Visiter Athènes... Longue journée, pas dénuée d'intérêt cependant. Sur leur groupe de dis, il a réussi à faire les visites avec deux personnes digne de son attention. Enfin, en tout cas des personnes qu'il apprécie. Bon, il ne se rappelle pas leur nom, mais c'est un détail. le prénom n'a pas l'importance que les gens lui accordent. Et maintenant, ils sont supposés prendre un ferry pour une des îles voisines et y passer quelques jours. Mouais, pourquoi pas, après tout. S'il y a une période à la plage, en prime, il pourra se poser un peu.

Une promenade de santé, rien de bien difficile. Sauf qu'apparemment, ce n'est pas le cas pour tout le monde. Il a très vite perdu la petite détective, comme si elle avait décidé de se cacher quelque part. Elle lui a complètement échappé. D'accord, ce n'est ni difficile, ni rare, mais il n'a pas beaucoup de capacités d'attention, surtout quand il n'a pas dormi de la nuit et qu'il a passé la journée à marcher dans tous les sens à visiter des lieux touristiques divers et variés.

Est-ce qu'elle est allée se cacher dans sa cabine ? Peu de chances qu'elle soit au restaurant de bord, vu qu'elle ne mange quasiment jamais. À quel autre endroit peut-elle s'être réfugiée ? Et pourquoi ? Un petit mystère pour la soirée n'a jamais fait de mal à personne. Et c'est comme ça qu'ils se sont rencontrés, après tout, autant conserver la tradition. Au final, il la trouve sur le pont du ferry, blottie dans un coin. Elle n'a vraiment pas l'air dans son élément.
Il se penche dans sa direction, pose une main sur son épaule.

» Quelque chose ne va pas, détective ?

Maintenant qu'il est là, autant continuer sa petite enquête et savoir ce qui la met dans cet état. Personne ne disparaît jamais sans raison, surtout pour aller se cacher comme ça. Il veut savoir, maintenant. Elle était déjà anxieuse à l'université, est-ce que c'est pour une raison similaire qu'elle est ici maintenant ? Pourquoi, elle n'a pas l'air du genre claustrophobe.

D'accord, ça, ce n'était pas prévu. Il se doutait bien que si elle se planquait comme ça, ce n'était pas pour faire une partie de cache-cache élaborée, mais de là à ce qu'elle se jette dans ses bras dans un mouvement de panique, il y a une marge qu'il n'a pas vue venir. Il reste figé un moment avant de finalement bouger et poser sa main sur sa tête dans le geste de réconfort le plus maladroit du monde. Il faut dire que consoler les gens n'a jamais été son point fort, et gérer les crises de panique encore moins. S'il savait le faire, il n'aurait pas autant de problèmes avec les siennes.

» Oh la, qu'est-ce qui t'arrive..?

Elle a vraiment peur de... couler ? Pas confiance dans les bateaux ou peur de l'eau ? Il ne l'a pas vue paniquer dans l'avion - ni quand elle était en voiture avec lui - donc ce n'est pas une forme de paranoïa, c'est une peur qui prend sa source pas très loin de là où elle se trouve. L'eau, très certainement, donc, surtout en l'écoutant. Thalassophobie, aquaphobie, son cerveau fait la liste et il laisse échapper un petit soupir avant de passer ses bras autour d'elle pour la serrer contre lui.

» Personne ne va couler... Ils savent ce qu'ils font, respire.

Que fait Emily, quand il a ce genre de crise ? Difficile à dire. Il est tellement dans un état second quand ça lui arrive qu'il peine à s'en souvenir. Elle trouve toujours le moyen de l'en sortir mais tout ce qu'il garde en mémoire, c'est une impression de vide et la sensation diffuse d'avoir failli mourir. Ça n'aide pas du tout à trouver les mots pour calmer la petite détective et l'empêcher de croire qu'elle va finir noyée avant la fin de la nuit. Une preuve de plus qu'il est plus doué pour détruire les autres que pour les aider.

» Je t'autorise à m'utiliser comme canot de sauvetage si tu te retrouves dans l'eau. Je flotte plutôt bien.

Mouais, il est aussi plus doué pour dire n'importe quoi que pour aider les autres mais sait-on jamais, peut-être qu'en la faisant rire elle pensera à autre chose.

Elle n'a vraiment pas l'air bien, décidément. Dommage pour elle que ce soit Damen qui l'ait trouvée et pas n'importe qui d'un tant soit peu doué pour réconforter les gens. Son truc à lui, habituellement, c'est plutôt d'empirer leur état qu'il le veuille ou non ; quand les gens vont mal, il envoie Emily. Manque de bol pour eux, Emily n'est pas là. En tout cas, l'imagination angoissée de la petite détective est à l'opposé de son vocabulaire pour décrire les situations qui lui font peur. Fiou et blbl, sacrées expressions. Elle a peur de se noyer, donc. D'ici à ce que leur petit ferry décide de percuter quelque chose et de couler, ils seront déjà rentrés en Angleterre depuis des années.
Au moins, il aura réussi à la faire rire un peu, c'est toujours ça.

» Tu ne sais pas nager ?

Personne ne lui a appris ? Jamais ? Ni à l'école, ni chez elle ? Ça lui semble aberrant. Oui, bon, avec une piscine dans la cour de sa maison, difficile d'imaginer qu'il existe des gens qui ne savent pas nager, c'est sûr. Quand même, il était persuadé que c'était obligatoire d'avoir des cours de sport centrés sur la natation. Soit il se trompait, soit elle a réussi à les esquiver toute sa vie. En même temps, si elle coule... Il ne devrait pas rire, mais l'imaginer avec une tête de caillou, c'est quand même marrant.

» T’as jamais peur, toi ? T’as toujours l’air plein d’assurance et super courageux.
» ... Moi ?

Son premier réflexe aurait été de lui mentir, ce qui en dit long. Il marque un temps d'arrêt. Il pourrait dire qu'il n'a peur de rien. La plupart des gens pensent qu'il n'a peur de rien, en fait, pourtant...
Cauchemars. Silence. Solitude. Emprisonnement. Oubli. Inexistence. Renoncement.
Un jour, quelqu'un va mourir à cause de toi.
Il esquisse un sourire amer. Il a peur de tellement de choses que si elles n'étaient pas abstraite, les gens auraient une image de lui bien différente. Il pourrait lui mentir comme il en avait l'intention, mais finalement...

» Tout le monde a peur de quelque chose. Les gens sans peur, ça n'existe pas.

Il garde juste les siennes confinées très loin derrière plusieurs barrière d'alcool et d'inconscience. Certaines peurs sont plus vicieuses que d'autres, et par extension plus faciles à cacher et à entasser pour les ignorer.

» Mais je n'ai pas peur de l'eau, donc tu ne risques rien avec moi.

Pas sur ce plan-là, en tout cas, mais c'est un autre sujet.

Ça se comprend, qu'elle ait peur de l'eau, si elle n'a jamais réussi à apprendre à nager. Ça lui semble tellement improbable. Il faut dire que chez les Irridval, avec la notion d'excellence qui colle à la peau de son père, l'échec n'était pas une option. À la place des parents de la jeune filles, son père l'aurait sans doute forcé à continuer d'essayer, quitte à ce qu'il boive la tasse des dizaines ou des centaines de fois jusqu'à réussir. Au moins, elle a eu la chance d'avoir des parents conciliants qui avaient préféré lui faire une dispense de sport plutôt que de la condamner à souffrir dans une piscine. Dommage que ça ne l'ait pas sauvée de la phobie qui va avec.

» Bah, t'inquiète pas. Je te laisserai pas te noyer.

Et puis ça n'est pas forcément désagréable d'avoir une jolie fille accrochée à lui, alors pourquoi pas. S'il doit se transformer en bouée le temps qu'ils atteignent la rive, ça reste à la portée même de quelqu'un comme lui. Il n'y a rien à faire à part se laisser porter par les vagues et l'empêcher de couler dans la panique, aussi néfaste soit-il, ça reste largement faisable.

» Tu es mignonne. Mais à moins de dormir avec moi, tu ne pourras pas faire grand chose contre mes cauchemars.

Et au fond, même ça, ça ne marche pas, sinon il n'aurait pas eu autant de mal à dormir dans une chambre partagée avec d'autres personnes. L'inconvénient des peurs abstraites, c'est qu'il faut des compétences en décortication d'esprit pour les combattre. Ou alors il faut les partager. Emily comprend, parce qu'elle a peur en partie des mêmes choses, ou parce que ses peurs à elle viennent du même événement. La petite détective, par contre, quoi qu'elle ait vécu, ne peut pas faire grand chose contre l'obscurité dans sa tête. D'un côté, si elle se concentre là-dessus, peut-être qu'elle oubliera qu'ils sont entourés d'eau. Quant à savoir si l'échange est à son avantage, c'est encore autre chose.

Au final, il n'a pas vraiment répondu à la question. Préciser de quoi sont faits ses cauchemars serait trop long et trop compliqué. C'est déjà un miracle qu'il les ait mentionné, tout en laissant le reste de côté, mais de là à entrer dans les détails... Ses insomnies cristallisent toujours d'une manière ou d'une autre tout ce qui li fait peur, ça prendrait une éternité de tout analyser.

» Ça a l'air d'aller un peu mieux, toi.

Un impact positif sur quelqu'un, une fois de temps en temps, ça ne fait pas de mal.

» Tu sais, si tu aimes te réfugier dans mes bras, tu peux aussi l'avouer, je t'en tiendrai pas rigueur.

Il n'a pas pu résister, c'était trop tentant dans une situation pareille. Après tout, c'est elle qui vient de dire qu'elle se cachait dans ses bras à chaque fois qu'ils se voient, pas lui, autant profiter de la perche qu'elle lui tend. Une personne embarrassée est moins encline à avoir peur, normalement, donc il lui rend service. Quant à ses peurs à lui, eh bien... s'il a plus ou moins réussi à admettre leur existence, ça ne veut pas dire qu'il ira jusqu'à les expliquer en détails. Elles sont trop abstraites, de toute façon. S'il pouvait avoir simplement peur de l'eau...

» Moi, un tricheur ?

Il pose une main sur son buste avec une expression outrée. Non, tricher n'est pas du tout son genre - même s'il doit bien admettre qu'il a un petit peu esquivé la question. Juste un peu. Par contre, elle vient sérieusement de proposer de dormir avec lui ? Damen esquisse un petit sourire en coin.

» Tu es sûre de toi ?

Elle se rétracte bien vite, mais maintenant que l'idée s'est fait un chemin, il serait presque triste de devoir y renoncer. Si ce sont vraiment ses colocataires qui la dérangent...

» Oh, tu sais, une cabine sans colocs ça se négocie facilement.

Ils ne sont pas seuls à bord. D'ici à ce qu'il puisse payer un adepte des nuits blanches pour prendre sa cabine, il n'y a qu'un pas très facile à franchir. C'était son plan de base, de toute façon. Il n'a jamais aimé avoir des colocataires ; ça l'empêche de dormir.

» Ah. Raison de plus pour venir dormir avec moi, du coup.

Petit clin d'oeil avec un sourire amusé. Après tout, si elle se sent mieux dans ses bras et que ça l'empêche, lui, de faire des cauchemars, c'est tout bénef, non ? Pourquoi se priver d'une telle opportunité ? À cause du regard des autres ? Ce serait dommage d'autant s'en soucier. Les autres n'ont que le pouvoir qu'on leur donne, et ça fait bien longtemps que Damen ne leur en donne plus aucun.

Elle est terriblement honnête, quand même. Il connaît peu de personnes qui seraient capable de dire "j'aime bien me réfugier dans tes bras" avec un tel sérieux sans être un minimum gêné. Ça fait du bien, finalement. Pas de faux semblant, chez les gens qui parlent avant d'avoir eu le temps de se demander si prononcer leurs pensées à voix haute est une bonne idée.

» Oui, toi ! Moi je t’ai dit ma peur mais toi t’es resté super vague donc il y a tricherie.
» Dommage pour toi.

Il se contente d'un sourire en quoi et du haussement de sourcil associé. C'est elle qui a dévoilé toutes ses cartes en espérant qu'il ferait pareil ; ce n'est pas de la triche, c'est du talent. Ou du déni. Probablement un peu des deux. Elle peut déjà s'estimer heureuse qu'il n'ait pas simplement répondu "je n'ai peur de rien" comme il le fait souvent. Mais bon, elle était recroquevillée dans un coin par la terreur deux minutes plus tôt, fanfaronner comme un gamin de dix ans sur une témérité imaginaire n'aurait pas franchement été de circonstances.

» Bah... si ?

"Jouer les mafieux" est peut-être exagéré comme expression, mais un échange se fait facilement, surtout avec un peu d'argent entre les mains. Quitte à avoir grandi entouré de corruption, autant l'utiliser quand elle lui rend service et qu'elle ne blesse personne.

» Qui sait, comme tu aimes te réfugier dans mes bras, peut-être que tu réussiras aussi à dormir.

Oui, parce que le problème reste le même : s'ils ont deux lits, elle deviendra un "colocataire" et il se retrouvera exactement dans la même situation. Fatigué comme il est, réussir à fermer les yeux ne serait-ce qu'une heure sans se réveiller en milieu de crise d'angoisse serait déjà une réussite.

» Eh bien écoute, il paraît que les peluches aident à dormir, ça vaut le coup d'essayer, non ?

Il n'a rien pour s'assommer ou plonger son cerveau dans une torpeur quelconque, donc autant chercher une solution alternative qui a le potentiel de fonctionner...

» Je suis riche, c'est quasiment la même chose.

Est-ce qu'être le fils du maire et diriger un strip-club fait de lui un mafieux corrompu ? Peut-être un peu. Créer son propre réseau de crime organisé peut être une idée intéressante, après tout... Hm. Il faudra la noter quelque part pour la prochaine fois qu'il s'ennuie. Techniquement, son club est resté illégal pendant un temps mais maintenant qu'il a vraiment le droit de le diriger, qui sait combien de temps il tiendra avant de se lasser ?

» Tu sous-estimes grandement la capacité somnifère du fait d'être allongée dans mes bras.

Il y a nettement plus efficace à faire dans son lit pour s'endormir facilement après, mais ce n'est pas la question. S'il a envie de s'amuser, il a toujours la possibilité d'aller voir le petit artiste qui l'a bien provoqué à l'aéroport. Plus rapide, plus simple, et moins de risque d'y perdre sa compagnie pour la nuit. Pour une fois qu'on lui propose de dormir avec quelqu'un sans sous-entendu - ou alors elle les cache bien - autant voir ce que ça donne. L'inédit a toujours du bon.

» Ça n'a rien de très difficile. Observe et apprend.

Il sourit en prenant la main qu'elle lui tend pour se relever. Ah, elle parie que non ? C'est dangereux, ça, mademoiselle, de faire des paris avec le diable. Sans la lâcher, il l'emmène à l'intérieur. C'est le meilleur endroit pour trouver le type de personne qu'il cherche, il suffit d'aller faire un tour du côté de l'arcade.

» Alors dis-moi. Si tu as tort, je gagne quoi ? J'ai besoin de le savoir avant de gagner ton petit pari.

Il a une confiance absolue en ses capacités de corruption. C'est sa signature et son mode de fonctionnement depuis bien trop longtemps pour qu'il en doute, au point qu'il n'envisage même pas la possibilité qu'elle gagne, et donc le gage que lui pourrait recevoir. Une fois dans la salle qu'il visait, il regarde un peu tout le monde, repère le type de personne qu'il cherche, s'avance vers un groupe.

» Salut ~ Dites, est-ce que certains d'entre vous ont une cabine individuelle, à tout hasard ?
» En quoi ça te regarde ?

Il répond avec un petit sourire en coin.

» Eh bien ça se voit que vous n'avez pas l'intention de dormir cette nuit et que vous allez rester à faire la fête jusqu'au lever du soleil. Et j'aimerais pouvoir être tranquille dans une cabine... sans être dérangé.

L'un des gars du groupe hausse un sourcil, repère la main que Damen n'a pas lâché, et son regard comme son sourire changent d'allure. Plus lubrique. Forcément, c'est la première chose à laquelle il pense, mais pour le coup ça l'arrange.

» Alors, il faut combien pour vous convaincre de me laisser votre clé jusqu'au matin ?

Il glisse son autre main dans sa poche pour faire dépasser son portefeuille. Le message est clair et vu les regards qu'ils échangent, il ne lui en faudra pas beaucoup plus pour les convaincre. "J'ai envie d'être seul avec une fille pour la nuit et en plus je vous paye" fait partie d'une série d'argument imparables.

» 50 ?
» 80.
» Tu perds pas le nord, toi...
» T'as vraiment l'air d'avoir trèèèès envie d'avoir cette cabine. 80.

Il soupire. Tout est dans le jeu d'acteur, il ne faut pas lui faire comprendre que cette somme ne représente rien pour lui.

» D'accord, va pour 80. Mais pour ce prix-là, je veux bien un verre aussi.
» Là c'est toi qui perd pas le nord.
» Je fais ce que je peux.

Le groupe rigole, mais l'un des gars finit bel et bien par lui donner son verre. À peine entamé, quelle générosité. Damen lui tend quelques billets que le locataire de la cabine s'empresse d'empocher avant de lui donner sa carte d'accès.

» C'est un plaisir de faire affaire avec vous.

Petit clin d'oeil, puis il passe son bras autour des épaules de la petite détective pour l'entraîner à l'écart. Puis il agite la carte sous ses yeux.

» Tu vois, c'était facile.