À ses doutes.

Et si ça ne suffit pas ? Et si malgré tout ça, il ne l'éloigne pas ? Peut-être qu'il n'a pas eu besoin de ça pour savoir que Lily n'est pas la lumière pure dont il lui parlait. Ça fait plusieurs années qu'il lui a dit ça, après tout. Entre temps, son avis a peut-être changé. Elle a peut-être changé. Mais il ne lui pardonnerait pas ça, si ? Non. Il ne supporte pas la trahison. Et se coller dans les bras de Liam, c'est une trahison. Suffisante ? Peut-être, mais... et si ça ne suffit pas ? Il lui faut un plan B. Non, elle a déjà un plan B. Autant le préparer maintenant.

Elle sort de sa chambre, et de sa résidence, au moment où la porte de la résidence voisine se referme. Timing un peu serré. Elle sait qu'il est là, au moins, ça lui laisse un peu de temps pour faire l'aller-retour. Il en aura pour un moment pour s'expliquer avec tous les acteurs de cette histoire. Cinq minutes à pieds, rien de très long, c'est l'avantage d'aller à la même université que quelqu'un qui n'a pas envie de se taper 40 minutes de marche pour aller en cours ou pour la voir. C'est aussi l'inconvénient : il ne lui faudra pas beaucoup de temps pour faire le trajet quand il décidera de rentrer. Elle doit faire ça vite.

Elle connaît déjà les bases. Pas de digicode, pas d'alarme, pas de caméra. Rentrer chez lui est simple. En théorie. En vérité, ça ne peut pas l'être autant - pas avec son histoire et sa situation. Sauf qu'elle a déjà vérifié plusieurs fois l'absence de systèmes. Quelle que soit sa méthode, elle n'est pas électronique. Peur du piratage, sans doute. Difficile de l'en blâmer. Une organisation comme celle qui l'a mis au monde a sûrement les moyens de désactiver toutes les alarmes de la planète, de toute façon. Il est tard. Pas assez tard pour prétendre rentrer ivre de soirée, assez pour que des gens rentrent et ouvrent la porte principale de l'immeuble pour elle. Ensuite, il ne reste plus que celle de l'appartement. Elle a déjà réfléchi à plusieurs options. Déjà préparé plusieurs options, plusieurs fois depuis qu'il vit ici.


Secouer la poignée, plusieurs fois. Frapper. Jusqu'à ce qu'un voisin ouvre la porte, intrigué.

» Qu'est-ce qui se passe ?
» Je... J'étais censée retrouver mon copain chez lui mais... il n'ouvre pas la porte. J'ai peur qu'il lui soit arrivé quelque chose.

Pas tout à fait vrai, mais presque. Ce qui compte, c'est d'être crue. Elle se mord la lèvre, baisse les yeux, frappe encore à la porte.

» Votre copain ?

Elle lui montre une photo rapidement sur son téléphone, assez récente pour qu'il ne se dise pas qu'elle l'a prise des mois plus tôt. Même sans avoir de contact avec ses voisins, tout le monde attire au moins assez l'attention pour être reconnaissable par ses voisins directs.

» Vous n'avez pas les clefs ?
» Je les ai oubliées... Je vais l'appeler. C'est gentil de vous inquiéter.

Il hoche la tête, referme la porte.


Recommencer, répéter, plusieurs fois, jusqu'à ancrer son image et sa personne dans les mémoires. Elle n'a pas de quoi créer de preuve de résidence et, bien évidemment, sa carte d'identité est hors de question. Donc, il ne lui restait que l'option 3.

» Alors vous avez oublié vos clefs ?
» À l'intérieur, oui...
» J'aurais besoin d'une carte d'identité. Ou d'une preuve qu'on est bien chez vous.
» Tout est à l'intérieur... Mais vous pouvez demander aux voisins, ils me connaissent.

Grand sourire innocent. Elle a toujours eu l'air trop gentille, les gens lui font confiance trop facilement. Le voisin confirme. Il l'a vue plusieurs fois, elle rend visite à son copain de temps en temps. C'est la première fois qu'elle fait appel à un serrurier pour ouvrir la porte, mais il l'a déjà vue. C'est suffisant pour qu'il lui ouvre la porte. Elle entre, fait quelques pas, montre la photo d'elle qu'il garde encadrée chez lui. Ça prouve qu'elle n'est pas une inconnue, et qu'elle a une présence dans sa vie. Ça plus le voisin, ça suffit. Ça suffira une fois, plus exactement, mais elle n'a pas besoin d'autres jours.

» Merci beaucoup. Je vais faire plus attention.

Sourire. Elle fait glisser ses clés de sa manche, prétend les récupérer sur un meuble près de la porte.

» Je les ai vraiment laissées juste à côté.

Elle soupire, rit nerveusement. Sort de quoi payer le service, par carte bancaire. Traçable, moins suspect que de payer en liquide, à condition d'avoir le bon nom. Ce qui ne sera pas son cas. Mais tant que la carte passe, rien de louche. Il repart. Elle a perdu un temps précieux.
Au moins, elle est à l'intérieur. S'il met du temps à s'expliquer avec Liam, elle a largement ce qu'il lui faut.

Tessa E. Buchanan

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C'est étrange, de venir chez lui. Bien sûr, ils se voient régulièrement, mais à l'extérieur, jamais quelque part où Black Thorn pourrait remonter sa piste. Il n'a pas envie qu'en les suivant, ils puissent trouver où il habite. C'est logique, pourtant elle aurait bien aimé pouvoir venir au moins une fois. Son regard s'attarde sur les photos de Lily posées en évidence. Un alibi, hein... Il n'a vraiment pas l'air de la voir comme telle, sur ces images. Bien sûr que non, puisqu'il lui a menti. Pour quelqu'un qui ne supporte pas la trahison, il a bien su la manier. Ou peut-être qu'il n'a aucun problème pour trahir les autres et qu'il ne s'énerve que quand les rôles sont inversés. Ça ne serait pas le premier.

Par prudence, et pour éviter de laisser des traces, elle retire ses chaussures et les glisse dans son sac avant de sortir son téléphone. Son pire ennemi, ce sont les reflets. Il faut éviter tout ce qui pourrait en provoquer, que ce soient les cadres, les miroirs, les vitres ou même juste le papier des photos. Bien sûr, elle aurait le temps de faire des montages si besoin, mais c'est quand même mieux de ne pas avoir à modifier quoi que ce soit. Elle prend des photos en gardant un œil du côté de la porte, l'oreille tendue pour s'assurer qu'il n'y a aucun bruit dans le couloir. Dossier à part, scripté, sécurisé. Dossier qu'elle n'utilisera qu'en dernier recours, si elle n'a vraiment pas d'autre choix.

Tessa range son téléphone, hésite un peu. Il est occupé, il ne rentrera pas tout de suite. D'un autre côté, c'est prendre un risque inutile de rester trop longtemps. Il n'est qu'à cinq minutes à pieds, elle ne peut pas compter sur une demi-heure de trajet et elle a déjà perdu du temps avec le serrurier. Mais il n'en a sûrement pas fini avec Liam, et ensuite il devrait aller voir Lily, non ? Ce n'est pas son genre de laisser les choses en suspens. Elle avance malgré elle, portée par la curiosité. Attarde son regard sur les meubles, en effleure certains du bout des doigts tandis qu'elle marche dans la pièce.

Est-ce que Lily est déjà venue ici, elle ? Ce serait imprudent, ou alors... une preuve de plus qu'il les traite différemment. Elle soupire, s'écarte, ouvre lentement la porte de la salle de bain. Il y a des choses à elle, là-dedans. À moins que Chris n'utilise du maquillage et des soins du visage féminins, ce qui semble peu probable. Elle serre les dents. Non. Il ne l'abandonnera pas à cause d'elle. Elle s'était promis de tout laisser exactement comme elle l'avait trouvé, mais ses mains agissent par instinct et par réflexe, récupèrent tout ce qui n'a rien à faire là. Elle n'a aucun droit de s'installer petit à petit comme si elle était chez elle, cet endroit ne lui appartient pas, mieux vaut qu'elle s'en éloigne avant que la réalité la rattrape.

C'est trop tard pour les remettre là où elle les a trouvés, mais est-ce qu'il remarquera vraiment leur absence ? Ce n'est pas comme si c'étaient ses affaires, il n'a aucune raison d'y prêter attention. Tessa quitte la pièce, referme derrière elle, pose la main sur la porte de la chambre. Elle n'a pas envie d'entrer, ni envie de savoir. Pourtant, s'il y a quoi que ce soit qui peut l'aider... Mais si elle est entrée ici aussi, si elle a laissé sa marque... Hésitation. Certaines vérité ne sont pas bonnes à dire. C'est la peur de l'abandon qui l'emporte sur le calcul. Elle retire sa main et recule de quelques pas. Quelle important, après tout, que Lily soit venue ici ou non ? Tout ça sera bientôt terminé.

L'ordinateur est resté en évidence sur la terrasse. Pas encore en veille, donc pas encore refermé par un mot de passe. Est-ce que c'est vraiment le sien ? Probablement pas. Le connaissant, il n'aurait pas pris le risque d'ouvrir une clé inconnue sur un pc contenant des informations sensibles. Mais la tentation reste présente quand même. La clé n'est plus connectée, comme s'il l'avait emportée avant de partir. Peut-être pour la montrer à Lily, appuyer ses accusations. Ça ne l'inquiète pas outre mesure ; il y avait tellement de monde à cette soirée, et même si elle donne son nom, ça ne sera pas le bon. Par curiosité, elle jette un oeil, mais comme elles s'y attendait, il n'y a rien d'important sur le disque dur. Dommage. Enfin, elle ne peut pas s'attarder trop longtemps, de toute façon.

Laissant tout ça derrière elle, Tessa retourne à la porte d'entrée et pose son oreille contre le battant. Il n'y a personne dans le couloir. Elle sort discrètement, remet ses chaussures. La porte restera déverrouillée, malheureusement, mais elle n'a pas de quoi la refermer derrière elle. Est-ce qu'il lui a donné le double des clés, à elle ? Non. Ça ne sert à rien de se poser la question. Peut-être qu'il pensera être sorti sans fermer dans sa colère. Si ça se trouve, c'est le cas. C'est une de ces portes qui se ferment sans avoir besoin de la clé, même si ce n'est qu'un petit verrou de sécurité, donc ça soulève moins de suspicion. Sac sur l'épaule, elle descend par les escaliers - plus prudent, ça donne le temps de faire demi-tour au lieu de se retrouver bêtement face à quelqu'un quand les portes d'un ascenseur s'ouvrent. Puis elle quitte le bâtiment et s'éloigne sans retourner à l'université tout de suite.
Elle a encore deux ou trois détails à régler pour son plan B avant.

Tessa E. Buchanan

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Si Chris n'est pas encore rentré, c'est qu'il est soit encore avec Liam, soit aussitôt allé voir Lily. La chambre de la rouquine n'est pas très loin de celle de Liam. Autrement dit : il n'aura pas le temps de se calmer, à supposer qu'il soit en colère. Et, soyons honnêtes, c'est plus une certitude qu'une supposition. Tessa le connaît bien assez pour savoir ça. Il y a peu de chances que les choses se passent bien pour eux. Cependant, dans le cas improbable où Lily réussirait à le ramener dans son camp, il faut un filet de sécurité. Tessa se réfugie dans une ruelle le temps de remettre son déguisement habituel. Perruque blonde, yeux vers, lunettes ; elle enfile même une veste plus proche de la personnalité de "Manny", et range le reste dans son sac. Puis elle ressort de sa ruelle pour prendre le métro vers un autre quartier de Londres. Pas bien loin.

Premier arrêt, acheter un nouveau téléphone et un nouvel ordinateur portable pour pouvoir continuer ce qu'elle faisait jusque là. Elle n'a pas beaucoup de temps avant que la carte soit bloquée. Par prudence, une fois le matériel en sa possession, elle laisse malencontreusement tomber la carte bancaire dans le caniveau. Inutile qu'elle puisse être utilisée pour remonter sa trace. Plus elle est loin de l'université, moins il sera facile de faire le lien ; surtout si quelqu'un d'autre la trouve et l'utilise pour faire des dépenses qui masqueront les siennes. Elle s'achètera une autre carte prépayée si besoin. Elle s'installe dans un café un peu plus loin pour parcourir les photos à sa disposition, vérifier un par un toutes les surfaces susceptibles de présenter le moindre reflet, puis tout regroupé dans un dossier crypté. Elle transfère aussi la carte SIM de l'ancien téléphone de Manny - celui dont elle s'est débarrassée dans le nouveau, auquel elle raccroche le petit cadeau de Lily. Avec ça, elle peut à nouveau la contacter, et s'assurer que tout se passe comme prévu.
Dans le cas contraire, pouvoir agir vite.

Elle range son ordinateur et son nouveau téléphone pour retourner du côté de l'université. La question principale est réglée, ça ne veut pas dire qu'elle a fait tout ce qu'elle avait l'intention de mettre en place. Attendant que quelqu'un ouvre les portes, elle rendre dans la résidence de Lily, s'installe dans un coin des escaliers, à l'étage d'au-dessus, juste le temps de s'assurer qu'elle ne croisera pas Chris. Dans l'état où il est sûrement, il y a peu de chance qu'il accorde un regard à la petite blonde à lunettes, mais inutile de tenter le diable. Ce dont elle a besoin, c'est d'une image de lui avec Lily. Que ce soit au moment où il entre dans la chambre ou au moment où il en sort.

Une fois certaine qu'elle ne sera pas repérée, elle sort des escaliers pour avancer un peu dans le couloir, cherchant un angle de vue sur la chambre de Lily. Elle entend les voix d'ici. Mais elle ne peut pas s'attarder. Ni l'un ni l'autre ne doivent la voir. Il lui faut simplement une photo, et elle retournera dans sa chambre comme si elle n'avait jamais été là.