Je ne me sentais pas bien, j'avais eu trois moments où j'ai « bugué » aujourd’hui, je tremblais un peu ça sentait la crise à plein nez. Pourtant j'ai pris mon médicament contre l'épilepsie ce matin. Je suis donc allé à l'infirmerie à midi. On est mercredi j'ai deux heures de creux. J'ai été examiné et il a été décidé que je devais me reposer, près de moi il y avait un verre d’eau et un médicament à cause de mes absences-bugs d'aujourd'hui. Je le prends, l'avale ce qui est pratique pour éviter le goût du médicament qui doit être infect puis je pose ma tête sur l'oreiller et regarde le plafond blanc. J'y discerne des cicatrices dans la pierre comme si elle aussi s'était trouvée au bon endroit au bon moment. Les bâtiments gardent en eux la magie de ceux qui les habitent. Je me demande ce que ça fait d'être une école et voir plein d'enfants grandir, vivre en ses murs. Je baille comme un petit chiot, je suis épuisé le médicament et l'épilepsie doivent y contribuer je laisse mes réflexions là et m'endors.
Je rêve que je vole dans le ciel, des pigeons me croisent et je leur tire la langue, devant leur air outré je ris. Je surfe sur les nuages, je vois un immense château et un hibou, deux hiboux, des centaines de hiboux voler près du lac l'entourant. Je tends la main pour les toucher et soudain la nuit tombe, je tombe du ciel à travers la volée de plumes et j’atterris sur un tas de feuilles mortes dans une forêt sombre sans aucune étoile ni lueur, je mets du temps à m’habituer à l'obscurité puis quand je commence à y voir enfin la lumière arrive vive et violente, non ce n'est pas le soleil c'est du feu ! Mon estomac se retourne en m'apercevant que la forêt brûle, c'est là que plus que le feu une voix m'horrifie une voix dans mon cauchemar : La voix de mon père suivie d'un hurlement de loup.
Je me réveille en sursaut dans le lit de l'infirmerie en un hurlement, je suis en larmes et en sueurs et quelqu'un est là non loin. Je me retourne dans le lit en tentant de me calmer. Je n'ai pas besoin qu'on me réconforte je n'ai besoin de personne. C'est ce que je tente de me persuader mais suite au cauchemar je suis terrifié. En plus mes crises d'absences d’épilepsie de ce matin m'ont fatigué autant moralement que physiquement. Alors je n'arrive pas à arrêter mes larmes sur le coup.
Je tente de les étouffer dans mon oreiller cela marche plutôt bien. C’est là que j'entends un bruit étrange comme un élastique qui claque, étonné je me retourne vers le garçon blond aux yeux verts plus âgé, il a un air effronté comme un enfant rebelle, je lui souris ayant cessé de pleurer dans un : « Tu ressembles à un prince de contes toi ! » Je réalise soudain et mes yeux brillent d'excitation : « Ça veut dire que tu as un cheval blanc je pourrais le monter ? » Brusquement je pense à maman et lui demande : « Et tu pourras embrasser ma maman s'il te plaît ? » J’enchaîne : « Elle dort elle a besoin d'un prince charmant pour la réveiller ! » Pour la sortir de la boite on verra après déjà c'est top si je lui ai trouvée un prince charmant.
Je regarde donc le jeune homme avec de l'espoir plein le visage et le sourire retrouvé, le cauchemar momentanément chassé. Car ce n'est pas la première fois que je cauchemarde de mon père, le loup-garou.
» Damen, Damen, Damen. Qu'est-ce qui t'est arrivé, encore ? » La même chose que d'habitu... aïe.
Il se plie en deux avec une main sur le flanc. L'infirmière soupire. C'est la troisième fois cette semaine qu'il est là. Sa plaie à la lèvre n'est même pas encore entièrement guérie qu'il revient avec des bleus sur les côtes. Cadeau empoisonné de coups de pieds bien placés parce que quelqu'un dont il a a déjà oublié le nom n'a pas apprécié son humour. Les gens deviennent susceptibles pour si peu de choses, ces derniers temps.
» Il faut que tu arrêtes de te mettre en danger comme ça.
Il hausse les épaules. Bon, ok, le type y est allé un peu fort. C'est un footballeur, ou quoi ? Ce n'est pas normal de donner des coups de pied pareil. Il déglutit en posant le glaçon sur ses blessures. Il va finir transformé en Na'vi avant la fin de la semaine si les gens continuent à ce rythme.
» Bon, garde ça jusqu'à la fin de l'heure, ça devrait désenfler. Et, Damen ? » Hm ? » Si tu reviens demain avec d'autres blessures, il va falloir que tu commences à me donner des noms. » Ah, difficile, je retiens très mal les noms. Mais ce n'est jamais la même personne. Sois sérieuse, je suis pas victime de harcèlement, c'est pas mon genre. Les gens sont juste un peu tendus ces derniers temps. » Essaye de les ménager un peu, alors ? Et mange plus, tu es maigre à faire peur.
Nouveau haussement d'épaules, mais il hoche simplement la tête. Oui, il est maigre, tout le monde le lui dit ces derniers temps. Tous ses amis, la moitié de ses conquêtes, et même des inconnus. C'est sa nouvelle normalité. Il referme son uniforme en gardant le glaçon contre ses côtes pendant que l'infirmière s'éloigne pour retourner dans son bureau. Bon, au moins il a gagné le droit de se reposer tout l'aprem et de sécher les cours sans qu'on ajoute à son compteur d'heures de colle. Il s'installe dans un lit en fermant les yeux, jusqu'à ce qu'un cri rompe le nouveau silence. Impossible de savoir s'il a dormi ou pas. Il écarte le rideau entre les lits pour voir qui a apparemment fait un cauchemar. Un collégien avec la tête enfoncée dans son oreiller. Collégien qui finit par se tourner pour le regarder et lui adresser des phrases assez surprenantes pour le laisser un moment silencieux. Puis Damen sourit.
» Un prince de contes ? Ah, j'ai le château, mais je suis plus proche du méchant que du prince charmant.
Le prince maléfique, plutôt. Comme la méchante reine dans les contes, avec une pomme empoisonnée dans sa sacoche.
» Je pense que ta maman est un peu trop vieille pour moi.
Quel âge a-t-il ? Il a l'uniforme du collège de l'IRS, donc douze ? Treize ans ? Il parle comme un enfant, pourtant, plus jeune que ça. Et sa mère... dort ? Est-ce qu'elle est dans le coma ? Ou... Ah. Non, à son âge, il est censé déjà avoir assimilé le concept de mort, non ? Damen l'a appris au même âge, ou peut-être un peu plus vieux, et de façon un peu trop directe.
« S'il te plaît ! » Mon regard se fait plus sombre. « C'est à cause de moi que Maman elle dort si je n'aurais pas provoqué Papa il ne se serait pas encore une fois transformé en loup-garou...Et mon papa... » Ne l'aurait pas tué, je le sais au fond mais... « Mais un prince c'est magique alors il faut essayer ! » Je le fixe dans les yeux de mes yeux enfantin : « S'il te plaît ! »
« Henrik ! » Je lève la tête étonné à la voix agacée de l'infirmière « Damen a besoin de se reposer tu ne l'embêtes pas au moins ? » Je souris : « Damen c'est un trop joli nom pour que tu sois un prince maléfique ! Ou alors tu l'as volé ? » Je fronce les sourcils : « Ce n'est pas bien de voler les noms après la personne qui avait ce nom ne sait plus qui elle est ! » L'infirmière soupire d'un air fatiguée.
« Vous aussi vous devriez vous reposer. » lui conseillai-je. Elle a un doux sourire l'infirmière comme celui de Yuki-onna la déesse de l'hiver, elle est aussi têtue comme Yuki-onna, je pense que c'est Yuki-onna oui elle ne peut être que Yuki-onna comme la neige elle est douce et rude à la fois, c'est l'infirmière. « L'infirmière c'est la déesse de l'hiver Yuki-onna ! » expliquai-je au voleur de nom, je plie mon bras aux muscles inexistants. « Elle refroidit toutes les maladies ! » Malgré elle l'infirmière rit attendrie. « Henrik … Quand arriveras tu à distinguer ce qui est réel ou non ? » moralise t'elle en souriant avec tendresse malgré tout et en voulant me tapoter la tête. Mais je recule brusquement je n'ai besoin de l'affection de personne ! Elle me laisse faire connaissant mes troubles affectifs, elle ne me force pas ni ne débat quand je rétorque que je ne suis pas un menteur, cela ne sert à rien ne disserter avec moi sur ce sujet. « Damen, qui n'a pas volé son prénom ! » dit-elle pour me rassurer ce qui a l'effet escompté. « Voici Henrik 12 ans il est nouveau et a une vision du monde bien à lui... » Est ce ma faute si personne ne conçoit ce que je conçois ? Je hausse les épaules en réponse à sa remarque. « Je vais devoir retourner à mon bureau, j'ai des coups de fil à passer ! Henrik ! Dors ! C'est bien tu as avalé le médicament. » énonce t'elle en regardant la table de nuit. Parfois elle n'est pas drôle la déesse de l'hiver. Elle attend que je me remette au lit pour aller au bureau, mais une fois qu'elle est partie je me relève en catimini. Je ne veux pas spécialement désobéir malgré mon âge je suis trop jeune dans ma tête pour être adolescent. Mais Damen, qui n'a pas volé son prénom, m'intrigue.
« Tu es tombé ? » je demande en montrant la poche de glace près de lui « Ou tu as combattu des méchants ! » dis-je plus enthousiaste. « Ou des gentils qui ont oublié que être vraiment gentil c'est ne pas frapper, un peu comme Papa et sa potion de loup-garou ! »
« Tu dis que tu es un méchant prince et c'est sûrement vrai on ne plaisante pas avec son camps ! » Je hausse les épaules. « Et je n'aime pas trop être traité de menteur alors je ne le fais pas aux autres ! »
Je me lève et sors un feutre de ma poche avant de lui saisir la main pour y dessiner un cœur. Je lui souris : « Voilà méchant prince, moi apprenti sorcier je t'ai jeté un sort de gentillesse ! » J'espère que cela va marcher pour lui après tout moi aussi je suis méchant sans moi Maman fée n'aurait pas subi la colère du loup-garou papa.
C'est à cause de moi. Damen tressaille. Les mots sont un peu trop familiers avec ceux qu'il s'est répété pendant des années. La façon dont il en parle le fait tiquer. Son père a fait du mal à sa mère ? C'est ça qu'il dit ? Soupir. Ah, il faut croire que la famille Irridval est loin d'être la seule à avoir des problèmes, mais il est tombé sur plus grave que lui. La gorge serrée, il retire la poche de glace de ses côtés pour s'installer en tailleurs sur son lit d'infirmerie.
» Je ne pense pas que ce soit de ta faute.
Des mots qu'il n'a jamais entendus. Mais au fond, comment ça pourrait être de sa faute ? C'est un petit collégien, rien de ce que peut dire ou faire un enfant n'est suffisant pour pousser un homme adulte à faire du mal à sa femme. Mais il peut très bien imaginer ce qui est passé par la tête de ce gamin. Parce que son père lui a dit la même chose. Tu ne mérites aucun respect Damen ! Pas avec l'état dans lequel tu mets ta mère ! Comme si c'était sa faute. Parce que les gens comme lui ne sont jamais capables d'assumer leurs erreurs.
» Désolé, petit, mais mon contact a plus tendance à empoisonner qu'à sauver. Je ne peux pas aider ta maman.
Il ne peut même pas aider sa propre mère, alors celle d'un autre ? Surtout que c'est probablement... trop tard pour elle. Mais ça serait inutile de le souligner. Sans doute qu'il le sait, et qu'il ne veut pas l'admettre.
» La personne qui me l'a donné est quelqu'un de bien.
C'est même la seule personne un tantinet positive dans sa famille. Il est assez content de savoir que c'est sa mère qui a choisi son prénom et pas son père, sinon il aurait eu bien plus de mal à accepter de le porter. Petit sourire aux lèvres, il écoute le gamin s'adresser à l'infirmière.
» Une déesse ? Tu devrais peut-être accepter le compliment au lieu de lui faire la leçon.
Elle se contente de rouler des yeux et il sourit. C'est vrai, non ? Ce n'est pas tous les jours qu'un adolescent vient qualifier de déesse un membre du personnel, surtout à Indarë, et surtout à l'IRS. Ils ont tendance à avoir une relation plutôt tendue avec les Castel, autant accepter tout le positif possible. Cela dit, en bon adolescent qu'il commence déjà à être, son compagnon d'infirmerie, qui s'était allongé devant l'infirmière, s'empresse de se redresser dès qu'elle quitte la pièce. Ah, un sale gosse en devenir ? Qui sait.
» Les méchants se battent entre eux, c'est bien connu.
Et celui-là n'a vraiment pas raté son coup. Avec une grimace, Damen reprend sa poche de glace pour l'apposer sur ses bleus, avant de passer un doigt sur sa lèvre fendue la veille. Peut-être qu'il devrait apprendre à s'arrêter, ou au moins ralentir un peu l'allure s'il ne veut pas finir entièrement bleu avant la fin de la semaine.
» Ha ha. Bien tenté, mais je pense qu'un sort ne sera pas suffisant. Tu vois...
Il se penche en avant autant qu'il peut sans se blesser, avant de poursuivre sur le ton de la confidence :
» Je suis un démon, je corromps ceux qui se trouvent trop près de moi. Être gentil ou méchant ne peut pas changer ça.
Et c'est bien pour ça qu'il n'a jamais essayé de changer.
Je m'exclamais : « J'ai connu un démon c'était en première année de primaire. Mon maître de natation ne m'aimait pas. Il faut dire j'avais peur de l'eau à cause du requin qui se cachait dans la piscine. Mais mon maître nageur ne voulait rien entendre. Un jour il m'a poussé brusquement dans l'eau, j'ai paniqué et l'eau est rentré dans mon nez, le requin utilisait ses pouvoirs magiques pour m'étouffer. Mon maître démon il a tendu sa perche sceptre en me disant de nager très fort mais je crois que le requin m'avait déjà attrapé car j'ai coulé... »
Je fis une pause haletant : « Je crois que je me suis réveillé sur le bord peu après le maître démon il a dit que j'étais tombé et je n'avais pas voulu qu'il m'aide. Les autres enfants tous des aliens dans ma classe ne disaient rien comme si le maître nageur démon il leur avait lancé un sort de silence. »
« Si je serai devenu un fantôme ce jour là je n'aurais plus jamais mangé de chocolat, Maman elle est venue après me chercher paniquée et j'ai eu du chocolat ! » Je souris au garçon démon. « C'est bon le chocolat ! »
L'infirmière revint chercher un papier et me vit debout elle soupira : « Henrik, tu es impossible ! » Elle leva les yeux aux ciel : « Enfin au moins tu parles à quelqu'un je vais donc fermer les yeux ! »
Elle me sourit. Je détournais le regard je ne voulais pas qu'on me sourit. Puis elle repartit en haussant les épaules. J'eus soudain une idée.
« J'ai emprunté un livre à la bibliothèque qui parle de toi ! » Je dis.
Je sortis de mon sac un livre nommé '' Créatures de légendes » et lus à voix haute: « Dans la culture grecque populaire, le démon (daimon) désignait une sorte de génie ambivalent, un être doué de pouvoirs surnaturels, capricieux et imprévisible, présent en des lieux étranges à des moments particuliers et à l'œuvre dans les événements effrayants de la nature et de la vie humaine, mais susceptibles d'être apaisés par des moyens magiques »
Je cessais ma lecture et dis : « Ma magie n'est pas assez puissante pour t'apaiser je suis désolé je suis un trop petit sorcier. »
J'expirais et repris : « Le maître démon nageur qui m'a envoyé au requin pour que je nage je ne lui en veux pas. Il était fâché...car il n'arrivait à rien avec moi. Ça fâche les gens de n'arriver à rien avec moi... Mes familles d’accueils m'ont laissés seul pour ça le foyer psychiatrique aussi car on n'arrive jamais à rien avec moi. »
Je repris mon souffle comme je pus, je ne voulais pas pleurer, je ne voulais pas pas devant le garçon démon car lui aussi se savait mauvais car lui aussi avait ce poids sur ses épaules, celui de se savoir néfaste pour les autres !
« Tu dis que ce n'est pas de ma faute mais si j'avais trouvé une meilleure idée que cacher la vilaine potion qui sent mauvais ce jour là, Maman ne dormirait pas. Et je n'aurais pas à trouver de prince pour réparer mon erreur. » dis je. Je déglutis. Je refusais l'idée mais mon ''erreur'' ne se réparerait jamais... Non j'allais trouver un prince et tout s'arrangerait !
Comment s'éloigne-t-on autant du monde réel ? Ou plutôt, comment ne quitte-t-on pas les rivages de l'imaginaire au point d'en arriver là ? Le requin dans la piscine. Des princes, des démons, des loups-garous, des déesses, des sorciers, des sorts, des aliens... un autre monde pour maquiller le vrai. N'était-ce pas la raison d'être des contes, après tout ? Rendre le monde réel plus acceptable, cacher la cruauté humaine derrière de la magie, donner aux enfants des mots pour exprimer les sentiments qu'ils ne comprennent pas ? Une histoire, simple, via les yeux d'un enfant. Maître nageur sans empathie, peur de l'eau, mauvaise combinaison. Un homme capable de jeter un enfant de primaire dans la piscine comme si ça allait le guérir de sa phobie. Démon, peut-être pas. Cruel, sans doute.
» On n'est pas de la même espèce de démons.
Il est dangereux, mais pas cruel. Petit sourire aux mots de l'infirmière. "Au moins tu parles à quelqu'un". Est-ce une bonne chose, cela dit, que le quelqu'un en question soit Damen ? Il y a des milliers d'influences moins néfastes que la sienne à imposer sur l'esprit d'un enfant. Quel âge a-t-il ? Douze, treize ans ? Presque l'âge de Leo, cet âge éternel qu'il ne dépassera jamais, alors que Damen, lui, a fini par atteindre ce maudit dix-huit.
Ambivalent, capricieux, imprévisible, hein... Finalement, la description correspond presque un peu trop. Tout y correspond un peu trop. Comme quoi, il y a toujours de la vérité dans les contes. Peut-être que les démons sont inspirés des gens comme lui. Ou peut-être qu'il est véritablement un démon. Qui sait. Ça ne l'étonnerait qu'à moitié que son père ait passé un pacte avec le diable pour gagner en pouvoir. Quant à savoir comme l'apaiser... Hm. Personne n'avait encore trouvé la réponse.
» Tu devrais. Lui en vouloir. Être fâché n'est jamais une excuse, ni une raison.
Facile à dire de sa part, alors qu'il a déjà fait parler ses poings sans trop d'hésitation, et alors qu'il s'amuse si souvent à tester les limites des gens. Mais est-ce que ce n'est pas un peu vrai ? Au final, pousser un enfant de primaire dans la piscine est un choix délibérer, agacement ou non. Quant aux familles d'accueil qui l'ont apparemment abandonné à la moindre difficulté... Le jugement de Damen est déjà fait.
» Quelque chose d'autre serait arrivé. Avec les gens comme ça...
Quel mot utilise-t-il, déjà ? Ah, oui.
» Avec les loups-garous, il finit toujours par se passer quelque chose. Et ils diront toujours que c'est de ta faute, parce qu'ils ne veulent pas admettre que c'est la leur.
Reconnaître ses torts ou rejeter la faute sur quelqu'un d'autre. Un choix facile. N'a-t-il pas fait le même, il y a quelques années ? En criant à Emily qu'elle était responsable ? Non, ce gamin ne peut pas être responsable de ce qui est arrivé à sa mère. S'il n'avait pas caché sa "potion" – alcool, probablement – son père l'aurait simplement bue. Aurait-il été plus calme pour autant ? Non, sans doute pas. Réécrire l'histoire ne change que rarement son déroulement, c'est bien pour ça qu'il ne s'embête plus à essayer de prévoir les conséquences de ses actions.
» Ta mère a essayé de le soigner, elle aurait dû fuir.
Comme sa propre mère aurait dû partir il y a bien longtemps, laisser tout ça derrière elle, reprendre à zéro ailleurs. Les arracher, tous les deux, à la villa Irridval et à ses fantômes.
La fuite je la connaissais bien. Mais Maman est une fée. Et les fées savent.
« Maman savait qu'elle faisait les bons choix. »
Je me renfrogne un peu : « Les fées savent ! » J'ouvre le livre et en lis un citation tout haut : “Les fées nous échappent. Elles sont radieuses et on ne peut les saisir, et, ce qu'on ne peut pas avoir, on l'aime éternellement.”
Je sens ma gorge se serrer et ma voix trembler : « Maman est une fée. » « Une fée bleue elle exauce tous les vœux ! » J'ajoute. « J'ai une preuve ! » Je sors ma peluche de mon sac, un petit Pikachu en peluche. « Regarde! Il a bobo mais il est recousu ! C'est ma maman qui l'a soigné ! La preuve que Maman peut tout soigner ! » dis je en lui montrant le trou recousu de ma peluche.
« Les loups-garous qui rencontrent des fées cela ne devrait pas exister mais cela existe ! Et les fées qui croient que les loups-garous peuvent changer aussi ! Et les sorciers qui ne sont pas magiques tout de suite cela existe aussi même si cela ne devrait pas ! » Je tiens le regard du plus grand un moment et dis : « Les démons aussi ça existe ! Mais moi cela ne me fait pas peur ! »
Je m'assois sur le lit et fais silence quelques longues minutes. « Je préfère les démons au moins je sais qu'ils ne risquent pas de m'aimer . » finis-je par murmurer. « Je n'ai rien à perdre avec toi c'est pour ça que j'aime ta présence jeune démon ! » lui dis-je dans un sourire triste.
Je grimace : « En revanche toi tu devrais te méfier ! Les sorciers dont la magie est cassée cela apporte le malheur ! » Je me sens si en colère que je balance le pikachu devant moi. Il vient heurter un flacon de sirop contre la toux qui explose sur le sol. Je le regarde se déverser sur le sol goutte à goutte sans un mot sans bouger.
Non tout ne va pas bien, la solitude me ronge, Maman dort et je ne sais pas la réveiller, Papa est dans une cage car il a endormi Maman... Il a endormi Maman...
Et moi je suis cassé comme ma magie. Je ne peux pas faire de la magie, je suis un sorcier qui ne sert à rien.
« Mais si tu es resté c'est que tu n'as pas peur toi non plus... » Je soupire. « Allez il faut que je répare ma bêtise avant que l'infirmière ne revienne ! » J'adresse un sourire au plus grand, me lève et ramasse les bouts de verre, j'ai honte soudain et j'ose poser la question au garçon avec terreur devant le flacon cassé : « Les sorciers cela ne peut pas être des loups-garous hein ? »
« Je ne veux pas faire de mal comme mon loup de père. Moi je ne veux pas endormir les gens ! » balbutiais-je aussi brisé que le flacon.
L'espoir immaculé d'un enfant envers sa mère. Est-ce que lui a déjà connu ça ? Est-ce qu'il s'est déjà dit, un jour, que sa mère pouvait tout réparer, tout changer ? Sans doute. Mais l'emprise de certaines personnes, de certains drames, est bien puissante que des rêves. Comme l'accident qui a condamné la famille Irridval à un fils unique, et sa mère à la dépression ; comme l'homme qui n'a rien fait pour l'aider et qui n'a de père que le nom et la génétique. Est-ce que ça veut vraiment la peine de tenter d'expliquer ça à un garçon pour qui l'imaginaire est la seule manière de garder la tête hors de l'eau ? Un jour, quelqu'un va mourir à cause de toi. Certaines illusions, en se brisant, emportent la vie qu'elles soutenaient avec elles. Damen regarde le garçon avec un petit sourire triste flottant sur ses lèvres. Il ne peut aider personne. Et pour une fois qu'il voit le bord, peut-être que c'est mieux d'éviter de pousser ce pauvre gamin dans le vide.
» Oui, tu as sûrement raison. Mais même une fée qui peut tout soigner doit se protéger avant de pouvoir aider les autres. Je pense qu'elle a fait tout ce qu'elle pouvait, elle n'a juste pas eu le temps d'arriver jusqu'au bout...
Si la mère s'était enfuie avec son fils, laissant ce loup-garou autoproclamé à sa colère, est-ce que ça aurait vraiment changé les choses ? Est-ce qu'il ne les aurait pas simplement retrouvés ? Parfois, quoi qu'on fasse, les événements sont inéluctables. S'il n'avait pas caché l'alcool, son père l'aurait bu - même finalité. Si sa mère avait décidé de partir au lieu d'essayer de sauver son mari, il l'aurait sûrement retrouvée - même finalité. Certaines rencontres sont des condamnations à mort donc il est impossible de se sortir à partir du moment où un premier mot a été échangé. Trop tard. Pour elle, et pour ce pauvre garçon qui ne s'en remettra probablement jamais. À quoi bon briser ses espoirs ? Les adultes le feront à un moment ou un autre.
» ... peut-être qu'elle aura une révélation dans son sommeil.
Pourquoi pas, après tout ? Personne ne sait vraiment ce qu'il y a après la mort. Lui a tendance à croire qu'il n'y a rien, parce qu'il n'a pas envie de se retrouver en tête à tête avec ses fantômes. Ils le hantent déjà assez dans sa vie, ils peuvent bien se taire et lui foutre la paix une fois qu'il sera mort.
Je préfère les démons au moins je sais qu'ils ne risquent pas de m'aimer. Damen tressaille. Cette phrase... Cette phrase ressemble beaucoup trop à sa mentalité. Je n'ai rien à perdre, je porte malheur, il faudrait être idiot ou fou pour m'aimer. Son sourire, déjà triste, s'affaisse un peu plus. Non, ça ne sert à rien de mettre ce garçon face à la réalité. Imaginaire ou pas, il l'a déjà très bien comprise et absorbée, comme une éponge de culpabilité. Sa magie, c'est ce qui tient les morceaux ensemble. Lui retirer, ce serait véritablement lui arracher tout ce qu'il a. Dangereux, mais pas cruel. Il laissera le petit dans ses rêves.
L'éclat de colère du gamin le fait à peine sursauter. Il regarde le flacon se briser tandis que des souvenirs remontent brusquement. Vitre détruite d'un coup de poing, les éclats de verre qui s'enfoncent dans ses phalanges. Il regarde le sirop s'écouler d'un air absent, moitié là, moitié piégé dans sa mémoire. Un petit soupir s'échappe de ses lèvres en même temps qu'une voix pâle.
» Oh, tu sais, je ne pense pas que ce soit possible de me porter malheur.
Il le fait déjà très bien tout seul. Perturbé, la tête pleine d'événements lointains qui devraient avoir disparu, il suit les mouvements du garçon sans les voir. Il a l'impression de se regarder, à travers un filtre de sorcellerie, de fées et de créatures surnaturelles. Ramasser le verre comme s'il pouvait réparer les choses alors qu'il peut juste les entasser dans un coin en essayant de les oublier. Son poing se crispe sous une pulsion oubliée, il tire sa manche avant que son cerveau ne fasse l'association du verre brisé et de son poignet comme il a déjà failli le faire. Il doit survivre, rester en vie, à tout prix.
» Non, ne t'en fais pas. Tu n'es pas comme ton père.
Il ne sait même pas s'il parle au garçon ou à lui-même. Est-ce que c'est vraiment différent ? Si le père du petit est un loup-garou, celui de Damen est un serpent. Et comme Damen lorsqu'il se surprend à parler avec le même fiel toxique que son père, le gamin panique en se surprenant à faire preuve de violence comme le sien. Il se sent obligé de se rassurer, pour se rassurer lui-même, reprendre pied avant que la panique qui lui serre la poitrine ne prenne trop de place.
» Tu ne ressembleras jamais à ton père. Tu n'as qu'à te tenir à l'écart de tout ce qui l'a rendu comme ça, et jamais personne ne pourra te jeter le même sort.
Tu ne deviendras jamais comme lui si tu ne bois pas d'alcool, en somme. La violence, ça se contrôle. C'est un danger palpable, réel. Bien plus que la corruption et le poison.
Je ramasse les bouts de verre en silence. Tu n'es pas comme ton père. Je m'arrête de ramasser les bouts de verre. Tu ne ressembleras jamais à ton père. Je sens mes yeux me piquer, je vais vers la corbeille y mettre le verre. Je retourne à la flaque de sirop et à genoux l'éponge comme je peux avec un chiffon qui traînait. Cela colle et c'est difficile à essuyer mais je nettoie de mon mieux sans abandonner. C'est comme si abandonner cette tache de nettoyage allait me faire basculer. Pas comme Papa... Je renifle mais ravale vite mes larmes et m'applique encore plus. Papa ne répare pas ce qu'il fait, jamais, moi je répare ! Cette pensée me rassure un petit peu et je me relève.
« Quand je serai magique je pourrais réparer ce qui est cassé d'un sortilège ! » dis je dans un sourire en me retournant vers le démon. Je ramasse ma peluche et la serre dans mes bras pour lui demander pardon. « Pour l'instant je suis un sorcier dont la magie est bloquée c'est pour ça que je n'ai pas encore reçu de lettre m'invitant au monde de la magie. »
Je souris de nouveau au démon.
« Quand je serai à l'école de magie je travaillerai très dur pour devenir un grand sorcier ! Les grands sorciers font de grandes choses comme localiser les princes charmants pour réveiller les mamans ou faire que les loups-garous deviennent gentils ! » dis-je avec de grands gestes heureux.
« Maman aime mon Papa... » dis-je après quelques secondes de silence. « Et moi je voudrais que Papa nous aime et arrête de se transformer en vilain loup-garou. Quand je serai un grand sorcier je saurai peut-être. »
Je sors une feuille de mon sac, celle d'une exposé fait en anglais sur notre projet d'avenir. L'écriture a encore les rondeurs de l'école primaire je regarde la page.
« Je dois refaire mon exposé avec un autre métier ! » dis je avec une moue boudeuse en tendant la page au démon pour qu'il la lise.
Je sors un crayon de mon sac et me mets à jouer avec réfléchissant : « Quand je l'ai présenté à la classe des gens ont ri mais je crois que c'est car j'ai mal expliqué, ils ont dû rire car ils n'ont rien compris ! Après tout j'ai parlé de médicomages c'est un médecin sorcier, sans vraiment expliquer ce qu'est la médecine en magie ! Peut-être même que le professeur n'a pas tout compris aussi je vais garder le même métier et réexpliquer ! »
Je souris tout content de cette affirmation avant de demander quelques secondes plus tard : « Et dans le monde des démons on peut faire quoi comme métier ? » avec un réel intérêt.
Tu ne ressembleras jamais à ton père. Emily a désespérément tenté de lui répéter ces mots, encore et encore, en priant pour qu'il finisse par y croire. Ce gamin est encore jeune, peut-être qu'il n'est pas trop tard pour le convaincre. Il inspire. Regarde le petit ramasser le verre, réparer les dégâts de son coup de colère. Sans magie pour l'instant ; avec de la magie, plus tard ? Après tout, rien ne l'empêche de rêver.
» Quand tu l'auras, appelle-moi. Ma mère aussi a besoin d'être réparée.
Physiquement, mentalement, de toutes les façons possibles et imaginables, Natalia Irridval est brisée. Détruite. Comme un flacon percuté par une peluche lancée sur un coup de tête. Dommage que la magie n'existe pas, c'est probablement la seule chose qui pourrait la sauver.
» Hm. Oui, si tu te tiens éloigné de la potion de ton père, je suis sûre que tu réussiras de grandes choses.
Même sans magie, même s'il ne pourra jamais ramener sa mère ou sortir son père des griffes de l'alcool, il n'est pas complètement perdu. Il pourra évoluer, progresser, surmonter, peut-être même devenir un soutien pour les autres. Contrairement à Damen, cet enfant a encore le potentiel de devenir quelqu'un de bien.
Le sujet change, étrangement. Exposé, métier... D'un coup, Damen se souvient que le monde ne se résume pas à leurs parents, à ses mauvais souvenirs. Oui, l'école, les autres, leur jugement, leur regard - ces choses existent. À quoi ressemblaient les histoires de magie de son enfance, déjà ? Ah, oui.
» Tu essayes de parler de magie à des gens qui n'en font pas. Ils ne peuvent pas comprendre. Ils ne pourront jamais comprendre. Et puis, je croyais que c'était important de garder le secret.
Garder le secret de la magie. Changer le regard des autres. Echapper aux piques glaciales qui finissent par mener sur un chemin sans retour. Tu ne peux aider personne. Non, il le sait, il n'a jamais été capable d'aider personne. Tu aurais pu être grand frère. Paroles de sa mère, si peu de temps plus tôt. Les deux phrases se percutent. Incompatibles.
» Ils n'ont pas besoin de savoir qu'il y a de la magie impliquée. Là ils comprendront, et en plus tu auras une bonne note à ton exposé.
Damen passe une main sur ses côtes endolories. Les gens sont si susceptibles quand les choses leur échappent. Sourire.
» Comme métier ? Pas grand chose d'aussi utile qu'un médicomage.
Corrompre. Détruire. Exploiter. C'est ça, son monde. Mieux vaut éviter d'y entraîner n'importe qui.
Je ne savais pas que la maman du démon était cassée et ma magie ne s'était pas encore déclenchée. Je m'en voulais soudain. La maman du démon avait besoin de moi et je ne pouvais rien faire pour le moment. Je me sentais aussi inutile que devant Maman face à Papa et puis si j'empirais les choses ? Si j'étais un mauvais médicomage ? Et si je blessais au lieu de guérir ? Un frisson me parcourut l'échine à cette perspective. Mais le démon dit que si je ne bois pas la vilaine potion je ferai de grandes choses.
Puis l'exposé et l'avis du démon, il ne faut pas dire la magie, c'est un secret. C'est vrai mais..Mais quand on est un ambassadeur d'espoir il faut bien parler de magie non ?
« Je suis un ambassadeur d'espoir c'est maman qui l'a dit en me souriant une fois où Papa Loup lui avait fait bobo. » Je fis une petite moue : « Je ne sais pas bien ce que cela veut dire alors j'ai cherché dans le dictionnaire et un ambassadeur c'est une personne chargée d'une mission, le dictionnaire a dit. Je ne sais pas si ma mission c’est l’espoir... » Je soupirais : « J'ai plus l'impression de détruire tout autour de moi pour le moment. » Je secouais la tête : « Mais je dois au moins parler de magie autour de moi car la magie c'est l'espoir ! »
Je m'assis sur le lit et serrais ma peluche. Elle ne semblait pas m'en vouloir pour tout à l'heure. Tant mieux j'aurais été très triste sinon. La peluche me sourit de son sourire figé. J'ai le ventre qui se serre et si ma peluche était malheureuse et faisait semblant d'être heureuse pour ne pas me faire de peine ?
Mon regard fixa le vide.
« Maman elle me disait aller bien mais parfois elle s'enfermait dans la salle de bain pour pleurer, elle croyait que je dormais mais moi quand j'allais aux toilettes je l'entendais...pleurer. »
Je déglutis et serrai les poings : « Mais elle a promis qu'un jour je recevrai une lettre pour un endroit merveilleux, un endroit magique ! Alors cela arrivera c'est obligé ! »
Je souris et fixais les yeux verts du démon de mes yeux bleutés. « Et là bas les gens comprendront la magie directement c'est sûre ! » Mon sourire heureux sur le visage je dis doucement : « Là bas ce sera bien ! »
Je réécris en anglais mon exposé en silence, je ne mets pas de magie dedans mais je ne mens pas, je reste juste vague :
« When I grow up I want to help others. There are people who are sad and it's hurt in them. I want to find the key to heal injuries. Because when somebody says : The wound healed quickly and left no scar. It's wrong. A wound stays, to cicatrize is difficult but when I grow up, let me tell you my dream, I have learned too many things, enough to cicatrize. It's my wish. I know, It seems probably isn't really realistic, but It's true. I will be a doctor but not an ordinary doctor, a doctor who listen to make smiles, who treat to cure body and mind. Today, I make a lot of mistakes, but, when I grow up I will be able to stop, and I will be a real ambassador of hope, and comfort as much physical wounds as psychic injuries.»
Quand je serai grand je veux aider les autres. Il y a des personnes qui sont tristes et cela les blesse. Je veux trouver la clef pour guérir les blessures. Car quand quelqu'un dit: La blessure a vite guéri et n'a laissé aucune cicatrice. C'est faux. Une blessure reste, cicatriser est difficile mais quand je serai grand, laissez moi vous dire mon rêve, j'aurais appris tant de choses, assez pour cicatriser. C'est mon souhait. Je sais, cela ne semble probablement pas vraiment réaliste, mais c'est la vérité. Je serai un docteur mais pas un docteur habituel, un docteur qui écoute pour faire sourire, qui considère pour soigner corps et esprit. Aujourd'hui, je fais plein d'erreurs, mais, quand je serai grand je serai capable d'arrêter, et je serai un vrai ambassadeur d'espoir, et de réconfort autant physique que psychique.
Je mis mon crayon dans ma bouche puis tendis la feuille au démon: « T'en penses quoi ? Et tu veux qu'on réfléchisse à ton métier plus tard à toi ? » Je regardais mes pieds qui pendaient dans le vide de ma petite taille mal à l'aise: « Ce serait bien un métier qui te rend heureux après tout même si tu es un démon tu m'aides! Et c'est rassurant que l'on ne s'attache pas car je suis un sorcier et toi un démon mais je ne peux que constater que tu es resté à me parler. » Je levais la tête et souris au plus grand, un beau sourire : « Alors merci.»
J'ai plus l'impression de détruire tout autour de moi pour le moment. Damen tressaille. C'est comme un reflet dans le miroir, plus violent qu'un coup dans l'estomac - il en a subi assez pour estimer la valeur de la comparaison. Circonstances différentes, résultat similaire. La différence, c'est cette petite nuance qu'il tire des paroles de sa mère. L'envie d'aller contre ce résultat et de le considérer temporaire, là où Damen l'a depuis longtemps accepté comme étant une part de lui. Mais ils ne sont pas du même monde. Les rouages de la corruption sont bien plus subtils que de simplement se persuader qu'on est néfaste.
» Ils ne pourront jamais comprendre.
Que ce soit sa magie, tout espoir soit-elle, ou sa vie de manière générale. Seuls les gens brisés se reconnaissent entre eux et même comme ça, la largeur et l'orientation de la fissure changent tout. Les IRS se regardent de haut entre eux, comme s'ils n'étaient pas tous des jouets démantelés après avoir été lancés contre un mur. La seule chose qui change, c'est quelle partie est restée intacte ; les plus hautains ne sont pas forcément les mieux conservés. Alors à quoi bon expliquer sa magie à des gens qui n'y verront qu'une blague ?
Petit sourire amer sur ses lèvres. Il connaît, ce que le petit raconte sur sa mère. Parce qu'il le fait aussi, même si la frontière entre aller bien et s'effondrer est plus floue. Sourire en face, pleurer dans l'ombre... Si c'était si simple, peut-être qu'il ne serait pas autant détruit de l'intérieur.
» Les mamans ne veulent jamais dire qu'elles vont mal. C'est parce que c'est à elles de te réconforter, mais il n'y a personne pour les aider, elles...
Comme sa mère, finalement. Les coups de son père n'ont jamais été physiques, mais ils n'en sont pas moins destructeurs pour autant. Et lui, il n'est pas capable d'aider qui que ce soit, alors il essaye juste d'éliminer les obstacles. Ça n'est pas très concluant jusque-là.
» J'espère de tout coeur que tu y arriveras, alors.
C'est peu probable, parce que si la magie existait, le monde serait bien différent. Mais s'il s'accroche à ce rêve, à cet endroit où les gens l'accueilleront d'égal à égal, peut-être qu'il a une chance de se débarrasser, à terme, de cette sensation de détruire tout ce qui l'entoure. C'est une forme de magie comme une autre. Il regarde le texte du gamin quand il le lui tend. Il a l'impression de lire Emily. Aider les autres, sauver tout le monde, ne plus faire d'erreur, guérir les blessures. Un chemin tout tracé, quasiment au même âge.
» Je connais quelqu'un qui aimerait beaucoup ce que tu as écrit.
Emily est une héroïne, le pendant angélique à son aura démoniaque. Si tout est complémentaire, ils ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre. Et ce petit ressemble à un mélange mal assemblé des deux. Vu leur état mental respectif, c'est probablement une mauvaise idée.
» Heureux..?
Il sourit, même s'il n'y a aucune joie dans l'étirement de ses lèvres. Il y a bien longtemps qu'il a oublié le sens de ce mot, si tant est qu'il l'a déjà connu. Difficile de réussir à l'envisager quand personne n'a jamais réussi à soigner le vide béant dans ses émotions qui les a consumées toute sa vie. Il tapote doucement la tête du garçon, geste qui se fige sur son dernier mot. Merci. Ce n'est pas un mot qu'il n'a jamais entendu, mais dans son état actuel, c'est comme si on lui balançait un électrochoc directement dans les os. Il s'était renfoncé dans ses mauvais souvenirs et l'idée qu'on puisse le remercier avait disparu de son esprit. Je ne peux aider personne. Peut-être. Pourtant, si son père n'avait pas été un connard considérable, il aurait pu avoir un petit frère ou une petite soeur dans le même état que lui. Une nouvelle donnée qui rend ses interactions avec le gamin un peu troublante.
» Ne me remercie pas... Tu as juste de la chance que mon aura ne t'ai pas affecté. Ce n'est pas bon de rester trop longtemps à côté de moi.
Il observe l'emplacement où se trouvait la bouteille brisée, espace vide sur l'étagère. Soupire.
» Je ne pense pas qu'il existe des métiers pour les démons.
Et techniquement, il n'en a pas besoin. Bien sûr, dans les faits, ça ne l'empêche pas de travailler, mais l'origine de la Dame de velours était avant tout de caler un coup latéral dans la victoire électorale de son père. Ça ne compte pas.
« Les choses changent peut-être qu'il y aura des métiers pour les démons demain ! » Je mets mes mains dans mes poches embêté : « C'est comme moi je ne porterai peut-être pas toujours malheur. » Je ferme les poings et m'exclame : « Tu dois comprendre puisque tu es un démon. » J'ai le regard dans le vague quelques instants : « Maman disait toujours que dans l'obscurité il y a toujours une bougie de magie il suffit de l'allumer. » Je ris : « Maman aimait bien la lumière ! Ma Maman c'est une fée les fées aiment la lumière. »
Je me mets à me caresser le bras : « C'est compliqué de trouver la magie comme ça doit être compliqué d'être heureux pour un démon...ou de trouver un métier, Papa ne trouvait pas de boulot non plus mais tu n'es pas mon papa toi tu ...n'endors pas les Mamans, tu ne dis pas que je suis une saleté et tu ne hurles pas. Alors quand je serai un magicien j’inventerai des métiers pour les démons d'accord ? »
Je lui souris et soudain mon regard se fait fixe et absent, je ne sais plus où je suis qui je suis, je ne me rappelle pas, tout est opaque ma tête tombe un peu sur le coté, cela dure quelques secondes puis je reprends pieds. Mais je suis pâle comme un linge. Je n'ai pas conscience de cette absence, je n'en ai jamais conscience, je secoue juste la tête et serre mon doudou comme si rien n'était arrivé.
La crise a duré quelques secondes seulement mais assez pour perturber mon attention. Je regarde le démon est ce qu'il m'a répondu ? Je n'en suis pas sûr. Cet élément manquant me gêne. Je tente de rire : « Excuse moi tu m'as répondu ? Parfois j'ai l'attention qui se perd je crois qu'elle veut se promener, l'attention c'est quelque chose ! »
C'est là que l'infirmière entre et s'inquiète : « L'attention ? Henrik tout va bien ? » Je hoche la tête. « Tu n'as pas encore eu une crise ? » demande t'elle je hausse les épaules. Elle regarde le démon gênée de parler de moi devant lui, je ressens son malaise apparent, je hausse les épaules : « Ça va ce n'est pas honteux l'épilepsie. » Il y a bien plus honteux comme le fait que Maman dorme car je n'ai pas arrêté Papa. Le téléphone sonne l'infirmière me regarde puis dit qu'elle revient.
Je m'assois sur le lit : « Une fois un médecin m'a dit que Maman était irresponsable que papa m'avait fait du mal bébé, que c'est pour ça l'épilepsie mais je crois que le médecin a tort... Maman elle me prenait toujours dans ses bras quand Papa s'était transformé en loup-garou, elle soignait toujours mes bobos, c'est normal les bobos, la vie parfois ça fait mal. »
Non être secoué bébé et frappé enfant n'est pas normal mais pour moi c'était quotidien les cicatrices sous mon tee-shirt je ne les voyais même plus, c'était la vie de tous les jours autrefois, encore gravée profondément en moi. On ne s'habitue jamais à la maltraitance, on en souffre toujours mais on peut s'habituer à la vivre tout en en souffrant comme on s'habitue chaque matin à prendre un médicament au goût amer. Cela n'est pas agréable et contrairement au médicament cela ne soigne pas cela use, mais cette usure est quotidienne, on en a l'habitude de souffrir même si la souffrance ne disparaît pas on en fait une donnée de son quotidien.
C'est normal pour moi dans toute l'anormalité de la situation. Alors je fais un sourire décidé au démon : « C'est pour ça que je veux devenir un grand sorcier ! Avec ma magie je ferai que cela fera moins mal ! » Mon sourire s'agrandit en un sourire heureux quand je lui dis : « Ce sera bien hein jeune démon ? »
Car malgré la douleur, je rêve encore et ce sont ces rêves enfantins qui sont des appels à l'aide et qui me permettent encore aujourd'hui de sourire à pleine dents comme en cet instant.
» C'est comme moi je ne porterai peut-être pas toujours malheur. Tu dois comprendre puisque tu es un démon.
Oui, je comprends. Je comprends même mieux que tu ne l'imagines. Porter malheur. C'est différent de ce qu'il ressent, tout en étant assez similaire pour lui tirer une sensation étrange. Porter malheur d'un côté, corrompre de l'autre. Avec Emily à ses côtés, Damen a trouvé le côté lumineux de ses ténèbres, reste à savoir qui sera celui de ce garçon. À moins qu'il ne devienne un jour sa propre lumière. C'est comme ça que fonctionnent la plupart des gens, non ? Ils ont leur lumière, en eux ; leur présence ne détruit pas tout ce qu'ils approchent comme un poison.
» Mais tu n'es pas mon papa toi tu ...n'endors pas les Mamans. » Non. Juste les meilleurs amis.
Les mots sont sortis tous seuls, dans un murmure, et il les ravale en se mordant la lèvre. Il n'aime pas parler de ça, pourtant sa voix a dépassé sa pensée sans même lui laisser le temps d'y réfléchir. Est-ce que c'est parce que la situation a fragilisé les barrières de brouillard autour de ses souvenirs ? Il a du mal à penser de façon cohérente, comme si la brume bienheureuse qu'il se plaît d'ordinaire à garder autour de lui ne savait plus comment rester en place. C'est le verre par terre, c'est leur conversation, leurs similitudes. Ça l'a troublé.
» Si tu arrives à trouver quelque chose d'intéressant, pourquoi pas.
Un métier pour démon. C'est sûr qu'il ne pourra pas faire ce qu'il fait toute sa vie. Emily le lui répète dès qu'elle en a l'occasion. Ça ne pourra pas durer éternellement. Peut-être qu'un jour, le vide se comblera et qu'il aura envie d'en avoir un, de métier. Pour l'instant, il joue avec l'argent qu'il a entre les mains, et il s'auto-détruit. Pas un travail très enrichissant.
» Excuse moi tu m'as répondu ? Parfois j'ai l'attention qui se perd je crois qu'elle veut se promener, l'attention c'est quelque chose !
Oh ? Problèmes d'attention ? Avant que Damen n'ait le temps de répéter sa réponse, l'infirmière se précipite dans la pièce et commence à s'inquiéter. Malgré lui, Damen retient les informations. Crise. Epilepsie. Ah, encore quelque chose de pas facile à vivre. En plus de devoir se battre contre ses cauchemars et son passé, ce pauvre gamin doit aussi se battre contre son propre cerveau ? Décidément, ça fait bien des choses pour un si petit corps...
» Oui, le médecin a tort. Ce n'est pas ta maman le problème.
"Vous n'auriez pas dû le laisser faire". Était-ce comme ça que le médecin avait parlé à cette pauvre femme qui n'avait visiblement pas la force de faire autre chose que de réparer derrière les horreurs de son mari ? Oui, sans doute. Les médecins, les psys, les gens supposés les aider... c'est peine perdue. Ceux qui ne sont pas occupés à encourager les agresseurs finissent par rejoindre les rangs des victimes.
» Hm. Tu comptes rendre la vie plus facile avec la magie, alors ?
Si seulement c'était aussi simple. Rêver lui manque. Ses nuits sont hantées de cauchemars, il y a bien longtemps que la magie dans sa tête se résume à des composés chimiques illégaux.
» La première chose à faire, dans ce cas, c'est de trouver les bonnes formules.
C'est un sorcier, non ? Ca fonctionne bien avec des formules magiques ? Et dans les faits, les formules magiques, ce ne sont que des mots. Trouver les bons mots est, paraît-il, la première étape pour que la vie fasse "moins mal". Dommage que si peu de gens en soient capable. Finalement, c'est peut-être un peu de la magie quand même.
Code de Anéa pour 
