Le groupe de danseurs et danseuses travaille d'arrache-pied. Installé dans un fauteuil, Rune Campbell écoute, observe, alors que certains échanges se déroulent entre quelques danseurs et la chorégraphe de l'établissement. Quelque chose de grave ? Non. Juste deux-trois mouvements plus compliqués. Sans doute devrait-il s'inquiéter. Mais non. Si cette chère chorégraphe a choisi ceux-là pour effectuer ces mouvements, alors c'est qu'elle leur fait confiance sur leurs capacités à reproduire et exceller dans cette chorégraphie. Lui ? Eh bien, il a déjà pris le temps de travaillé plus tôt ce qu'il devrait faire en tant que « maître de cérémonie ». Cette fois, moins de chant, plus de mise en scène et de présence sur scène. En soi, rien qui ne dérange Sköll : la comédie, le théâtre, font partie de lui-même. Sans le dominer. Et encore, il y a de grandes chances qu'il ne soit guère présent durant les jours de la fin d'année. Le remplaçant est déjà au courant et lui-même préparé. En somme : tout est géré.

Sentant son téléphone vibrer, le blond se relève alors, regardant qui l'appelle. Un sourire vient automatiquement sur ses lèvres, alors qu'il décide de quitter la salle de spectacle pour répondre au téléphone. « Elskling. » Un mot, prononcé avec sa voix douce. S'appuyant dos contre un mur, il commence à écouter cette voix, ce quasi murmure qui résonne dans le combiné. Une petite lueur apparaît alors dans ses yeux. Une forme de joie, de le savoir présent.
« Dis à ce visiteur que j'arrive de suite … » Puis. Après quelques mots, de nouveau le silence. Un silence qu'il dérange rapidement par son mouvement, en direction de la porte de l'établissement.

Un mouvement. Le voilà dehors. Le voilà aussi à sourire doucement, alors que la fraîcheur vient sur son visage. Ce n'est pas pour cela qu'il sourit. Mais bien parce qu'il est là. Alors, doucement, son pas approche. Sans un mot, une main vient chercher la sienne. Ses lèvres viennent se coller à leurs jumelles. Alors qu'une étreinte, lentement, vient serrer la silhouette d'Alix contre lui. Un bonjour silencieux, tendre. Qui n'a besoin de rien d'autre que cela. Du moins, pour le moment. Pour le moment, le prendre dans ses bras et sentir ses doigts entre les siens forment les choses les plus importantes. Mais, bien vite, u=ne nouvelle chose essentielle manque. Sa voix. Alors, tendrement, il rompt le baiser.

« Quelle agréable surprise cher visiteur. J'espère que tu n'as pas attendu trop longtemps … » Nouveau sourire.

L'entendre parler. Lui parler. Se sentir présent et normal à ses côtés. C'est sans doute cela cette sensation. Une chaleur au cœur d'un hiver sans fin.

Un silence de la part du Loup. Celui-ci regarde le jeune homme, discret sourire sur ses lèvres. Une main étreinte, l'autre vient se poser sur sa joue, profitant de la chaleur résiduelle laissée par l'écharpe. Il l'écoute, d'une oreille attentive. Son sourire s'étire légèrement à ses premiers mots. Tu savais, hein. Cette vérité prononcée l'amuse. Sans doute car cette vérité n'est pas fabriquée. Elle n'est pas fausse. Artificielle.  Oui. Savoir sa présence si proche le pousse à braver la distance. S'approcher. Pour prendre sa main dans la sienne. Pour unir ses lèvres aux siennes. Pour se plonger dans son regard. En oublier le froid. De toute façon, il savait, lui. Que ce froid n'aurait rien de dérangeant. Car il aimait ça. Être dans ce froid, certes. Mais être dans ses bras, aussi.

Tu me manquais, dit-il. Encore un silence de la part du Loup. Une caresse le long de la joue. Avant que les lèvres ne s'approchent pour s'unir à celles de cette Chance. Profiter de cette chaleur. Profiter de cette présence. Car là est une autre vérité. Lui aussi, il lui manquait. Alors, pendant un instant, s'il te plaît, laisse moi encore t'embrasser. Que je puisse assouvir ce manque.
Finir par rompre, presque à contrecœur, cette union des lèvres. Un léger soupir, qui vient se mélanger au souffle du jeune homme. Puis. Un sourire un peu plus présent. Alors que le front vient se poser contre le sien. « Tu sais. » Presque un murmure, alors qu'il le regarde. « Quand je te manque. Il n'y a qu'une chose à faire. » Un baiser, au coin de ses lèvres. Avant de le prendre dans ses bras à nouveau. L'enlacer. Sentir son parfum. Sa chaleur. Un frisson. Le froid et le plaisir se muant en une seule et même sensation. Puis, la fin du murmure. « Venir. Ma porte sera toujours ouverte. »

Dangereuse décision que celle-ci. Mais vérité qu'il compte bien prouver. Quoique. Il y avait aussi une autre solution. Se décalant doucement pour quitter ses bras, Rune lance un sourire à Alix, ainsi qu'un clin d’œil. « Je peux aussi venir. J'ai toujours voulu braver les interdits des internats. » Rire, léger mais présent. C'est vrai. Braver l'interdit de ce genre d'établissement, de structure. Il n'en a jamais eu le loisir. Or, les interdits sont fait pour être briser. Surtout lorsque ceux-ci lui permettraient de profiter de sa présence.

Question. Avait-il du temps à accorder ? La réponse ne se fit guère attendre. Un hochement de tête, alors qu'il l'embarque avec lui à l'intérieur de l'établissement. Main toujours dans la sienne. « Tu peux me kidnapper. Mais avant. Je vais quand même récupérer de quoi me couvrir. » Non pas qu'il détestait le froid. Loin de là. Mais il n'avait guère envie d'attraper quoique ce soit. Et comme il ne s'attendait pas à ce qu'ils restent enfermés à l'intérieur – bien qu'il avait quelques idées pour les occuper si cela venait à se décider ainsi. Ainsi, toujours main dans la sienne, il marche dans l'établissement. Oui. Il ne voulait pas le faire patienter autre part qu'à ses côtés.
Alors, ils descendent dans ces sous-sol aménagés, pour passer la salle tant connue. Leur première partie de poker. Mais ne pas y entrer, préférer une autre porte. Un bureau, quelques dossiers en vrac. Des étagères, de nombreux livres. Quitter sa main, alors qu'il approche d'un porte-manteau. « Tu veux boire quelque chose ? »

Poser le manteau sur le fauteuil, alors qu'il regarde quelque chose sur son écran. Sortir un téléphone de sa poche et le mettre dans un tiroir. Une clé. Pour verrouiller le meuble. Certes il ne partait pas sans rien, mais il préférait laisser cette part de lui dans ce tiroir. Le téléphone professionnel dirons-nous. Pas le plus important en ce moment.

« Ne t'inquiète pas. » Une caresse du bout des doigts, contre la nuque du jeune homme, alors que ses lèvres viennent se déposer sur son front. « Je suis certain que nous trouverons quelques interdits à braver. » Et la réalité est qu'il en bravait déjà un, en ce moment même. L'interdit de se lier à quelqu'un. De trouver une personne avec qui partager son temps. Celui d'être plus qu'une poupée prête à se briser. Un interdit briser par des gestes. Par des pensées. Par ce désir, un brin égoïste. De pouvoir être toujours regardé comme autre chose qu'un fantôme. Être autre chose qu'un spectre invisible, aux mille visages. Mais s'accrocher uniquement à ce désir n'était pas ce que voulait le Loup. Non. Il voulait plus. Plus que cela. Plus qu'un mensonge. Plus qu'une fiction. C'est sans doute pour cela qu'il n'hésitait pas à lui prendre la main. À le guider avec lui, comme il l'a déjà guidé avant. Là où il vit, cela il l'a déjà fait. Là où il travaille, en partie, cela, il est en train de le faire.

Dans l'intimité de son bureau, il apprécie ce contact retrouvé. Cette voix qui lui explique qu'une idée a germé dans l'esprit de cet étudiant devenu addiction. Alors, il écoute cette voix. Passe ses bras autour de son bassin. Il oublie, vite, le téléphone enfermé dans un tiroir du bureau – après tout, c'était justement pour cela qu'il l'avait rangé. Pour l'oublier. Et ne pas être dérangé. Il l'écoute, en venant déposer un baiser dans le cou du jeune homme. Il l'écoute, en profitant simplement de sa présence. Puis. Un léger rire qui traverse ses lèvres. Rien de moqueur, au contraire. Une petite pointe de tranquillité dans ce rire. De confiance. Ne rien dire, pendant quelques instants. Préférer garder ce contact. Ne pas tenter de le rompre. Pour finalement venir lui voler un tendre baiser. Une main, remontant doucement, pour venir caresser la joue. Fermer les yeux. Profiter, là encore. Du parfum du jeune homme. Du goût de ses lèvres.
Finir par rompre ce contact avant de sentir ses propres lèvres s'étirer en un fin sourire. L'admirer, en continuant de caresser sa joue. « Hm … Tu as l'air de bien m'avoir cerné. » Ne pas cacher. En effet, ce n'est pas une activité à laquelle il est habitué. Parcourir les rues d'un marché extérieur. Flâner aux côtés de quelqu'un en regardant ce qui est en vente ou en profitant d'une boisson chaude. C'est surtout ce détail. Aux côtés d'une personne. Alors, simplement, le propriétaire de cabaret hoche doucement la tête.

« Ce sera avec plaisir. » Et ponctuer cette phrase d'un tendre sourire. Tendant son bras, Rune récupère alors son manteau, se détachant – presque à contrecœur – du jeune homme pour l'enfiler. Passant une main dans le dos de son compagnon, il l'accompagne jusqu'à la sortie du bureau, fermant à clé derrière eux. Marchant à ses côtés dans le couloir, il reprend la direction de la sortie, avant de voir une silhouette rentrer dans l'établissement. « Ah, Felix. » L'homme se retourne, levant son nez de son téléphone. « Alix, je te présente Felix, gestionnaire. Felix, voici Alix. » L'homme aux lunettes sourit alors poliment, saluant le jeune homme en lui serrant la main – l'autre étant de toute façon kidnappée par la main de Rune. Un détail qui ne passe d'ailleurs pas inaperçu aux yeux du gestionnaire, qui remonte ses lunettes, laissant un sourire se promener sur ses lèvres. « Enchanté Alix. » Regard, en direction du directeur. « J'imagine que tu t'en vas ? » Rune hoche alors la tête, le laissant poursuivre. « D'accord. Eh bien je vous souhaite à tous les deux une bonne journée. » Alors, au blond de répondre après avoir hoché la tête. « Merci. Au fait, j'ai laissé sur ton bureau le dernier bon de commande signé. Je te laisse gérer la suite ? » Un hochement de tête, alors qu'il commence à s'éloigner. « Je m'en occuperai, ne t'inquiète pas. Profitez bien et n'attrapez pas froid. »

Le saluant une dernière fois, le blond regarde un instant Alix, l'invitant à reprendre leur chemin pour rejoindre l'extérieur de l'établissement. Remontant son col, il observe alors les alentours. C'est vrai qu'il avait entendu parler d'un marché de Noël, mais la vérité est qu'il n'avait aucune foutu idée d'où celui-ci se tenait. Ni même combien de temps ils allaient rester à l'extérieur. Mais pour l'un comme pour l'autre il ne s'inquiétait pas – ce n'était d'ailleurs pas dans ses habitudes. Il n'avait qu'à suivre l'étudiant – et il le suivrait tout au long de la journée et de la nuit si celui-ci le désirait.

« Alors, on y va ? » Un petit sourire. Rien qu'avoir cette possibilité de pouvoir passer du temps avec lui lui faisait déjà beaucoup de bien.