-Ben oui bien sûr, c’est que vous êtes une adorable âme charitable.

Tant qu’à faire. Autant jouer d’ironie tout comme elle. Ça me fera les pieds d’être sympathique. Il n’empêchait que la jeune fille pouvait se montrer plutôt loquace quand il fallait ennuyer son monde. S’agacer face à son comportement ne servirait à rien de ce fait, elle remerciait sa lassitude de prendre l’avantage sur son irritation à peine naissante, même avec ce type de créatures sur patte. En revanche, sa bouche, elle en avait très certainement marre de souffler. À ce rythme-là, elle expulserait tout l’air de son corps.

Elle ne releva pas la seconde remarque. De toute manière, qu’aurait-elle à lui répondre ? Rien. Rien d’intéressant en tout cas. La laissant dire ce qu’elle voulait, Leeann se contenta de parcourir avec plus de concentration sa copie et alors que son front se plissa d’avance sans même avoir repéré ne serait-ce qu’un élément qui pourrait faire surgir son mécontentement, il lui fallut taire ses craintes. Laissant la demoiselle déblatérer si elle en avait encore en vie, tout ce qu’elle entendrait ne serait que des bourdonnements comme chaque fois que le désir de rien entendre s’enclenchait, mais pour une fois. Une rare fois. C’était plutôt positif.

-Hé…

Sans lever les yeux de la copie, elle continua la lecture, mais cette fois-ci, avec plus d’intérêt. Et quand sa lecture toucha à sa fin, son visage se détendit.

-Pas mal.

Certes, ce n’était pas forcément ce à quoi elle s’attendait, mais ce n’était pas bien grave. C’était même mieux en fin de compte. Elle aurait certainement dû s’y attendre avec une demoiselle dont l’ironie pouvait se muer en un sarcasme plutôt sympathique.

- Ce n’était pas le résultat espéré, mais au final, c’est meilleur. Le seul truc regrettable, c’est que c’est court. Dommage que comme vous le dites, ça ne peut pas être noté.

Puisque c’était Mino qui l’avait dit, autant aller dans son sens et garder un petit air innocent sur la figure. Même si elle n’avait là que l’intention de l’ennuyer, Leeann noterait tout de même son travail. Elle se laissait juste le temps d’enquiquiner mademoiselle comme elle le faisait de son côté.

-Mais dites moi. Vous n’avez pas de club, si ? Ça ne vous a jamais tenté le club d’écriture ?

Mademoiselle Masaki était bien loquace lorsqu’il s’agissait de répondre à son enseignante avec aigreur. Leeann avait fini par le comprendre et s’imaginait que leur petite prise de bec ne connaîtrait jamais de réelles véritables fins si elle lui répondait également. Elle n’avait ni l’envie, ni même l’âge. D’après elle. Alors, pour simplifier les choses et éviter de jouer de son autorité par simple fierté, elle préféra ignorer les petites remarques de la jeune fille qui n’avait de cesse de vouloir flirter avec la rébellion. Entre ses mains se trouvait quelque chose de bien plus intéressant quand bien même il n’était pas le travail qu’elle avait attendu. Il demeurait indéniablement agréable à lire.

Pas de club donc. Merveilleux. Encore fallait-il qu’elle ait tout de même un peu de motivation. Or, d’après ses dires, ce n’était pas véritablement le cas ce qui embêta son enseignante qui ne comprenait pas pourquoi malgré le pluralisme de club dans l’établissement, des élèves comme elle ne saisissaient pas la chance d’entrer dans un club.

-Au contraire, je pense que vous pourriez vous y plaire.

Elle marque une pause.

-Même si j’aurai tendance à penser que du sport ne vous ferait pas de mal avec l’énergie que vous avez à revendre -et c’est cas de le dire- je pense que vous y apprécierez le calme que l’on y trouve. C’est dans ce club que vous pourrez écrire ce qui vous chante. Écrire ce qu’il vous passe par la tête, profiter des avantages en participant à quelques concours. Il y a également les activités proposées, individuelles ou collectives qui vous permettront d’interagir ou non avec les autres dans un climat agréable sans que vous n’ayez affaire à des garçons tels que le jeune homme que vous avez délibérément giflé.

Leeann omit le fait qu’elle la considérait tout de même comme la véritable fautive de l’histoire et s’il lui fallait craindre qu’elle ne recommence avec un autre élève, une autre part de son intuition affirmait que le fait de se socialiser par un moyen peu agressif et progressif lui ferait du bien et l’aiderait à se rendre compte qu’il existait au sein d’Indarë et ailleurs des élèves qui ne lui voulait rien d’autre que du bien.

-Avec ce club, vous pouvez toujours en additionner un autre, mais je vous recommande fortement de rejoindre l’écriture. Après tout, qu’est-ce qu’il y a de désagréable là-dedans dites moi ? Vous écrivez plutôt bien, songez à cette opportunité

-Vous plaisantez ? Le tir à l’arc est un sport de concentration.

Pour apaiser ses tensions, il n’y aurait certainement pas mieux que le tir à l’arc qui demandait précision et maîtrise de soi. Mais Leeann ne s’attarderait pas plus là-dessus, ça, ce n’était pas son rôle et ce n’est pas du tir à l’arc qu’elle voulait parler pour l’y faire entrer. Non, ses intentions se centraient tout simplement sur l’écriture. Elle n’avait cité de sport que pour lui montrer comme elle pourrait avoir différentes activités.

Parce que mademoiselle semblait encore d’humeur à la contredire, l’enseignante se tut pour l’écouter donner son avis sans démontrer d’ennui, se contentant de l’observer en silence. Il lui apparaissait qu’elle n’avait pas grande confiance en elle-même tout comme avec le reste, elle ne cessait d’amenuiser ses capacités que lui vantait pourtant sa bourrelle qui avait l’air de croire plus en elle qu’elle ne le faisait. Cette dernière qui, en l’écoutant encore contester ses propos quant au garçon, soupira en fermant les yeux. Il était clair qu’elles ne seraient jamais d’accord, et de toute manière, le résultat resterait le même : Mino était collée parce que son comportement l’avait requis. En revanche, son intérêt pour ses compliments lui redonna un peu de regain d’énergie pour se redresser, elle qui s’appuyait jusqu’alors sur son poing, s’appuyant contre le bureau

-Hé bien j’apprécie les tournures de phrases dont vous usez.

Elle lit brièvement entre les lignes.

-Simple, clair et concis. Et puis…

Un bref sourire lui vint alors qu’elle pose ses deux coudes sur la table en appuyant sa tête contre la paume de ses mains, comme une enfant.

-Même si je doute que ce fut votre intention, il y a comme un certain humour dans votre texte. Sarcastique sur les bords mais amusant figurez-vous. Et si ce travail était noté, vous auriez à coup sûr mieux qu’une note exécrable. Mais désormais, c’est un choix qui ne dépend que de vous. Je considère simplement que le potentiel que vous avez devrait être approfondi par des procédés ludiques et divertissants et qu’il n’y aura que des bénéfices à le faire.  

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« Vous voulez que j'essaye, c'est ça ? » Comment l’a-t-elle deviné songe Leeann non sans une pincée de raillerie bien qu’elle n’en dit rien et avait hoché la tête en lorgnant son élève. Voilà plusieurs minutes qu’elle effleurait les démarcations qui désunissaient le harcèlement de la prévenance. Leeann y tenait sans le moindre doute et c’est pour cette raison qu’elle se montrait si persistante, quitte à passer pour enseignante légèrement toquée sur les bords à tourmenter la petite collée de la sorte.

- Et si on arrêtait les suppositions ?

Un peu plus et Leeann croirait qu’elle avait affaire à la demoiselle la plus incertaine de la semaine. Il semblait qu’elle aimait supposer d’après les terminologies de ses phrases.

-Comme je l’ai déjà dis, vous n’avez rien à y perdre. En revanche, sans essai vous ne serez jamais sur de rien.

Hormis un peu d’énergie, elle n’aurait rien à y perdre mais gagner en revanche, si. En tout cas, c’est ce qu’elle en déduisait.

-Donc ce que je vous propose...C’est d’aller à une séance, d’observer un peu le déroulement, d’y participer si vous le voulez et ce n’est qu’ensuite que vous déciderez si vous voulez y rester ou non. Si c’est le cas, chouette ! Dans le cas contraire, tant pis mais au moins nous seront fixées toutes les deux.

Elle arbore un léger sourire à l’égard de l’étudiante, sans la moindre moquerie ni le moindre sous-entendu. Elle se contente simplement de sourire et de se montrer un peu plus sympathique qu’elle ne l’avait alors été jusque là. L’idée semblait la réjouir et elle ne le cacherait certainement pas. Après tout, si elle parvenait à donner le goût de l’essai à une jeune fille aussi peu volontaire, ce serait tout de même assez gratifiant.

-Et pour information ce n’est pas moi qui m’occupe de ce club mais le président de ce dernier. En revanche si ma présence vous manque, je saurai me trouver un peu de temps pour venir vous voir régulièrement.  

Bien sûr, Leeann se doutait que la jeune fille ronchonnerait intérieurement après cette légère plaisanterie. Elle imaginait que la seule chose qu'elle voulait à cet instant même c'est la jeter par la fenêtre.

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-C’est cela mademoiselle, oui.

Autant dire qu’elle n’accordait plus grande importance aux bougonnements de la petite fille. Qui visiblement en était véritablement une d’après son comportement. Cependant, elle eut quand même le temps d’apercevoir son front se plisser. Ah.

- Je ne sais pas. Je consulterai pour vous les horaires si vous le souhaitez.

Elle écoute le reste et souffle par le nez en jetant un air au plafond. Exaspérée. Qu’allait-elle faire de cette forte tête ? Pourquoi les détentions hebdomadaires n’existaient-elles pas à Indarë ? Ça lui aurait le plus grand bien, elle en était certaine. Plus que certaine. Ou plutôt pensait-elle simplement à son propre bien-être.

-Peu importe. Mais si c’est ce que vous voulez, je vous accompagnerai au club ce jour-là.

Elle range alors tranquillement ses affaires et jette un œil à son téléphone. Elles auraient encore du temps à passer ensemble. Ce n’était pas si grave. Elle n’avait qu’à faire la sourde oreille dès qu’elle grognerait et ce serait bon. Où…

-Étant donné que vous avez fait quelques efforts. Que diriez-vous d’un raccourcissement de l’heure de retenue ?

Elle lui sourit brièvement. Elle avait quand même daigné accorder un peu d’intérêt à sa requête alors, pourquoi pas la récompenser avec cette réduction ?