Le soir de Noël, et de son fameux réveillon. Déjà un an de plus qu'il était ici, à Londres. Il n'avait pas vu le temps passer. Et il n'aurait jamais cru voir un autre noël dans cette ville après tout ce qui s'était passé cette année. Black Thorn l'avait trouvé, l'avait menacé, et surtout, avait menacé ses proches, le forçant ainsi à prendre la douloureuse décision qu'il avait trop longtemps refusé de prendre: celle de tout quitter pour aller se cacher ailleurs. Disparaître aux yeux de tous, pour recommencer à zéro. Encore. Mais Lily l'avait découvert. Elle l'avait alors forcé à lui parler, à avouer... elle l'avait retenu, et au bout du compte, il avait pris le risque insensé de rester. Pour la simple et bonne raison que la jeune femme était désormais autant en danger que lui, par sa faute. Entre autres choses... Si seulement les choses pouvaient être aussi simples. Mais avec Chris, elles ne l'étaient jamais...
Ce soir là, un soir gris, et menaçant, le brun faisait les marchés de noël à la recherche d'un cadeau de noël pour l'Irlandaise tout en profitant des décorations de Noël de la vieille capitale. Les températures étaient fraîches, mais il était peu probable que la neige se montre, ce soir. Si des précipitations devaient se produire dans la soirée, ce serait probablement de la pluie. Le Corbeau parcourait les étals d'un marché qui s'était installé dans les allées d'un des nombreux jardins de Bloomsbury lorsqu'il sentit un regard insistant peser sur lui. Toujours parano suite à ce qui s'était produit dans les mois qui avaient passé, il décida, de s'éloigner l'air de rien en direction d'une zone plus désertée du marché alors qu'une pluie fine commençait à tomber, poussant les passants les moins courageux à rentrer chez eux. De toute façon, l'heure du réveillon approchait à grands pas. La plupart des étals étaient déjà en train de fermer, et la pluie ne fit qu'accélérer le mouvement. Pluie qui s'accéléra assez brutalement pour se transformer en violente averse. Très vite, il disparut au détour d'un bosquet d'arbres, moins éclairé que les autres, lorsqu'il fut dissimulé par les ombres, et reparut subitement dans le dos de l'inconnu quelques secondes plus tard.
Sans même savoir à qui il avait à faire, il dégaina son Glock, et le pointa sur celui ci, avant de s'adresser à lui, alors que la pluie s'abattait déjà sur eux. Une scène étrange, qu'il avait déjà vécu, il y a fort longtemps, dans un autre lieu, et avec quelqu'un d'autre... - Mains en l'air, et pivotez lentement sur vous même, pour que je sache qui je vais tuer ! Ordonna -t-il d'une voix glaciale, Alors que son bras armé était pointé droit sur le mystérieux inconnu qui le suivait depuis plusieurs minutes.
Noël n'a jamais été sa fête préférée. Trop d'implications familiales pour avoir eu un bon impact sur son enfance, trop de souvenirs associés qu'elle préférerait oublier. Les absences de sa mère, les soirées avec Willow, celles avec Becky ; c'est probablement une des nuits dans l'année où elle se sent le plus mal, oppressée par les souvenirs, par la peur, et par l'alcool qui remplace un peu trop facilement son sang dans ses veines. Mais cette année doit être différente, pas vrai ? Beaucoup de choses ont changé. La disparition de Becky est toujours une pointe douloureuse dans son cœur, elle risque de sombrer trop vite si elle ne se concentre pas sur quelque chose de positif. Alors il faut sortir.
Un de ses amis lui a parlé d'un marché de Noël, alors elle a envoyé un message à Chris pour lui proposer d'y aller. Comme souvent, elle n'a obtenu aucune réponse, la plupart de leurs communications se font principalement sur le jeu, plus difficile à tracer, que par téléphone, mais elle sait qu'il l'a lu. Il lit toujours ses messages, après tout. Privée de son uniforme depuis son entrée à l'université, elle porte un jean noir et un sweat N7 dont elle rabat la capuche sur sa tête pour se protéger du froid et de la neige, puis elle prend quelques affaires dans ses poches avant de sortir.
La ville est décorée comme tous les ans, dans cette ambiance qui lui tire un frisson. Pas spécialement à l'aise dans ce décor, elle resserre sa veste autour d'elle. Il fait clairement moins froid qu'à New York à la même période, mais l'air est plus humide. Peut-être aurait-elle dû chercher une écharpe ou autre chose en partant. C'est trop tard, maintenant. Et elle n'a pas envie de faire demi-tour, ça serait perdre trop du peu de temps qu'elle possède. Capuche rabattue sur le visage, elle sort du bus pour descendre dans le quartier où s'étend le marché de Noël. Il y a moins de monde qu'elle l'aurait cru, mais tant mieux : ça leur permettra de se retrouver plus vite.
Elle le repère bien plus vite qu'elle ne l'aurait cru. Il n'est pas au point de rendez-vous qu'elle lui avait donné, mais en train de se promener entre les étals. Peut-être qu'il est arrivé en avance et qu'il a décidé de faire un petit tour des lieux en attendant qu'elle arrive. Elle marche donc dans sa direction pour le rejoindre, fronce les sourcils quand il commence à s'éloigner. Il ne l'a pas vue, sans doute. Plutôt que de l'interpeler, elle marche à sa suite. Mieux vaut éviter d'attirer l'attention sur lui, il a peut-être des ennemis dans la foule, ça serait lui poser une cible sur le dos.
Il ne l'a toujours pas vue. Ou alors… Pendant qu'elle réfléchit, il échappe subitement à son regard et elle reste un instant perdue, interdite, cherchant autour d'elle jusqu'à ce qu'elle entende un déclic presque devenu familier. Et une voix froide, menaçante. Oui, c'est à cause de la capuche, il n'a pas dû la reconnaître. Mais entre le froid et la pluie, elle n'a pas pensé à l'enlever.
» Ça devient une habitude, à force.
Elle sourit sans vraiment se retourner. Il reconnaîtra sa voix, de toute façon, et il ne lui tirera jamais dessus. Il a dû la prendre pour quelqu'un d'autre, quelqu'un de dangereux. Mais c'est quand même la… troisième, quatrième fois ? qu'il la pointe avec son arme. Elle va finir par être plus habituée à ça qu'à avoir des amis.
La pluie, le froid, l'impression de déjà vu malaisante...
Cette voix... Il connaissait cette voix... - Tessa ? Murmura -t-il soudain, en baissant à moitié son arme, tandis que sa méfiance grimpait de plus en plus, paradoxalement. L'information fit son chemin dans son cerveau en une poignée de secondes, comme un poison se répandant au coeur de ses veines, et il pointa à nouveau son arme sur elle. - Qu'est ce que tu fais ici ?! Demanda -t-il aussitôt. Elle lui avait demandé de ne plus l'approcher. Elle avait mis fin à leur relation, aussi tordue soit elle, et elle le suivait désormais, telle une stalkeuse étrange. Quelque chose ne collait pas. Il ne pouvait pas se permettre de prendre le risque. Tessa n'était pas du genre à venir flaner à un marché de noël, pour ce qu'il en savait, elle ne pouvait donc pas être tombée sur lui par hasard. - Je peux savoir ce qui t'amène dans ce parc ce soir, par ce temps splendide... ? Ajouta -t-il avec un cynisme et sarcasme palpables tandis que son arme se baissait enfin. Inutile de pointer son Glock sur elle. Elle n'attendait que ça, de toute façon, si elle avait replongé...
Une fois encore, l'ambiance se modifia à une vitesse fulgurante, et le Corbeau eût la sensation qu'un piège invisible venait de se refermer sur lui. Pourquoi était elle là ? Que voulait elle de lui ? Cela faisait trop longtemps qu'il ne l'avait pas vue et qu'il n'avait pas suivi son évolution psychologique pour comprendre où elle en était actuellement. Il ne pensait pas la revoir un jour, et certainement pas ce soir... Arme le long du corps, il jaugea la jeune femme en ne sachant que penser. Un regard alentours lui confirma qu'ils étaient tout à fait seuls. La pluie avait fait fuir les derniers retardataires. - Pourquoi tu n'es pas chez toi, en train de fêter le réveillon comme il se doit ? Question absurde... Elle se moquait de ce genre de chose. - D'accord... Pourquoi tu n'es pas chez toi, à l'abri de la pluie ? Rectifia -t-il de lui même.
Une aura étrange émanait de la jeune femme. Il ne savait pas quoi en penser, et c'était précisément la raison pour laquelle il ne pouvait se résoudre à rengainer son arme. Avec elle, on ne pouvait jamais savoir. Allait elle le menacer ? L'attaquer ? L'agresser ? Mieux valait garder une arme à portée de main, juste au cas où... Il n'avait aucune idée de la raison pour laquelle elle était là. Sans le suivi psychologique qu'il s'évertuait à lire régulièrement, il se sentait menacé et nu face à elle. Il n'aimait pas ce qu'elle lui faisait ressentir en cet instant... Il était comme un assassin ne disposant d'aucune information sur sa cible: inefficace, et en danger...
Elle est calme. Trop calme, probablement, pour quelqu'un dans sa situation. Une autre aurait paniqué. une autre aurait au moins tressaillit. Mais elle a l'habitude. Des armes, de les voir pointées sur elle. Elle en a sûrement eu bien plus près de son visage que la moitié de la population américaine. Alors oui, elle est calme. De toute façon, il ne lui tirera jamais dessus, il l'a déjà prouvé de nombreuses fois. Sa question, par contre, lui tire un haussement de sourcil surpris. Comment ça, ce qu'elle fait là ? Peut-être qu'il se demande juste pourquoi elle l'a suivi ici au lieu de l'attendre à leur point de rendez-vous ? Oui, c'est sûrement ça. S'il est encore en danger, le suivre aurait pu être risqué. Elle aurait sûrement dû l'attendre jusqu'à ce qu'il ait fini ce qu'il prévoyait. Après tout, s'il l'a pointée aussi facilement avec son arme, c'est qu'il est encore en danger - c'est aussi pour ça qu'ils ne peuvent pas se voir si souvent que ça.
» Je pouvais pas rester à l'entrée, il a commencé à pleuvoir.
C'est évident, non ? Rester plantée au même endroit sans rien faire, c'est le meilleur moyen de finir trempée. Même si elle n'est finalement pas beaucoup plus abritée de la pluie actuellement, surtout qu'elle a dû enlever sa capuche pour ne pas se prendre une balle dans une situation pourtant totalement normale. Ç'aurait été dommage de mourir sur un malentendu. Maintenant qu'il a baissé son arme, ils peuvent reprendre la soirée normalement, non ? Il n'a pas l'air de cet avis, vu la façon dont il la regarde. C'est à son tour de froncer les sourcils.
» Tu sais très bien que ma famille est toujours aux États-Unis.
Son père et Reya vivent toujours à New York et, même pour Noël, ils n'ont clairement pas les moyens de se déplacer tous les ans. Elle sait qu'elle aurait pu les voir en vidéoconférence, mais ce type de communication lui rappelle trop son enfance et a tendance à lui serrer l'estomac. C'est donc elle qui leur a dit que ce n'était pas la peine de se déplacer cette année, ni de faire une visio. De toute façon, elle avait déjà des plans pour Noël.
» Parce que c'était prévu..? T'as pas vu mon message ?
Pourquoi il réagit comme ça ? Évidemment qu'elle n'est pas chez elle. S'il est là, c'est qu'il a vu son message, non ? Elle ne voit que cette raison pour qu'il se trouve ici en ce moment. À moins... à moins qu'il n'ait repéré certains de ses poursuivants ici et que ce ne soit qu'une coïncidence ? Ça expliquerait pourquoi il s'inquiète autant de la voir ici.
» Tu... Tu es suivi..? C'est encore les mêmes ?
Quand est-ce qu'ils lui ficheront enfin la paix ? Qu'ils puissent arrêter de se cacher.
L'arme le long du corps, le Corbeau observait la jeune Buchanan en silence, les yeux légèrement plissés, comme s'il tentait de mettre le doigt sur le détail émanant de la brune, et qui le dérangeait, encore plus que d'habitude. Sa première réponse était logique, et pourtant, elle ne fit qu'accentuer la gêne que Chris ressentait depuis qu'elle avait surgi des ténèbres, comme si elle avait répondu à côté. Quelque chose n'allait pas, et il ne parvenait pas à comprendre quoi. A nouveau, Tessa répliqua d'une voix calme et amicale, sur le ton de la conversation. D'accord... Il connaissait le lieu de résidence de sa famille, mais uniquement via les dossiers médicaux qu'il avait parcourus... Ce n'était pas comme si... comme si elle lui en avait parlé, comme s'il avait dû savoir. Alors pourquoi lui répondait elle avec une telle légèreté ? Et pourquoi était elle aussi amicale avec lui ? Que se passait il, exactement ? - Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, répliqua aussitôt l'universitaire d'une voix froide. Tu devrais être en train de fêter noël au chaud chez toi, au lieu de te balader sous la pluie...
C'est lorsqu'elle mentionna un message que l'assassin était sensé avoir reçu sur un ton encore une fois beaucoup trop naturel qu'elle déclencha un mouvement de la tête de la part de celui ci: un léger acoup, comparable à un tic, comme si son cerveau avait bloqué sur cette information. Un message ? Quel message ? Et comment aurait il pu recevoir le moindre message de sa part alors qu'il ne lui avait jamais donné son numéro ?
Et puis d'ailleurs, pourquoi aurait il eu à le faire ?! Ne s'étaient ils pas quitté en juin dernier sur une volonté d'adieu de la part de la brune ?! - Ton message... ? Répéta lentement Chris en observant attentivement son interlocutrice et son comportement. Je regrette Tessa... Mais je ne vois pas de quoi tu parles, trancha -t-il soudain d'un ton glacial. Il la vit alors mentionner Black Thorn à demi mot, et il tiqua une nouvelle fois: sa patience s'érodait dangereusement, à présent... Il fonça sur elle et lui attrapa le poignet avant de la plaquer contre un gros tronc d'arbre, situé non loin de là: - Ca suffit, on arrête de jouer, maintenant, Tessa ! Qu'est ce que tu fais ici ?!
Son visage s'était refermé, et sa voix était devenue dure, et glaciale. Ce Chris là, elle l'avait déjà croisé par le passé... alors qu'ils ne se connaissaient pas encore, ou très peu, et qu'il l'avait menacée contre les vestiaires du lycée. Elle savait de quoi il était capable, aujourd'hui, lorsqu'il prenait ce visage... En tout cas, en grande partie... Sa main se resserra autour du poignet de la jeune femme: - Pourquoi est ce que tu me suis ?! Qu'est ce que tu es venue faire un soir de noël dans un marché alors qu'il pleut ?!
Ce qu'il dit n'a aucune logique. Une expression profondément perplexe dans le regard, Tessa penche un peu la tête sur le côté.
» Noël est une fête de famille, pourquoi je fêterai Noël toute seule chez moi ?
C'est vrai, ça n'a pas de sens. Que pourrait-elle bien fêter seule chez elle ? À part traîner d'un événement de Noël à un autre dans des jeux, il n'y a pas grand chose à faire dans sa chambre universitaire, toute seule. Et puis elle lui a donné rendez-vous ici, pas dans sa résidence. un endroit plus neutre, où il y a moins de risques qu'on le suive et qu'on le repère. Mais visiblement, vu sa façon de lui parler, il a été repéré quand même. Il fait semblant de ne pas la connaître et de n'avoir aucun lien avec elle pour ne pas la mettre en danger. Elle soupire. Encore ? Quand est-ce qu'il se débarrassera une bonne fois pour toutes de ce problème ?
Elle ne s'y attendait pas. Ses yeux s'écarquillent en sentant ses doigts se refermer sur son poignet puis le choc de l'arbre dans son dos, et elle esquisse une grimace. Jouer la comédie d'accord, mais il aurait pu y aller un peu moins fort quand même...
» Tu n'as pas besoin de serrer aussi fort.
C'est un soupir, beaucoup trop calme, assez discret pour ne pas être facile à entendre. Où que soient les dangers potentiels pour lesquels il joue ce jeu, ils ne devraient pas percevoir ce qu'elle dit. Mais c'est quand même agaçant. Elle voulait juste un Noël tranquille, c'est trop demander ? Pourquoi ces types finissent toujours par le retrouver ?
» C'est bon, je vais rentrer, j'ai compris. Lâche-moi maintenant.
Une autre fois. C'est fatiguant. Il faudra qu'elle lui dise, un jour, que ça devient pesant de toujours garder le secret. Elle comprend la notion de danger, qu'il ne peut pas afficher son lien avec elle devant tout le monde, mais ils ne se voient quasiment jamais. Ce soir, elle pensait vraiment qu'ils pourraient passer la soirée ensemble sans avoir de problème. C'est à cause de la pluie. S'il avait fait beau, il y aurait eu plus de monde, il n'aurait pas été aussi facile à repérer. Mais ce n'est pas le cas. Forcément, même le monde commence à se liguer contre elle, maintenant.
Comme si son coeur avait compris le noeud du problème, comme s'il avait trouvé la réponse à la question le taraudant depuis le début de ses échanges avec la brune, il se mit à battre plus fort dans sa poitrine lorsqu'elle lui répondit une nouvelle fois à côté. De plus en plus sceptique, mais aussi de plus en plus apeuré, le Corbeau visualisa soudain le mot "Erotomanie" dans son esprit, et ses yeux s'étrécirent sous l'effet de la terreur tandis qu'il reliait rapidement les points entre eux, permettant enfin de justifier et d'expliquer le comportement étrange de la jeune femme. Rejetant l'information sous l'effet de la peur, Chris se jeta alors sur elle en saisissant son poignet et en le serrant entre ses doigts. Mais dès qu'il la vit lui demander d'arrêter de serrer son poignet aussi fort, et annoncer qu'elle allait rentrer sur un ton plein de reproches, le visage du jeune homme se décomposa sous l'effet de la terreur: de toute évidence, la maladie l'avait pleinement atteinte, et elle ne contrôlait plus rien...
Hébété, ayant peur d'avoir tout compris, le brun relâcha son poignet, et recula de plusieurs pas en fixant Tessa sans réellement la voir. - Oh, non... murmura -t-il alors. Pas ça... Sous l'effet de la surprise et de la terreur combinées, ses doigts desserrèrent leur étreinte autour de l'arme qui tomba au sol dans un bruit sourd, sans réaction de la part du boxeur, bien que son cerveau ait parfaitement noté l'information, entre autres choses.
Et maintenant, que faire ? Il faisait désormais face à un mur. Inutile de tenter de discuter avec elle, il était désormais devenu son "petit chouchou" quoi qu'il fasse. Il lui fallait tenter quelque chose pour tenter de faire comprendre au cerveau de la jeune femme que rien de tout ça n'était réel. Mais il savait parfaitement que... ce ne serait pas simple. - Tessa... Quand est ce qu'on s'est vus pour la dernière fois ? Demanda soudain l'assassin avec un air de doute au fond des yeux, comme s'il était encore en train de rassembler les données.
Un flashback soudain dilata ses pupilles et le ramena à leur véritable précédente rencontre: " Alors... Comment tu vas, depuis tout ce temps ? Racontes moi, un peu..." "Est-ce que c'est vraiment important..? Je ne sais pas ce que tu veux que je te dise..." " Je veux la vérité, Tessa ! Il n'y a que toi et moi, ici. Personne ne nous entendra. Personne ne saura que cette rencontre a eu lieu. Personne ne saura ce qui se passera, ou ce qui se sera dit. Je ne veux aucun miroir, ni aucun faux semblant. Je t'ai posé une question simple, et je veux une réponse. Une VRAIE ! Alors réponds !" " Simple ? Tu trouve ça simple ? Viens faire un tour dans ma tête, je t'en prie, et trouve-moi une seule chose qui est simple."
Le Corbeau se revit alors faisant un faux pas, ses lèvres se posant sur les siennes, et ses pupilles se dilatèrent encore davantage tandis que ses doigts se refermaient: le seul coupable de ce qui se passait sous ses yeux en ce moment, c'était lui, et personne d'autre... En ayant cette pensée, il sentit ses jambe s'affaiblir et tomba à genou avant que ses mains ne se posent au sol. " Tu n'as pas le droit ! Pas le droit... de jouer avec ce qui se passe dans ma tête..." se remémora -t-il alors que des larmes coulaient en silence le long de ses yeux. Pourtant, il n'eût pas la sensation d'avoir joué avec qui que ce soit, de quelque façon que ce soit. Il n'avait jamais voulu que le bien de Tessa...
" Tais-toi. Je n'ai pas envie de t'entendre, et encore moins envie de t'écouter..." Pour la première fois, son regard se redressa pour affronter celle qui le terrorisait tant: toujours à quatre pattes, il releva la tête, mais demeura silencieux, son cerveau continuant à le torpiller à l'aide de violentes répliques de la jeune Buchanan, toutes plus acides les unes que les autres considérant la situation... " Je n'ai rien inventé ! Je ne suis pas malade ! Et c'est encore pire." " Pourquoi tu ne peux pas juste être avec elle ?! Au lieu de venir m'empoisonner l'esprit ! Je ne veux pas... Je ne veux pas..." Avant même qu'elle n'ouvre la bouche, avant même qu'elle ne le condamne à nouveau, Chris savait déjà ce qu'elle s'apprêtait à lui dire... Il ferma les yeux, comme si ses propos lui étaient insupportables, et lui murmura d'une voix calme mais audible: - Je sais... Je suis désolé... Et dans sa tête, le souvenir de Tessa se manifesta une nouvelle fois: en colère, pestant contre lui de toutes ses forces: " Je te déteste..."
Il serre plus fort qu'il n'aurait dû. D'accord, il faut bien être crédible, mais il n'est pas obligé de lui faire mal pour autant. Avec un soupir, Tessa renonce à sa soirée. Encore. Sérieusement, cette organisation commence à lui taper sur les nerfs. Une soirée, à Noël en plus, c'est trop demander ? ça fait une éternité qu'ils ne se sont pas vus pour plus qu'une présence fugace dans la même pièce, avant qu'il s'en aille à cause d'eux. C'est fatiguant. à ce stade, il risque de finir par passer plus de temps avec la fille qui lui tourne autour et qu'il a rejetée qu'avec elle.
» Je sais pas, ça fait longtemps.
Qu'ils se sont vraiment "vus", si on ne compte pas les passages en jeu et les rendez-vous ratés, une petite éternité, du genre qui lui donne envie d'aller dégommer les assassin elle-même. Mais elle ne peut pas faire ça, Chris ne se remettrait pas de la culpabilité s'il lui arrivait quelque chose, alors elle prend son mal en patience. Heureusement, elle en a beaucoup en réserve.
Arquant un sourcil, elle hausse les épaules. Il n'a pas franchement de quoi s'excuser, ce n'est pas comme si c'était sa faute ou s'il le faisait exprès, et il s'arrange assez bien pour ne pas titiller sa peau de l'abandon : c'est très rare qu'il la laisse sans nouvelles, et elle sait pourquoi ils ne peuvent pas se voir souvent. C'est crispant, mais elle comprend.
» C'est pas grave. Pas la peine de pleurer comme ça.
Elle lui tapote distraitement la tête en regardant autour d'elle. Est-ce que ceux qui la poursuivent sont encore là ? Non, il ne se mettrait pas dans un état aussi visible si c'était le cas. Alors elle se permet de lui caresser un peu la tête, comme on réconforterait un enfant.
» Je vais rentrer.
Ça ne sert à rien de rester s'ils peuvent se faire surprendre par des tueurs dans n'importe quelle allée. De toute façon, elle le sait : moins ils seront vus ensemble, moins elle sera en danger. Elle ne tient pas à lui imposer encore une fois d'affronter et sûrement tuer plusieurs personnes pour lui sauver la vie comme il l'a fait au tout début. Mieux vaut faire profil bas encore un moment. Avec un petit soupir, elle retire sa main, la range dans la poche de son pull, louche sur l'arme tombée au sol. Quand même, ce serait plus simple s'ils pouvaient juste éliminer les assassins du paysage.
Le cerveau de l'assassin décrocha après ces quelques mots, comme s'ils avaient suffi à confirmer ses pires craintes, ses pires soupçons... Désormais assailli par sa propre conscience et ses propres souvenirs des précédentes rencontres ayant réellement eu lieu avec la jeune Buchanan, il s'effondra sans même s'en rendre compte, comme si le poids de ce qu'il avait fait était trop lourd à porter pour lui. Il portait sur sa conscience le poids de nombreux faux pas, exécutés par le passé. De vies prises de plein gré parce qu'on le lui avait demandé, ou bien parce que c'était nécessaire. Et tout comme Tessa, il s'était toujours considéré comme quelqu'un d'abîmé, de souillé, de mauvais, même... Raison pour laquelle il avait tant cherché à éloigner la jeune Cullen de lui après compris qu'elle avait développé des sentiments pour lui. Mais tout cela, il le supportait jour après jour sans s'en plaindre parce que c'était ce qu'il était. Il avait été crée pour ça...
Cependant, lorsque son cerveau avait fait le lien entre le baiser qu'il avait volé à la brune au bord de la piscine le soir du bal, entre ce faux pas qu'il avait fait, car c'était bien de cela qu'il s'agissait, et entre sa maladie... La possibilité que ce baiser ait éveillé chez elle ce démon sommeillant en elle... Démon contre lequel l'assassin ne pouvait pas lutter... Contre Meunier, il pouvait combattre. Lorsque Lily avait été enlevée, il avait dégainé son arme, et démontré l'étendue de ses talents dès lors qu'il se munissait d'une gâchette, et d'une cible identifiée... Mais lorsque la cible n'était pas identifiable... Ou plus exactement, lorsqu'elle était parfaitement identifiée mais qu'il ne pouvait rien contre elle... Que faire, alors ?! Etre un virtuose en assassinat ne tirait pas de toutes les situations existant en ce bas monde... C'est à cette sombre pensée que des larmes se mirent à couler le long de ses joues... Qu'avait il fait ?! Pourquoi elle ?! Pourquoi un tel mal avait il dû frapper une fille comme Tessa ?! Certes, elle était égoïste, glaciale, misanthrope... et pourtant, une part de lui l'aimait. Il trouvait ça injuste...
Il entendit à peine ses paroles réconfortantes alors que son âme l'attaquait de façon toujours plus virulente à l'aide d'anciennes visions... jusqu'à ce qu'elle ne tapote ses cheveux. Aussitôt, ce contact physique, bien que distrait, tira le Corbeau de son état second, et il entendit les dernières paroles de Tessa. Il se redressa lentement sur ses genoux, prêt à la laisser partir, jusqu'à ce que soudain, un sentiment de malaise ne l'envahisse violemment. Ce sentiment, il le connaissait très bien... Son regard balaya le parc des yeux, d'un regard plus que nerveux, et vint se poser sur l'arme qui était tombée au sol un peu plus loin. L'instant d'après, il se saisit de l'arme et se releva d'un bond, ayant retrouvé sa vivacité de tueur, et se précipita jusqu'à la jeune femme. Il s'empara d'elle et passa son bras gauche derrière sa bouche pour qu'elle se taise tout en l'emmenant à couvert d'un immense peuplier, non loin, l'arme poing. - Silence... Ordonna -t-il alors, en ayant retrouvé un éclat vif dans ses yeux. A nouveau, il balaya le parc du regard: mais en dehors de la pluie, il ne vit pas grand chose... Pourtant, il était là, quelque part... Il le savait... Quelqu'un l'observait, à l'aide d'une lunette de fusil à longue portée... Il en était convaincu.
Tout en observant le parc, il oublia complètement qu'il tenait la jeune Buchanan contre lui à l'aide de sa main gauche. Plus inquiet à l'idée de la protéger, il oublia qu'il risquait de la pousser à s'enfoncer encore davantage dans sa folie grandissante... Mais il semblait sûr d'une chose: ils n'étaient pas seuls, ce soir...
Il ne l'a pas vue. Sans doute qu'il ne l'a pas vue, perdu dans ses larmes et les pensées auxquels elle n'a pas accès malgré toutes ses tentatives de comprendre ce qui peut bien se passer dans sa tête. Très vite, son empathie limitée a atteint le fond, laissant en première ligne son regard analytique, son modèle de pensée égocentrique et calculateur. Après avoir ôté sa main de ses cheveux, et pendant qu'il continuait de pleurer, elle s'est penchée, imperceptiblement, tendant le pied devant elle pour essayer de faire glisser l'arme dans sa direction. Sans doute comptait-elle sur sa déconnexion de la réalité, mais il a fallu que quelque chose l'y ramène. Un bruit, un mouvement, une sensation : à vrai dire, elle n'en sait rien. Elle sait juste qu'il était en train de se relever lentement et qu'il a soudainement bondi sur ses jambes, effleurant sa cheville en récupérant l'arme dont elle avait eu la présence d'esprit d'écarter son pied à la dernière seconde.
Elle n'a pas le temps de poser de question, pas même le temps de réagir, qu'elle sent sa main se plaquer sur sa bouche et son corps l'entraîner en arrière, à l'ombre d'un arbre. Il ne lui adresse qu'un mot, un seul, mais c'est suffisant pour figer sa voix dans sa gorge. D'un petit geste de la tête, elle se dégage autant que possible, sans prononcer un mot. Est-ce que ceux qui les observaient jusque là ont fait un geste dans leur direction ? C'est pour ça qu'il réagit subitement au lieu de la laisser partir pour s'occuper d'eux loin d'elle, non ? Elle tourne les yeux vers lui. Il a l'air inquiet, à l'affût, concentré. Alors elle reporte son attention sur le parc. Ils sont là, quelque part. Ceux à cause de qui elle est forcée de se tenir à l'écart.
Une forme de colère dont elle a presque oublié la saveur commence à bouillonner dans ses veines. S'ils n'étaient pas là, elle n'aurait pas besoin de se cacher, pas besoin de se retrouver seule sans lui, pas besoin d'attendre de longues semaines avant de le voir. C'est à cause d'eux. Pourquoi les gens persistent-ils autant à l'empêcher d'avoir ce qu'elle veut ? Comme Manny Albarn autrefois, ces types se mettent sur son chemin pour essayer de détruire plus d'un an de relation. Elle inspire. C'est une mauvaise idée. Il lui en voudra sûrement, mais elle est prête à ne pas lui parler pendant un petit moment si c'est le prix à payer pour pouvoir le voir normalement après ça. Elle ait qu'il ne l'abandonnera pas comme les autres l'ont fait. Il n'en est pas capable, et il n'en a jamais eu l'intention. Rien ne changera ça. Il l'aime, non ?
Malgré tout, elle hésite quelques secondes avant de s'agiter subitement, comme si elle se débattait, refermer son poing sur l'arme qu'il tient à sa portée. Elle ne sait pas si on les voit ou non, mais ce n'est pas le but. Le but, c'est d'être assez rapide et assez surprenante pour pouvoir lui arracher l'arme des mains avant qu'il ait le temps de comprendre ce qu'elle est en train de faire. Alors elle tire d'un coup sec sans lui laisser l'occasion de réfléchir. Ne me trahis jamais, lui a-t-il dit. Mais elle n'a pas le choix, si elle veut être tranquille. Il comprendra. Trébuchant sur le sol mouillé, elle s'éloigne de quelques pas à peine, arme en main.
» Amène-toi ! Il est désarmé, c'est ce que tu veux, non ? Alors montre au moins ta sale gueule !
Elle n'a pas la moindre idée d'à qui elle s'adresse, là, dans les ombres. Quelques secondes d'adrénaline : c'est tout ce qui fonctionne, actuellement. Sa raison et sa logique se sont terrées dans un coin qui lui est totalement inaccessible.
Et quel dommage pour lui. Pour eux. S'il avait aperçu sa tentative, il aurait compris que ce soir, elle était dans un état mental particulièrement instable. Mais entre ce qu'il venait de comprendre... entre leur relation des plus chaotiques et la possibilité d'un tireur les ayant en ce moment même dans le viseur de son fusil à longue portée, Chris ne vit pas le geste étrange de Tessa pour tenter de s'emparer de l'arme. Il n'eût qu'une idée en tête lorsque cette étrange sensation instinctive acquise au fil de nombreuses années d'entraînement se manifesta à nouveau: protéger la brune, et se terrer à couvert en attendant de découvrir la source de la menace. Mais il était tard, et il pleuvait. Il n'y avait rien à voir... L'assassin eût beau plisser les yeux d'un air inquiet tout en balayant le parc du regard encore et encore, il ne vit rien du tout. L'arme au poing, il se mit à chercher une autre cachette, un moyen de faire sortir le prédateur de son trou... En détruisant les sources de lumière, peut être ?
Mais soudain, ses réflexions furent tuées dans l'oeuf lorsque Tessa s'agita et se libéra soudainement de sa prise. Plus encore, elle arracha l'arme de la main du brun, qui, trop surpris pour réagir, la vit partir en courant en découvert. Il tendit le bras dans sa direction et se mit à courir dans sa direction à son tour, mais: - Tessa, arrête ! Ne vas pas par là ! C'est là qu'un tir immobilisa Chris, tuant dans l'oeuf la colère montante à l'égard de Tessa qui s'apprêtait à exploser. Il ne fut pas bruyant, l'arme de l'assaillant avait un silencieux. Mais la menace fut suffisante pour figer Chris dans son élan dès lors qu'il vit le projectile traverser le sol à ses pieds. Il fixa alors Tessa qui se tourna dans une direction légèrement erronée, à en juger par la façon dont le projectile avait percé l'herbe non loin du tueur. Mais elle ne l'avait pas vu. Enfermée dans sa crise de colère, elle se mit à hurler sa frustration tandis que le brun réfléchissait à vive allure, envahi par une soudaine avalanche de doutes. Il pouvait le tuer, de toute évidence. Dès l'instant où Chris avait commis l'erreur de suivre la jeune Buchanan à découvert, il aurait pu l'abattre, et c'était par ailleurs le message de ce projectile. Pourquoi, alors, ne l'avait il pas fait ?! Qui était derrière l'arme ? - Tessa, je t'en prie... Ecoute moi... Ne fais pas n'importe quoi, d'accord... Le tireur est là, quelque part... Cours te mettre à couvert derrière l'arbre le plus proche... Quand j'te le dirai...
Mais à cet instant, un second coup de feu vint désarmer la jeune Tessa, comme pour lui prouver qu'il était bien là, quelque part, et qu'il la voyait, contrairement à elle. Sale gueule ou non, il avait droit de vie ou de mort sur eux, désormais. Cependant, ce second coup de feu permit aux sens aiguisés de Chris d'affûter la trajectoire du tireur, et d'ainsi mieux comprendre d'où il tirait... Le brun n'avait pas de seconde arme sur lui. Alors il prit une décision: il fit face à la direction d'où il était désormais persuadé que le tireur se trouvait, et articula silencieusement avec ses lèvres: "Tu veux quoi ?" Aussitôt, un premier coup de feu vint perforer le sol à ses pieds. Puis un second, et un troisième. Et le calme plat revint. Chris échangea un regard avec Tessa, d'incompréhension. Trois coups de feu, mais pourqu...
Soudain, son cerveau fit un lien avec le chiffre trois, et il releva la tête en direction du tireur. Numéro trois. C'était son autre prénom. Ou plutôt, ca l'avait été, avant qu'on ne le surnomme Corbeau. Mais très peu de gens connaissaient ce détail le concernant. En fait, à part ceux qui les avaient crées, et entraînés, et ses frères et soeurs d'armes du projet Enfants Terribles, personne ne savait. Il se tourna alors en direction de Tessa pour que l'inconnu ne puisse pas lire sur ses lèvres, puis: - Je crois que le tireur est lié à moi... à mon passé... Je crois qu'il faisait partie du même projet que moi... murmura -t-il à la brune.
Marre de se cacher. Marre de faire semblant. Marre de vivre dans l'ombre. Marre d'avoir peur. Qu'est-ce qu'une balle de plus qui risque de la toucher ? Elle a pris des risques bien plus grands avant aujourd'hui, à commencer par la fois où elle s'est littéralement pointé une arme sur la tempe avant de presser la détente, et elle a survécu. Et même si elle ne survit pas… à ce stade, elle n'est pas sûre que ça lui importe. Elle veut juste cesser de jouer les ombres, les fantômes insaisissables. Une journée normale, était-ce trop demander ? Dans sa vie, sans doute. Eh bien tant pis, quitte à gâcher sa soirée, autant faire ça jusqu'au bout.
L'arme lui échappe des mains – lui est arrachée des mains plutôt – avant qu'elle n'ait le temps de véritablement repérer l'autre. Forcément, il reste planqué. Elle soupire sans vraiment réagir plus que le petit sursaut d'origine. À quel point a-t-elle perdu son instinct de survie, depuis le temps ? Il pourrait lui tirer dessus qu'elle réagirait plus à la douleur qu'à la peur.
» Non.
Elle n'a pas envie de retourner se cacher. Si le gars veut lui tirer dessus, qu'il le fasse. De préférence en visant assez bien pour qu'elle ne perde pas encore un élément essentiel de son cerveau tout en continuant d'arpenter une planète en noir et blanc. Dans le pire – ou meilleur ? elle ne sait même plus – des cas, elle meurt. Sinon, peut-être qu'en étant blessée assez gravement, elle pourra garder Chris près d'elle un moment sans avoir besoin de se cacher. Il n'irait pas la laisser seule à l'hôpital sans lui tenir compagnie.
Mais ce n'est pas sur elle qu'il tire, c'est sur le sol, à côté de Chris. La preuve qu'elle a tenu son rôle de fantôme jusqu'au bout. Un sourire amer se dessine sur ses lèvres. Elle aurait presque préféré être une cible. Ça lui aurait donné un semblant de rôle, d'importance. Là, elle est juste… présente. Au mauvais endroit, au mauvais moment, avec la mauvaise personne. C'est presque fatiguant. Invisible jusqu'au bout, hein… alors à quoi bon essayer de se cacher ? Même en plein milieu de la scène elle n'a aucune importance.
» Ouais... 'fin il a l'air plus déterminé à détruire la voie publique qu'à agir.
Haussement d'épaules. Elle est sans doute un peu trop désensibilisée aux choses qui sont censées lui faire peur. S'il tire sur Chris, elle s'interposera, sans doute. C'est étrange. À une époque, quand ils se sont rencontrés, elle avait peur d'avoir mal plus qu'elle n'avait peur de mourir. Maintenant, même la perspective d'être blessée ne lui évoque rien. Tant que c'est pour lui… tant que c'est pour lui, elle le fera sans hésiter.
- Tessa, je t'en prie... Ecoute moi... Ne fais pas n'importe quoi, d'accord... Le tireur est là, quelque part... Cours te mettre à couvert derrière l'arbre le plus proche... Quand j'te le dirai... - Non. Pris par surprise par une telle réponse aussi incongrue que déraisonnable, le Corbeau tourna des yeux étrécis en direction de la jeune femme. - Quoi… ? Rétorqua t’il sans même s’en rendre compte d’un ton qui ne put dissimuler sa surprise. Mais il n’eût pas bien le temps d’y réfléchir davantage, car les coups de feu suivants le forcèrent à regarder à nouveau en direction du mystérieux tireur.
Jusqu’aux trois étranges tirs qui poussèrent Chris à penser qu’il devait avoir un lien avec son passé. Mais qui était il ? Qui pouvait-il bien être ? A nouveau, il tenta de prévenir la jeune Buchanan, mais sa réponse l’étonna tellement qu’il se tourna malgré lui dans sa direction : quelque chose était encore pire que d’habitude, chez elle. - Tu as bu, ou quoi ? Lentement, le brun baissa ses mains le long du corps : bizarrement, son malaise commençait lentement à se dissiper. Peut-être le tireur avait il disparu ? Mais si c’était vraiment le cas, pourquoi avoir fait ça ? Il prit alors une décision, et sans prévenir Tessa, il se précipita vers elle et attrapa son poignet : - Cours ! Au passage, il se saisît de son arme avec sa main libre et entraîna la brune le long des arbres jusqu’aux toilettes publiques, non loin d’ici. Il tira une balle dans le verrou, et enfonça la porte sans s’arrêter d’un coup d’épaule, puis força Tessa à entrer et ne relâcha son bras qu’une fois dans la grande pièce dotée de plusieurs lavabos, en face des diverses toilettes, qui était fermée de nuit, et plongée dans le noir, aussi. Ici, que le sniper soit toujours présent ou pas, il ne pouvait plus les voir…
Soulagé, Chris se redressa après avoir soufflé et observa la jeune femme d’un œil analytique. Elle sentait moins l’alcool que d’habitude. Pourquoi avoir agi de manière aussi stupide, alors ? Il rangea son arme, conscient que la menacer avec ne serait pas une menace, mais bien une récompense aux yeux de l’étudiante, puis : - Je peux savoir à quoi tu jouais, tout à l’heure ? Demanda-t-il soudain d’une voix étrange en la fixant, alors que ses yeux brumeux brillaient à la lueur de la lune.
Il fit un pas vers elle, puis un autre, tout en faisant barrage de son corps entre Tessa et la sortie des toilettes publiques : - Tu t’es dit que voler mon arme et te précipiter sous la ligne de mire d’un tireur d’élite était une bonne idée, je suppose ? Ça t’a semblé une idée de génie, sur le moment, n’est-ce pas ? Demanda-t-il d’un ton lent et cassant. Allez, Tessa… Explique moi parce que j’avoue que je n’ai pas bien compris la logique de survie qui se cachait derrière ces actions…
Non, elle n'a pas bu. C'est peut-être pour ça qu'elle se sent aussi lucide et détachée. L'alcool la prive de sa rationalité glaciale, ramène ses émotions à la surface mais là… là, elle veut juste en finir avec les faux-semblants. Se blesser dans le processus ? Et alors ? Ça ne sera certainement pas la première fois.Mais avant qu'elle ne puisse envisager une réponse, il la saisit par le poignet pour l'entraîner à l'écart. Personne ne leur tire dessus. Alors quoi, le but était de leur faire peur ?
Son calme stoïque reste en place tout le long de leur course. Elle n'a pas peur. Ni de potentiellement sentir une balle se ficher entre ses omoplates, ni de l'endroit où il l'emmène. Au moins, elle est avec lui, en personne. Elle peut sentir sa main et elle regrette de porter un pull. Ça fait si longtemps qu'elle n'a pas vraiment senti sa peau… Juste sa main près de la sienne.
Finalement, il s'arrête. Il n'a pas l'air dans son état normal, mais c'est logique, après tout. Il a eu peur pour elle, rien de plus normal. En réponse à sa première question, elle se contente d'un haussement d'épaules, le regard dans le vague, parcourant la porte dont il a fait sauter le verrou. Là aussi, elle se dit vaguement qu'elle aurait dû avoir peur. Mais le gars ne peut plus les voir, et Chris ne lui ferait pas de mal.
» Je voulais le tuer, déclare-t-elle dans le plus grand des calmes.
Ça aurait impliqué qu'il sorte de sa cachette, parce qu'elle n'aurait pas pu viser grand-chose tant qu'il n'était pas visible, mais elle en a juste eu assez de rester planquée en attendant que les choses évoluent. L'ombre a ses limites, aussi, n'a-t-elle pas le droit pour une fois dans sa vie d'évoluer au grand jour ?
» C'est parce qu'il n'y avait pas de logique de survie derrière ces actions.
Nouveau haussement d'épaules tandis qu'elle glisse ses mains dans les poches de sa veste. Survivre n'a qu'une importance secondaire. Bien sûr, elle n'aurait rien contre pouvoir vivre sa relation au grand jour mais ce qui importe, c'est qu'il soit enfin tranquille. Ces gens ne manqueront à personne et ils sont sur son chemin, pourquoi il ne les détruit pas purement et simplement ? Il les connaît bien, après tout, ça ne devrait pas être bien compliqué.
Quelque chose n’allait pas chez elle. Il le savait. Il l’avait toujours su. Et malgré ça, il avait toujours cherché à la sauver. A la sauver d’elle-même, à la sauver des autres, à la sauver de tous les dangers qui pouvaient se dresser contre elle. Au même titre que Lily, la brune avait toujours tenu une place à part dans le cœur du Corbeau sans que lui-même soit capable de se l’expliquer. Il avait toujours su qu’elle était toxique, et pourtant, il lui pardonnait encore et toujours ses écarts… - Tu voulais le tuer ?! Répéta Chris en retenant à grand peine la colère qu’il sentait l’envahir peu à peu. Pourtant… ce soir, ses actions avaient atteint quelque chose en lui. Elle était allée trop loin, cette fois…
Il s’avança lentement vers elle en repensant à toutes ces fois où il avait dû la protéger d’elle-même, quitte à devoir prendre des risques pour ça. - Vraiment ?! Répliqua-t-il avec sarcasme. Mais c’est très intéressant, dis-moi ! Alors, tu peux me dire ce que j’ai foutu pendant tout ce temps, à essayer de t’aider, si on en est là, aujourd’hui ?! Sans même attendre de réponse, il fonça jusqu’à elle et la gifla d’un revers de main. Mais au lieu de la laisser tomber au sol, il la rattrapa par les cheveux avant qu'elle ne tombe, et la traîna devant un des nombreux miroirs faisant face aux lavabos : - Regarde toi, Tessa ! On avait un accord, toi et moi ! Un accord de 365 jours, tu te souviens ?! Un accord très simple : tu devais te battre contre ta maladie. Si tu échouais, je te libérais. Mais tu ne m’as pas demandé de te libérer ! Il tira sur ses cheveux, comme pour la maintenir éveillée, avant de poursuivre : - Tu as prétexté que je n’étais pas capable de le faire. Mais la vérité, c’est que tu as jeté l’arme, sans pour autant me demander de le faire… Tu as fui la mort, qu'elle que soit la façon dont elle aurait pu t'être accordée, ce soir là !
Il resserra son étreinte autour de son cou, poussant le visage de la jeune Buchanan jusqu’à la glace, jusqu’à ce qu’elle sente le froid du verre, avant de la laisser reculer un peu : - Qui es-tu, Tessa ?! Qu’est-ce que tu veux, exactement ?! On arrête avec les fausses Tessa, maintenant ! C’est terminé ! Stop les faux semblants ! Tu me l’avais promis ! Et pourtant, je te retrouve six mois après t’avoir laissée en vie, après t’avoir accordé ce que tu demandais, qu’on ne se revoie plus, et tu es dans un état pire que je ne t’ai jamais vu auparavant ! A quoi tu joues ?! Il retourna brutalement la jeune femme qui se retrouva bloquée entre le lavabo et l’assassin dont le regard était particulièrement menaçant : - Parle ! Et n’essaie pas de me baiser… Je te préviens que je ne suis pas d’humeur…
