Emily Pratchett

B1 |:| Psychologie (A)

Genre :

Âge : 19

Taille/Poids : 1m63

Emily n'est pas du genre fêtarde. Quand ce n'est pas écrit sur sa tête pour tous ceux qui lui parlent au mauvais moment, ça se voit juste en jetant un œil à son emploi du temps. Elle n'a pas le temps, à part quand Damen paraît un peu plus au bord de l'explosion qu'en temps normal, ou quand il insiste assez longtemps pour qu'elle décide de passer outre et de venir. Pourtant, ce soir, ce n'est ni l'un ni l'autre qui l'a amenée ici. Même si elle a fait l'effort vestimentaire de venir dans le thème, elle n'est là ni pour la musique, ni pour la danse, ni pour l'alcool. Elle a même prévu une bonne vingtaine de manières de refuser s'il prend l'envie à quelqu'un de l'inviter. Avec la robe qu'elle porte, achetée par Damen dès qu'il a su qu'elle viendrait, elle est déjà bien consciente qu'elle va attirer les regards. Mais elle n'a pas eu le cœur de lui dire non. Même s'il n'est pas là, il y aura des photos. Elle ne veut pas qu'il soit déçu.

En vérité, si elle est là, c'est à la demande de quelqu'un d'autre, quelqu'un qu'elle n'aurait pas vraiment imaginé recroiser. Une des membres du BDE qu'elle a rencontré rapidement à la soirée Halloween avant qu'elles soient séparées par Damen, et qu'elle a recroisée à la bibliothèque au début du mois. Tessa, de mémoire. Une fille qui semblait vraiment déterminée à trouver quelqu'un pour la remplacer ce soir. Et dans son incapacité à dire non, Emily se retrouve là, maintenant. À devoir retenir ce qui se passe, noter les incidents et les informations essentielles, et superviser un peu ce qui aurait dû être dans les mains de la petite brune. Elle a une liste claire, ça ne rend pas ça moins stressant. Un jour, il faudra qu'elle apprenne à refuser.

Elle a pris ses fonctions du côté de la musique, pour l'instant. Si les autres membres du BDE sont eux aussi habillés dans le thème, ce n'est pas le cas de tout le monde de ce côté-là de la scène. En gros : la plupart de ceux qui ne montent pas sur scène n'ont pas vu la peine de faire d'efforts. Peut-être qu'elle en aurait, elle aussi, fait moins si elle n'avait pas un meilleur ami aussi porté sur le spectaculaire et incapable de garder son argent dans ses poches. C'est vrai que la robe est jolie. Mais elle aurait plus sa place dans un gala ou un défilé de mode que dans une université. Il faut toujours qu'il en fasse trop.

Sa mission est simple : s'assurer que tout se passe comme prévu, de l'ordre des chansons à l'organisation du matériel. Elle n'y connait pas grand chose en musique, mais si le but est juste de surveiller quelques techniciens, ça devrait être dans ses cordes. Elle a l'habitude de garder à l'œil des gens bien plus chaotiques que ça, après tout. Une fois que tout ça sera gérer, sa liste de missions est un peu moins... claire. L'idée de devoir se laisser porter par les événements ne lui plaît pas vraiment, mais difficile de prévoir à l'avance s'il y aura des incidents, c'est bien même ce qui leur donne leur nom.

Emily Pratchett

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S'il y a une chose que tous ceux qui l'ont côtoyée savent et ont retenue très rapidement à propos d'Emily, c'est qu'elle n'a pas le temps. Pas le temps de discuter, pas le temps de se faire de nouveaux amis, pas le temps de faire autre chose que travailler. Elle a un objectif, vital, essentiel, un objectif dans lequel elle ne peut pas se permettre d'échouer. Alors elle supervise, tout, en silence, tout en se répétant mentalement tous les cours qu'elle doit réviser et qu'elle connait déjà en grande partie par cœur. Aucun moment n'est inapproprié pour tester ses propres connaissances.

C'est sans doute pour ça, ou par désintérêt total, qu'elle a à peine levé les yeux de sa feuille en entendant une voix s'adresser à elle. Enfin, elle ne peut que supposer que c'était à elle qu'on s'adressait, vu que la personne en question a semble-t-il été rapidement entraînée à l'écart. Elle prend quelques notes pour souligner le problème réparé par l'équipe technique, relève la tête pour voir qui fait quoi, la rebaisse vers sa feuille. Concentrée au possible, imperturbable, un vrai fantôme qui surveille sans jamais interagir. Elle avait déjà assez à gérer avec un seul ami.

Elle aurait probablement passé toute la soirée dans son petit monde, sa bulle de tranquillité et de révisions, si elle n'avait pas entendu son prénom sortir de la masse cotonneuse autour d'elle. Puis celui de Damen. Cinq secondes, le temps de remettre les informations dans l'ordre, puis elle relève la tête, cessant de grignoter le bout de son stylo.

» Je ne suis pas sa petite amie, si c'est ce que tu es en train d'insinuer.

"Copine" peut avoir deux sens, autant fixer le bon directement. Les gens lui ont assez posé la question pour qu'elle tienne vraiment à mettre les choses au clair à chaque fois que la question entre dans une conversation. Certains ne la croient pas, elle les ignore assez rapidement. Elle connait trop Damen pour avoir ce genre de sentiments pour lui et, même sans ça, elle n'a jamais eu ce genre d'intérêt à son égard. Contrairement à beaucoup trop de monde, soit dit en passant.

» Toi, tu es le gars qui a essayé de m'utiliser pour blesser mon meilleur ami. Qu'est-ce que tu veux ?

Elle n'a pas oublié. Emily n'oublie jamais rien, c'est à la fois un privilège et une malédiction. Certains de ses souvenirs, elle s'en passerait bien, pour ne pas les ressasser durant ses longues nuits d'insomnies.

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Sa voix est tout aussi fantomatique que son attitude. Distraite, elle s'exprime comme on répondrait à quelqu'un sans vraiment l'écouter, alors même que tous les mots lui parviennent. Son attention est simplement divisée, et le travail passe en premier. Alors elle parle sans parler, à moitié ailleurs. Ça n'empêche pas les gens de parfois la trouver désagréable. Peut-être, justement, parce qu'elle n'a jamais vraiment l'air d'être là et qu'ils s'attendent à avoir un semblant d'émotion autre que cette espèce de distraction constante. Mais quand elle travaille, c'est impossible de lui tirer autre chose.

Elle hausse à peine les épaules quand il mentionne la rapidité avec laquelle Damen s'est dressé entre eux le soir d'Halloween. Il a toujours été comme ça, elle a tellement l'habitude que ça ne la surprend qu'à moitié. Et d'une certaine façon, ça l'arrange ; ça l'évite d'avoir à elle-même prendre des risques dans ses interactions. Damen est habitué aux gens, autant que ça serve.

» Toutes mes excuses, mais je n'ai fait qu'utiliser le langage dont il souhaite absolument se servir pour nos intéractions sociales... Depuis le premier jour où je l'ai rencontré, il ne cherche qu'à me foutre en rogne...
» Je ne vois pas le rapport avec moi...

Que Damen se complaise dans le mépris, c'est une chose indéniable. Mais elle ne voit pas en quoi c'est censé la concerner, elle, et la façon dont il s'est précisément adressée à elle et non à Damen avec cette agressivité latente. À nouveau, elle hausse les épaules. Au fond, ça ne l'affecte pas vraiment ; elle ne connaît pas ce gars et elle n'est pas là pour se faire des amis. Quand même, ça vaut sans doute la peine de le souligner.  C'est lui qui a décidé que sa façon de s'adresser à une inconnue était déterminée par les gens qui l'accompagnaient, après tout. Hm. Ça vaudrait presque le coup d'en faire un cas d'étude, ça doit sûrement avoir un sens quelconque.

» Le premier jour où on s'est rencontrés, lui et moi, il a cherché à me provoquer en matant Lily juste sous mes yeux.
» Si tu penses qu'il a fait ça pour provoquer qui que ce soit, c'est que tu n'as jamais vu Dame près d'une piscine...

Reluquer quelqu'un, de la provocation ? Non, probablement pas. C'est juste son mode par défaut. Mais comme pour elle et ses études, les gens n'aiment pas ça. Ça leur donne l'impression qu'on marche sur leurs plates-bandes et s'ils font l'erreur de le faire remarquer...

» Si tu t'es énervé pour quelque chose qu'il trouve insignifiant, il ne faut pas t'étonner qu'il se soit jeté dessus, c'est comme lancer un steak saignant dans la cage d'un lion affamé et s'attendre à ce qu'il reste assis sans rien faire...

Ça, il l'a toujours fait. Volontairement ou pas, Damen a toujours eu ce don pour trouver précisément le point d'entrée vers l'esprit de quelqu'un et s'en servir pour casser quelque chose. C'est ça qui les a menés là, après tout. Elle serre les dents, secoue un peu la tête pour chasser le souvenir, s'adresse rapidement à une fille qui passait par là pour qu'elle vérifie l'éclairage avant de reposer les yeux sur sa feuille. Il lui reste encore beaucoup de travail à étaler sur la soirée.

» Je ne te connais pas vraiment... Mais soyons francs, tu n'as pas l'air de lui ressembler du tout.
» Bonne observation...

Pas difficile à faire, ils sont presque des antithèses. Ils ont pris le même événement pour en tirer le même traumatisme, la même vision d'eux-mêmes, et des façons radicalement opposées d'y réagir. Les deux faces d'une pièce, incapables de fonctionner l'un sans l'autre. Les traumatismes communs unissent ou séparent à jamais ; il n'y a pas d'alternative.

» Il doit bien y avoir une histoire derrière votre amitié ? Je veux dire... pour que tu aies supporté ses conneries pendant tout ce temps...
» Dame est important pour moi... Tu ne m'as toujours pas dit ce que tu veux...

Elle n'a pas le temps de bavarder pour bavarder. Là encore, sa voix n'est qu'un murmure distrait. Pas de reproche ni d'impatience, simplement cette même stabilité qui la caractérise quand elle est occupée. Elle tourne une page de son bloc-notes, coche une case, relève la tête pour faire signe à quelqu'un et lui indiquer une des tâches inscrites sur sa liste ; l'autre s'empresse de hocher la tête avant d'aller vérifier. Simple, rapide, efficace. Sérieuse à en étouffer.

Emily Pratchett

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» Autant que de l'autre, vous n'êtes de toute évidence pas faciles à approcher.

Haussement de sourcil. Peut-être la première réaction visible qui s'affiche sur son visage. Damen, difficile à approcher ? Parlent-ils vraiment de la même personne ? Tout est question de perspective, dit-on. C'est comme ça qu'elle a construit sa vision du monde, en analysant les perspective, en se mettant à la place des autres à un point parfois maladif, pour comprendre, pour s'insinuer dans leur tête et essayer de dénicher avant eux les failles susceptibles de les faire tomber. Pour comprendre ce qui pousse des gens à l'irréparable, il faut connaître leur perspective. Mais jamais elle n'aurait cru voir un jour une vision du monde telle que celle-ci.

» Damen n'est pas difficile à approcher. Mais j'imagine qu'il peut être difficile à comprendre.

Oui, c'est sûrement ça la différence. La nuance. Car approcher Damen est aussi facile que d'ouvrir les yeux. Il suffit de faire un pas dans sa direction et de lui parler pour que le monde se résume, même l'espace d'une fraction de seconde, à la personne en face. Tout disparaît au profit d'une conversation. La durée de cette déconnexion est ensuite proportionnelle à l'intérêt qu'il porte à la discussion et à l'autre.

» Le rapport avec toi est donc le suivant: qu'est ce qui vous a amenés à devenir si proches que Damen en arrive à montrer les crocs si on essaie de s'approcher de toi ?
» Ce n'était pas le sujet de ma remarque. Quel est le rapport entre le fait que Dame t'énerve, et le fait que tu aies décidé de t'en prendre à une inconnue ? C'était ça, ma question. Et si ça, c'est ta réponse, tu n'es pas si différent de lui que tu as l'air de le croire.

Trouver une faille, se glisser dedans, l'exploiter. C'est comme ça que Damen fonctionne. Et si ce gars l'a vue, elle, comme une faille et que c'est ce qui a motivé sa façon de s'adresser à elle, alors ils ont employé exactement la même méthode.

» Dame ne traite pas les gens comme des objets. Cela dit, si tu lui posais la question, il dirait que toi, tu le fais, parce que tu es en couple. Tout est une question de perspective. Le fait que tu penses ça de lui en dit plus sur ta vision du monde que sur la sienne.

Il n'y a jamais de bonne ou de mauvaise réponse dans les rapports humains. Pour Damen, la possessivité est une forme d'objectification. S'approprier quelqu'un, sa vie, prendre des droits sur lui ou sur elle par le concept pourtant banal aux yeux de tous de relation exclusive. Même sans connaître le garçon qui lui fait face, il n'est pas difficile de deviner qu'il a la vision opposée. Profiter de la présence de quelqu'un le temps d'une nuit - ou de plusieurs - comme le fait Damen doit s'apparenter, à ses yeux, à les utiliser sans prendre en compte ce qu'ils en pensent.

» Sérieusement, est-ce que j'ai l'air d'être du même...

Elle s'interrompt, baisse les yeux vers sa robe, soupire. Elle avait oublié ce détail.

» Ah, j'imagine que oui. Il faut toujours qu'il en fasse trop.

Elle murmure la dernière phrase avec un sourire fugace qui disparaît aussi vite qu'il est venu. Damen n'est pas toujours un cadeau, mais une chose est sûre : il ne se prive jamais pour en faire. Cette robe coûtait sûrement plus cher que la maison de ses parents.

» Non, désolé ! La preuve qu'il ne trouve pas ça si insignfiant que ça, c'est que dès que j'ai fait mine de m'approcher de toi, il a montré les crocs.
» Ça n'a rien à voir. Je ne suis pas sa petite amie, et tu étais en train d'essayer de m'intimider, pas de me "mater". Ce sont deux situations très différentes.
» J'ai plutôt l'impression que tu lui trouves des excuses et que tu le laisses faire ses conneries parce que vous êtes des amis de longue date. Mais à aucun moment, tu ne te poses la question de savoir s'il ne serait pas en tort.
» Ce n'est pas une question d'avoir tort ou d'avoir raison. Dame est un petit con et il le sait aussi bien que moi. Mais le bien et le mal sont des concepts psychologiques, ils n'ont que peu d'impact dans les rapports entre les gens. Ce qui compte, c'est leur perspective.

L'espace d'un instant, elle pose son bloc-notes sur la table puis tend ses mains devant elle, paume vers le haut. Elle relève légèrement la gauche.

» Aux yeux de Dame, regarder quelqu'un sous tous les angles est aussi naturel que de respirer. C'est sa façon de jauger une personne avant de la connaître. C'est comme ça qu'il appréhende le monde. Empêcher de regarder quelqu'un lui paraît absurde, si ce n'est pire.

Puis elle lève l'autre main en baissant la gauche.

» À tes yeux, c'est une façon d'objectifier quelqu'un. De le traiter comme un bout de viande et, par extension, de ne pas le respecter. C'est donc quelque chose qui, si ta copine est concernée, mérite un recadrage, parce que tu ne peux pas accepter que quelqu'un la voie comme une chose.

Elle redresse les mains pour les placer face à face, séparées de quelques centimètres.

» Vos perspectives sont diamétralement opposées. Tu lui as reproché quelque chose qui, à ses yeux, est insignifiant et qui, aux tiens, est important. Il t'a ri au nez. Tu l'as trouvé provocateur et méprisable. Il t'a trouvé ridicule et dirigiste. Ça ne pouvait que mal finir.

Deux perspectives opposées, quand aucune ne peut appréhender l'existence de l'autre, ne se rencontrent jamais sans exploser. C'est ce qui provoque la grande majorité des conflits, après tout. L'incapacité de voir le monde à la manière d'un autre parce qu'il est fondamentalement différent. L'interruption du garçon de tout à l'heure l'empêche de poursuivre son explication et elle reprend presque machinalement son bloc-notes. Ecrit rapidement ce qui, dans la conversation, pourrait concerner l'organisation de la soirée. En l'occurrence : quasiment tout.

» Hayley ! On a un problème.

La présidente du BDE s'approche en fronçant les sourcils et Emily lui indique simplement la direction du blond qui vient de s'éloigner.

» Ah, merci Emily. Je suis désolée que tu te retrouves mêlée à tout ça, je ne comprends pas pourquoi Tessa a décidé de nous lâcher d'un coup.
» T'en fais pas pour ça. J'ai l'habitude.
» C'est bien ce qui m'inquiète.

Hayley la regarde un instant, comme si elle voulait ajouter quelque chose, mais son rôle de présidente prend rapidement l'ascendant et elle se contente de lui tapoter doucement l'épaule avant d'aller rattraper le musicien pour comprendre le problème. Il a l'air ravi d'avoir l'occasion de parler avec elle. Comme quoi, parfois, les gens ne sont pas bien difficiles à comprendre. La simplicité n'est pas toujours un défaut. Comme elle a été temporairement sortie de sa bulle, elle se permet un vrai regard vers celui qui lui parle depuis tout à l'heure.

» Comprends-moi bien, je ne juge pas ta vision du monde. Je ne suis pas en train de te dire que tu as tort ou qu'elle est mauvaise. Je dis juste qu'elle est très différente de la sienne. Ça ne fait pas de ses actes de la provocations. Une bonne partie, clairement, oui, mais le fait de la regarder trop intensément sous tes yeux ne fait pas partie de la liste. Ça ne fait cependant pas de tes réactions, comme il se plaît sans doute à le dire et le répéter, de la susceptibilité mal placée. Tout le monde peut facilement s'énerver si on vise quelque chose qui leur tient à cœur. Je pense ne pas me tromper en présumant que c'est le cas de Lily pour toi, alors ça ne me surprend pas que tu l'aies mal vécu et que tu aies voulu réagir.

C'est bien le nom qu'elle a donné quand elle s'est présentée ce soir-là, non ? Lily. En tout cas, c'est le prénom qu'elle a retenu. Si elle se trompe, il la corrigera, elle n'en fera pas une montagne. Mais contrairement à Damen qui oublie le nom des gens quelques secondes après qu'ils lui aient donné, elle a plutôt bonne mémoire de ce côté-là. Surtout dans une situation stressante comme celle d'Halloween.

Emily Pratchett

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Le Damen du domaine public et celui du domaine privé... Hm. Les gens pensent donc que Damen est ce genre-là, hein. Du genre qui porte un masque. Amusant. Ça le mettrait probablement sur les nerfs qu'on ose le suggérer. Peut-être même que c'est spécifiquement pour ça qu'il n'aime pas ce gars. Parce qu'il a osé mettre en doute la franchise qui suinte par tous les pores du blondinet à chaque fois qu'il parle, agit ou réfléchit.

» Mais si je cherche à faire connaissance avec Dame, avec le garçon qui te sert d'ami en privé, par exemple, ce sera nettement plus compliqué.
» C'est la même personne. Il n'y a pas d'image publique contre l'identité privée. La seule chose qui change, c'est l'émotion qu'il suit. Dame n'a pas de masque, c'est ce qui le rend si difficile à cerner pour les gens normaux.

La plupart des gens se construisent une image, une personnalité pour lier leurs émotions entre elles et donner une cohérence à leur identité. Pas Damen. Il agit à l'instinct, porté par l'émotion du moment, tout en réaction sans réflexion, volant d'un démon à l'autre sans jamais chercher à s'arrêter pour savoir s'il ne devrait pas essayer de faire la différence entre les ténèbres et ses propres pensées. Il ne fait jamais semblant. Et ça, pour n'importe qui, c'est inconcevable. Ca va à l'encontre de toute la logique sociale de l'être humain, et qui aurait envie de croire que quiconque puisse naturellement penser comme lui ? Changer en une seconde, passer de la colère à l'amusement, de la provocation au vide émotionnel le plus total ? Personne ne peut imaginer qu'on puisse être assez brisé pour que les facettes cessent d'être capables de s'associer entre elles, et pourtant être encore en vie.

Difficile d'expliquer Damen sans aller trop loin et, finalement, ce n'est pas son but. Rétablir un climat calme, à la rigueur, lui suffit amplement. Maintenant qu'Hayley s'occupe du problème le plus pressant, elle peut se complaire dans un rôle d'observatrice. Prendre des notes, prévenir en cas de problème, confier les notes finales à Tessa pour qu'elle fasse son rapport elle-même. Rien qui ne soit pas dans ses cordes.

» D'accord, mais... de la même manière qu'il s'est montré agressif quand j'ai fait mine de t'approcher l'autre soir.
» Oui. Même si, encore une fois, les raisons sont très différentes.

Damen se soucie peu des gens qui l'approchent, en général. Il n'est pas possessif. Par contre, il est conscient d'être incapable de tenir sans elle, alors il a toujours tout fait pour la préserver et la protéger. Elle n'est pas une exception, cela dit.

» Je voudrais juste... être capable de le comprendre suffisamment bien pour que ce genre de problème n'arrive pas entre nous, c'est tout.
» Ça n'est pas possible.

Autant mettre les choses au clair dès le début. Damen ne cherche pas à ce qu'on le comprenne et ceux qui se rapprochent trop près de véritablement suivre sa façon de penser peinent à remonter la pente. Mais jusque-là, personne n'a jamais vraiment réussi à le comprendre. Parce que les gens cherchent une cohérence dont il est dépourvu. C'est un puzzle dont les pièces changent de forme d'un jour à l'autre, d'une émotion à l'autre, et les constantes sont bien difficiles à trouver.

» Dame ne t'aime pas. À en juger par ses réactions et par la soirée Halloween, je pense même qu'il serait plus correct de dire qu'il te considère comme une menace. Envers moi, qui plus est. Quoi qu'il ait pu se passer entre vous, vu qu'il carbure à l'émotion, s'il a décidé que tu lui déplaisais, il ne changera pas d'avis.

Damen ne change jamais d'avis. C'est bien pour ça qu'il est prisonnier de la même boucle infinie depuis bientôt cinq ans, pour ça qu'il ne quittera jamais Londres, pour ça qu'il ne peut pas vivre sans elle tout en répétant qu'elle devrait vivre sans lui, pour ça qu'il déteste toujours les mêmes personnes tout en s'attachant sans réfléchir à tous ceux qui lui évoquent le moindre semblant d'émotion positive.

» Et je vais être honnête avec toi, me prendre pour cible sous ses yeux n'est clairement pas la meilleure manière de ne pas déclencher de guerre. Quelles qu'aient été tes intentions.

C'est même, au contraire, le meilleur moyen de monter d'un cran dans l'échelle des gens qu'il n'a pas envie de côtoyer.

Emily Pratchett

B1 |:| Psychologie (A)

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Aucune importance, effectivement. Comme elle l'a explicitement dit, les intentions qu'il avait ce jour-là n'ont que peu d'intérêt. Le fait est que Damen y a vu une menace et que dans son état actuel, le faire changer d'avis relève de l'impossible. Pour quelqu'un comme lui ou l'intention et l'action se suivent sans avoir à réfléchir, chercher la raison derrière un comportement est devenu optionnel. "C'est l'intention qui compte" perd tout son sens avec Damen. D'autant plus que même pour elle, l'explication est bancale. Ce fonctionnement à l'instinct n'est pas bien différent de ce qu'elle considère prendre quelqu'un pour cible. Il s'est adressé à elle dans le but d'atteindre Damen. La réaction en retour était prévisible.

» Dame est mon ami, pas mon protégé. Si je devais faire en sorte qu'il arrête de se mettre des gens à dos, je ne dormirai plus la nuit. Je n'ai pas le temps de me soucier de ce que les gens pensent de lui.

Ni la journée, ni jamais. Il vit pour se faire des ennemis, et elle a beau savoir pourquoi, ça ne l'empêche pas de lui faire la morale régulièrement. De là à espérer le changer, il y a un gouffre qu'elle n'a clairement pas le pouvoir de franchir tant qu'il ne décide pas de faire le premier pas. Elle soupire. Espérer tirer quelque chose d'une discussion avec Damen quand il a envie de s'amuser, c'est peine perdue. Ça vaut aussi quand il a envie d'énerver la personne en face, quand il s'ennuie ou quand il est de mauvaise humeur. En fin de compte, dans beaucoup de situations. Même elle passe son temps à slalomer entre ses paroles.

» Ne pas le croiser reste la solution la plus simple, si tu veux mon avis.

Bien plus que d'essayer de le faire prendre quelque chose au sérieux ou de le calmer quand il est énervé. Cela dit...

» Dame n'ira pas volontairement s'énerver contre toi. Tu n'es pas Jesse, qui a l'air d'être la seule personne de cette école capable de vraiment le mettre en colère. Au fond, il n'est pas bien compliqué. Il joue. Si tu t'énerves, tu perds.

Tout simplement. Chercher ce qui fera craquer quelqu'un, le petit point capable de le faire sortir de ses gonds, c'est le petit jeu auquel il se livre les jours où il s'ennuie le plus. C'est toujours elle qui finit par recoller les morceaux, puisqu'il ne trouve jamais rien assez grave pour justifier une visite à l'hôpital. Elle peut le comprendre, elle n'aime pas les hôpitaux non plus.

» Sinon... eh bien j'imagine qu'il finira par se lasser. Mais les gens s'énervent toujours avant que j'aie l'occasion de tester cette théorie.

Il faut dire qu'il leur donne généralement beaucoup de raisons de le faire. L'inconvénient d'un bon sens de l'observation allié à une tendance exacerbée à vouloir titiller les autres.