Cela fait le premier soir à la neige, on est arrivés ce matin.

Je tente comme je peux de contenir ma colère face à cet argent de Maman dépensé pour ce voyage au lieu que Maman en aurait tant besoin. Et pour le moment, j'y arrive bien malgré une certaine amertume dans la bouche en y pensant.

Je secoue la tête avec désolation.

J'essaye, j'essaye vraiment très fort, de réveiller Maman en allumant ma Magie. Mais je n'arrive ni à l'un ni à l'autre. J'espère encore, cachée en mon cœur il y a cette petite étincelle d'espoir, cette étincelle de magie.

Je le sais. Je le sens.

J'y crois de toutes mes forces vraiment fort alors pourquoi ma magie ne se réveille pas ? Le psychiatre dit que je ne suis plus un enfant, que je dois voir la réalité. Mais je la vois déjà, la réalité elle est magique. Mais je suis fatigué de me démener peut-être aussi fatigué que Maman. De désespoir, je shoote dans un petit tas de neige devant le grand chalet où collégiens et lycéens résident.

Je ne peux pas dormir cependant, elle, elle dort mais moi, moi, je dois rester éveillé pour la sauver de son long sommeil. Je vais réussir à réveiller ma magie ! Il faudra juste encore du temps. Il se met à neiger. Je m'assois sur les marches du chalet. Je soupire : «  Pardon de mettre autant de temps Maman... »

Du haut de mes treize ans, je respire un grand  coup et je me mets à courir en rond sous la neige. Les flocons et le vent me giflent le visage mais je n'en ai cure. La neige est de la magie pure et le vent un fantôme qui la porte. Je n'ai pas peur du vent. Il n'est ni méchant ni gentil. Il peut se déchaîner comme être doux. Il est un peu comme moi à l’intérieur sauf que moi cela reste dedans je suis un vent dans une cage. J'étouffe, je suffoque face à la vie. Mais je reste debout. Car je sais que la magie est en moi et qu'elle me libérera autant qu'elle libérera Maman.

Je le sais, je crois en ma Magie, je crois en la Magie du monde, je dois juste l'éveiller.

Je m'arrête de courir trempé, frigorifié mais vivant, plus vivant que jamais. Je me mets sous le porche du chalet et prends un plaid qui y traîne, je m'en couvre et m'assois devant la porte sur les marches sous le petit porche. Je grelotte mais la chaleur du plaid me rassure. Je murmure : «  Maman, la magie ça existe, je te crois et je te croirai toujours ! »

Je reste là une bonne heure avant de rentrer  pour le repas. Au repas je m'isole, pas envie d’attirer l'attention, proclamer que la magie existe oui mais proclamer que j’existe ? Jamais, les gens ne doivent pas s'attacher à moi.

Je monte après le repas mettre un pyjama avec des étoiles et dessus le haut de pyjama, un pull Harry Potter jaune et noir comme Poufsouffle, c'est la maison des gentils, la maison que j'admire, la maison où je voudrais être. Je ne veux pas être un méchant loup-garou comme Papa mais je suis maudit et sale, est ce que les enfants qui sèment les malédictions peuvent y aller dans la maison des gentils ?  Je ne le sais pas. J'ai peur que non.

Je lève les yeux vers la fenêtre du dortoir, espérant un hibou magique qui viendrait en retard mais qui viendrait. Mais rien.  Je mets mes chaussons hiboux et prends mon doudou Pikachu contre moi, la petite peluche me sourit je lui rends son sourire. Je descends en bas, une foule de collégiens passent près de moi sans me saluer. C'est mieux comme ça.

Je sors du chalet et m'assois sur les marches, il y a tant d'étoiles ce soir, je n'ai pas de feuille sur moi de suite seulement un feutre traînant dans ma poche, je me mets à dessiner le ciel sur les rampes en bois d'escalier extérieur devant la porte, comme pour capturer un peu de ciel, un peu de magie, un peu de cette nuit magiquement belle.

Quand soudain des pas, sous la surprise je lâche vivement mon feutre qui vient heurter en un petit « poc » le nouvel arrivant.

Certaines familles d'accueils qui m'ont accueilli, peu de temps, me comparaient à un petit animal sauvage. Il a toujours peur  c'est juste une poule mouillée!  Disaient elles ou pire il est froid et renfermé, distant ! On ne fera rien de ce môme robot ! Mais moi je  ne suis ni une poule mouillée ni un robot, je suis juste un petit sorcier qui n'arrive plus à trouver sa maison depuis longtemps, trop longtemps.

Alors quand le grand me demande si j'ai froid je me contente de secouer la tête, j'ai l'habitude du froid une fois papa Loup garou avait coupé le chauffage pendant un mois en hiver car il n'avait plus de quoi acheter sa méchante potion. Là j'ai eu très froid face à ça ce soir il fait chaud.

Je veux le dire au grand mais ma voix meurt dans ma gorge alors je ne dis rien. Je regarde mon dessin d'étoiles en silence.

Et là le grand en transforme une en filante. Un frisson me prend. Les étoiles filantes est ce que cela perd leur maison ? Comme moi ?

Je hoche doucement la tête en reprenant le feutre.  

Maman il fallait qu'elle se réveille et sorte de cette boite, c'est Maman ma maison ! Mais Maman ne se réveille pas, à cause d'un Papa loup garou en prison et plus les années passent plus j'ai peur de ne pas y arriver, que ma magie ne se réveille jamais et que je ne retrouve jamais ma maison.

« Maman, elle aurait préféré me revoir à ce que je vois la neige et moi c'est pareil ! » je dis d'une voix frêle. Je ravale mes larmes, je refuse que le grand ait la possibilité de me consoler.

Je descends les  marches du petit perron et me met à empiler un petit tas de neige. Je voulais rentrer à la maison, je veux tant rentrer à la maison. Je me concentre sur ma construction pour rester stoïque au maximum. Le grand ne doit pas s'attacher à moi, c'est dangereux trop dangereux.

Mais le grand ne part pas malgré les minutes qui passent et mon entêtement sur ma  sculpture de neige.

« Est ce que tu connais la reine des neiges ? Le conte d'Andersen avec les éclats de verres maléfiques et la dame du froid et Gerda et Kay qui ont besoin de se retrouver ! »  Je mets une tour de plus à mon petit tas de neige : «  C'est un beau récit mais il serait encore mieux si Kay était resté dans le palais de la reine des neiges tout seul ! Peut-être que la reine des neiges pourra me kidnapper un jour moi aussi si je n'arrive pas à sauver Maman. »

Dans un souffle j'avoue : «  C'est moins dangereux d'être tout seul. »