Septembre 2021, Russie.
Un lit. La chambre d'un appartement luxueux. Un bruit qui résonne en cette nuit. Lentement, la silhouette de Sköll se redresse, laissant échapper un simple soupir. Au simple son de la notification, il se doute de sa provenance. Sans vraiment d'hésitation où de recherche, le blond attrape son téléphone. La fraîcheur vient caresser sa peau, avant qu'une main ne rejoigne celle-ci. Un instant, il hausse un sourcil. Observe. Ah. Oui. C'est vrai qu'il est là. Une deuxième silhouette, qui se redresse. Des lèvres, qui viennent voler un baiser. Une main, qui se glisse sur une joue. Un léger sourire se dessine sur les lèvres du blond. À nouveau. Cette notification. Alors, simplement, rompre ce contact.
« Les affaires. Je reviens dans quelques minutes. » Une main. Qui vient en chercher une autre. Pour déposer un baiser dans sa paume. Promesse de retour envers l'éphèbe – Dmitri, prostitué russe aux oreilles aussi efficaces que les lèvres. Quittant ainsi le lit de cette chambre d'hôtel, le blond attrape son ordinateur portable – ainsi que son téléphone. Pour prendre congé de cette chambre pour se glisser et s'enfermer dans un bureau.
Sans véritable délicatesse, Sköll laisse tomber son corps nu sur un canapé. Un coup d’œil vers la fenêtre. Le soleil se lève doucement. Ouvrant son ordinateur, son regard se pose sur la notification, qu'il active, sans demander son reste.
Le message apparaît alors. Un rapport de fin de mission. D'échec de mission. Qui ne le concerne pas véritablement – du moins, pas en cet instant. Réprimant un bâillement, le jeune homme s'étire. Avant de lire. Simplement. Ce qu'il y a à lire. La traque du Corbeau. Les différents échecs. Ah. Oui. C'est quelque chose qui s'est un peu fait entendre. Ah. Pourquoi c'est à lui qu'on envoie ça ? Une erreur, sans doute. Mais bon. Maintenant que c'est devant ses yeux. Autant se faire une idée de ce qui se passe véritablement.
Un peu de surprise, d'ailleurs, à lire le nombre de victimes. Des poupées qui se sont brisées à force de cogner contre un mur. Il joue. Avec une mèche blonde. Autour de son index. Il continue d'observer ce rapport de mission. Les quelques photographies. Les quelques éléments récupérés.
Puis, le téléphone sécurisé sonne. Un haussement de sourcil. Un instant sa tête bascule en arrière. Pour observer la porte fermée et verrouillée. S'ils appellent maintenant, les dernières heures risquent d'être moins intéressantes. Affaires à ranger. Rapport à rédiger. Ce genre de routine administrative qui arrache un soupir à chacun des reflets de son esprit fragmenté. Quant à l'autre. Quant à l'éphèbe. Eh. Nous verrons bien.
« J'écoute. » A-t-il lancé tout en glissant une oreillette dans son oreille, faisant ainsi cesser le vacarme qu'est la sonnerie d'un téléphone. Il écoute. Donc. La mission actuelle n'est pas prioritaire. Donc il peut être envoyé autre part. Au vue de ce qu'il a reçu, il n'a aucune surprise à avoir sur la destination. La Capitale Britannique. Un instant, un petit frisson parcours son dos. Nouvelle mission dit nouvelle histoire à construire. Mais dans ce cas-là, cela semble signifier la préparation d'un testament – ah, non. C'est vrai. Il n'a personne à qui transmettre ses quelques possessions.
Quelques conquêtes – nombreuses, en fait. Pas vraiment de réelles amitiés pérennes.
Quant à la famille. Eh. Plutôt crever que donner quelque chose à cette organisation.
Car, oui. Il est un Enfant Terrible. Donc sa seule famille n'est finalement qu'une éprouvette.
Et des frères et sœurs sans véritables noms et dont les visages vont et viennent dans sa vie.
Au moins peut-il espérer mourir comme les Grands Hommes et Femmes des anciens temps : avec ses possessions. Mais, étrangement … il doute qu'on lui offre un quelconque tombeau. Non. Un pantin cassé, cela ne va que dans une chose. Dans une poubelle.
Il écoute. Donc. Écoute la mission. S'installer. Carte Blanche sur l'identité, sur la vie en Londres. Tisser des liens. Être sur le terrain et à la fois dans les coulisses. Pour préparer l'arrivée d'une autre Enfant Terrible. Quoi ? Il allait devoir aider un assassin ? Non. Pas un assassin.
« Une nerd … ? » Silence. Alors qu'un sourire passe sur ses lèvres. Alors que sa main passe dans ses cheveux.
« Dites-moi que vous plaisantez ? Je sais qu'ils ont une vision très particulière et ultraaaa logique, mais c'est le Corbeau. Il va l'attraper. Et la bouffer. Aaaah. C'est pour ça que je viens avant. Oui. Oui. Je vois. Oui. D'accord. Enfin bon. Apprendre à une nerd d'être sociale, c'est un peu comme m'apprendre à être chast … Allô ? »Un sourcil haussé, à nouveau. Ah. Oui. C'est vrai qu'ils n'aiment pas quand on palabre des heures et des heures. Mais bon. Un peu d'éducation ! Qu'est-ce qu'ils diraient s'il raccrochait au nez d'un supérieur ? Oui. C'est pas bien. Oui, on se débarrasse de toi. Tu prends trop de liberté. Cela finirait à la déchetterie.
Un instant, donc, le jeune homme nu s'étire. Fait craquer sa nuque. Commence à se redresser. Avant de recevoir une notification. Un message, qu'il lit alors. Ton contact à Londres sera X-027. Ah. Voilà une bonne nouvelle. Une nerd qu'il connaît. Expérience mutuelle. Entre une oreillette, lui, et elle. T-Bug, pour les intimes – c'est à dire tous les Enfants Terribles et son référent direct. Bien. Le terrain ne sera pas pleinement inconnu – et il aura enfin la chance de mettre un visage à cette voix.
Souriant doucement à cette nouvelle, il avance vers la porte. Nouveau message.
Fais le ménage.
Il ouvre la porte. Alors qu'une main glisse contre une arme cachée dans la bibliothèque.
« Je sais … » Les mots attirent l'attention de son compagnon nocturne. Alors qu'il tend doucement l'arme – dotée d'un silencieux.
« Pour qui me prenez-vous ? » Deux tirs. Un simplicité efficace. Un léger soupir.
25 Août 2022, Londres, Whitechapel.
The Obsidian Cabaret.
Un projet né après quelques semaines dans la ville. Après tout, n'avait-il pas carte blanche ? La cible et le prédateur, respectivement le Corbeau et T-Bug – bien que nous pourrions penser le contraire –, étant tous deux étudiants, il fallait s'imposer d'une autre façon. Une certaine liberté de terrain. Un certain réseau. Exister hors des murs de l'Université. Certes, le terrain de jeu – et de chasse – devenait plus vaste. Mais il n'en restait pas moins bien meilleur pour tendre des pièges.
Le problème d'une Université – ou d'un quelconque lieu qui mélange à la fois vie commune, privé et activité – est que son monde est tel un village. Un village, à l'intérieur d'une vaste cité, certes. Mais un village tout de même. Tout fini par se savoir. Tout fini par être connu – d'une façon concrète ou déformée. Il le sait. C'est une chose qui se sait – pour qui a l'habitude à s'infiltrer dans des lieux similaires. Rapidement, une apparence, un regard, des mots … une façon de s'habiller. Tout ceci se mélange. En une rumeur rampante. Tantôt crasse. Tantôt admirable. Mais une rumeur, qui vient s'accrocher. Qui émet son parfum. Sa fragrance. Qui joue sa mélodie. Sa symphonie. Il est difficile de faire certaines missions dans ce genre d'environnement.
Lui. Il a été éduqué pour ça. Il a été éduqué à propager la rumeur. À se défendre face à elle. À l'aimer, comme un enfant aimerait un animal. À la chérir. Pour mieux l'abandonner comme le parasite qu'elle est sur un autre corps. Dans les ténèbres de leur bunker, ses frères, ses sœurs, et lui, apprenaient ces danses étranges. Celles de vivre en société. De se battre contre soi. Des jeux de rôles mortels. Et dans ces jeux, aucuns dés pour vous aider. Dans ce monde, certaines choses ne peuvent être laissées au hasard.
Et cela était sans compté le reste. Savoir maintenir un crâne sous l'eau est compliqué. Savoir se maintenir sous l'eau est compliqué. Savoir tuer est difficile. Savoir survivre est difficile. Les Assassins ont une certaine chance … personne leur demande d'aimer, de détester. De se sociabiliser. De s'approcher. De minauder. De jouir jusqu'à plus d'heures … Ou de moins d'imiter le monde tellement que l'on pourrait croire en tout.
Non. Non. Le chanceux. C'est lui.
Le chanceux. Et le talentueux. Après tout, n'a-t-il pas réussi à s'en sortir ?
N'est-il pas là, à observer avec un petit sourire cette demoiselle en contrebas.
Alors voici T-Bug … Ses supérieurs lui avait fait une rapide description de la demoiselle – à comprendre qu'ils lui avaient envoyé un fichier temporaire contenant l'image de la pirate de génie –, mais maintenant … Ah. Le numérique réduit grandement la beauté des gens. Mais c'est utile. Elle est utile. Sans doute finira par l'être un peu plus, si elle s'habitue à ce genre de missions. Ou alors finira-t-elle peut-être comme une machine dysfonctionnelle ?
Un heureux hasard a souhaité qu'elle passe par ici. Elle doit être récompensée pour cela. Attrapant l'un de ses téléphones – celui pour les communications protégées – et il ne fait qu'envoyer quelques mots. À défaut de pourchasser le Soleil, Sköll chasse à Londres. Cela devrait suffire. Et cela suffira. Oui. Un léger rire traverse ses lèvres, amusé de la voir ainsi chercher une quelconque preuve d'un espionnage de l'Organisation. Buvant une gorgée d'un vin français, Z-001 – oui, c'est bien son numéro de série – se redresse. C'est qu'il a autre chose à faire que de regarder une demoiselle – lui parler, par exemple.
Mais. Mais.
Les choses aiment se passer différemment.
Ce qui n'est pas pour déplaire.
Une autre silhouette. Oh. Ces hasards ! Ils viennent se mélanger, s'enchevêtrer. Une petite œuvre d'art à eux seuls. Quelque chose se passe. Donc. Une petite pièce. Et il serait un bien mauvais amateur d'art pour déranger les autres. Alors. Simplement. Il regarde. Il n'a pas vraiment les paroles. Mais les gestes suffisent. À traduire une tension. Son alcool tourne dans son verre. Il devrait les embaucher. Tous les deux. Pour un petit spectacle. La Prédatrice & Prédateur, mais qui est donc la Proie ? Tiens. Ils bougent. Oh non, il ne doit pas louper ça. Posant rapidement son verre, il emprunte une sortie de secours. Descendant à peine les escaliers : il fini en effet par sauter les dernières marches. Soulevant la capuche de son sweat sur ses cheveux, il enfonce les mains dans ses poches.
Il avance. Légèrement. Prenant la direction. Pour enfin remarquer l'impasse dans laquelle elle se trouve – dans laquelle ils se trouvent. Métaphoriquement et littéralement. Bon. Il a bien fait de les suivre ainsi. Faire ce qu'il fait depuis les hauteurs serait … stupide. Un mouvement discret. Pour se faufiler dans la ruelle qui se trouve de l'autre côté de la rue. Un bon angle pour prendre quelques photographies. Et pour ne pas être sur le chemin de ceux qui en sortiront. Première photo. L'arme est difficilement visible. Mais on voit bien la tension. Deuxième photo. Là. Il tire sur le côté. Une menace. Immortalisée.
Elle se retourne … A-t-il menacer la fille pour … Ah. Non. Elle ne fait que soulever ses cheveux. Il a des doutes. Et aux yeux du blond … tous les doutes volent en éclat et deviennent des réalités face à ce tatouage. Un frisson parcours sa nuque. Malheureusement, même pour sa propre division, il n'existe aucun véritable moyen de le masquer. N'est-il pas un agent de terrain avec une prédisposition aux actions sociales ? Si. Mais cela n'empêche. Marqués comme du bétail, ils doivent ainsi rester. Mais qu'importe. Il trouve toujours un moyen de s'en sortir lors de certains instants. Des missions qui se terminent dans les draps d'une personne ne sont pas rare. Mais il a fini par trouver des combines. Des mots à prononcer. Et des gestes à faire.
C'est son travail, après tout.
Hm … ? Il … la laisse … partir ? Baissant un instant son téléphone … il observe. Comment a-t-elle pu faire cela … ? Il ne l'a jamais vu, après tout. Qui peut prouver qu'elle a vraiment cela ? Black Thorn aurait produit certains outils sans les marquer ? Non. Certainement pas … Enfin … ce n'est pas comme s'il était vraiment facile de lire dans les actions de ces penseurs et financiers.
Une dernière photographie. Pour bien attraper le visage. Lyra. Il a bien entendu, cette fois. Car cette fois, le Corbeau a poussé sa voix. En direction de celle qui maintenant s'effondre. Claquant sa langue contre son palais. Le blond attrape une de ses mèches. Toujours dans l'ombre de la ruelle, il reste éloigné de toute possibilité d'être remarqué. Avant de, simplement, s'en détacher, lorsque la cible n'est plus présente.
Il avance. Les mains dans ses poches. La capuche sur la tête. Simplement, il sort un chewing-gum, commençant à le mâcher. Le jeu commence.