La musique résonne doucement dans les enceintes. Les écrans sont allumés – encore. Toujours. Le personnage qui apparaît dans l'un d'entre eux s'étire, en attendant simplement qu'un quelque chose le fasse réagir. Les notes de la musique, elles, continuent d'habiter l'espace de cette chambre – silencieuse. Une belle chambre. Une vaste chambre. Mais cela n'est pas si surprenant : dans cette maison, il n'y a pas grand chose de véritablement et de visuellement laid. Après tout, Edgar Brennan n'est guère connu pour son absence de goût ou d'argent à dépenser dans ces derniers – pour l'un comme pour l'autre, il serait même juste de dire que c'est l'inverse. Penseur financier, industriel. Le goût, cet anglo-irlandais se doit de l'avoir. Le posséder. Ce n'est qu'ainsi qu'il fait bonne figure.
Et faire bonne figure est une partie inhérente à son travail. À sa réputation. À sa réussite. À son action. Sans doute est-ce pour cela qu'il pousse la porte de sa maison actuellement. Suivi de près par son épouse – sans doute le trophée le plus beau et délicat de sa maison. Cathleen est en effet la preuve de ce bon goût. Dame – artiste – au charme irlandais, elle est devenue une forme de muse.
Toujours à son bras. Elle est la preuve qu'il sait regarder les gens pour ce qu'ils sont – et non pour ce qu'ils doivent être à ses yeux. Du moins. C'est ainsi qu'il est présenté. Comme l'homme d'affaire qui a du goût pour la poésie des arts musicaux. Cathleen Brennan, donc. Qui avance dans le couloir principal. Pour rejoindre les escaliers. Un regard en direction de son mari. Un sac en main. L'homme l'observe. Ne dis aucun mot. Il semble même hausser les épaules. Lui laissant faire ce qu'elle souhaite.
Alors, elle va jusqu'à l'étage de cette grande maison. La porte s'ouvre alors. La musique. Elle résonne. L'écran. Il est allumé. Le personnage. Patiente toujours. L'obscurité est présente. Elle la chasse d'un simple mouvement sur l'interrupteur. Son regard observe. Ce chaos ordonné. Que son fils maîtrise. Connaît. Elle avance. Un peu. Silence dans la chambre. La fenêtre est légèrement ouverte. La mère s'y approche. Pour regarder en contrebas. Légèrement inquiète. Sa voix résonne. L'appelle.
« Ciarán ? » Aucune réponse dans la chambre ou même dans les pièces à côté. Un instant, elle se dirige vers le deuxième bureau, un peu à l'écart. Les devoirs ont été dirigés. Un instant, elle laisse un sourire sur ses lèvres. La musique change. Et elle s'accompagne d'une seconde. Celle du combat qui débute dans le jeu. Un combat perdu d'avance. Vu que personne ne se tient à l'écran.
La voix de la belle rousse résonne à nouveau. L'appelant. Une seconde fois. Poussant la porte menant au placard de son fils. Pièce presque aussi grande que la moitié de cette chambre. Vaste placard, donc. Étagères et bibliothèques. Cartons où sont rangés d'anciens jouets. Livres de JDR. Jeux de société. Jeux de PC. Tout ce qui n'a pas pu être contenu par ses bibliothèques par manque de place. C'est là. Même un petit fauteuil. Comme si le placard était finalement un autre endroit agréable dans lequel se réfugier. Siège vide. Non. Il n'est pas là. Et elle. Dans le silence de ce placard – seulement dérangé par les musiques mélangées – commence à entendre son cœur devenir plus violent.
Un pincement de lèvres. Alors que la Mère entends la porte s'ouvrir. Elle avance rapidement. Mais ne voit que la silhouette de son époux. Qui regarde la chambre. Hausse un sourcil. En regardant sa femme.
« Il n'est pas là, c'est ça ? » Dans sa voix, un certain mépris.
« Notre fils n'est pas là, oui. » L'homme hausse les épaules. Comme si le changement dans cette façon de présenter les choses n'a guère d'importance.
« Son jeu. Sa musique. Il a tout laissé. S'il lui arrive un accident ? S'il s'endort dans un endroit impossible ? » Le père écoute. Son regard parcours la chambre. La porte de la salle de bain. La porte du placard. Se promène sur le bureau. Remarque alors. L'absence de quelque chose.
Mais, il n'efface pas ce silence. Qui plus que tout commence à énerver son épouse. Car elle ne voit aucun secours. Elle ne voit rien de la part de cet homme avec qui elle a prononcé ses vœux. L'épouse Brennan avance. Le repousse légèrement. Voulant se diriger rapidement vers les escaliers. Voulant un pas vif. Celui d'une mère. Inquiète. Car c'est ce qu'elle est. Une mère responsable. Car elle le pense. Le croit. Le ressens ainsi. Car elle le portait. Elle le tenait au creux de son corps. Elle veut s'éloigner. Mais une main l'arrête. Attrape son poignet.
« Et que veux-tu faire ? Sonner l'alerte à travers toute la maison ? Le chercher dans tout Londres ? » Elle le fixe. Une certaine colère dans les yeux. Elle lui fait lâcher. Elle est vive. Tenace. Mais plus que la colère. C'est une tristesse dans ses yeux. Les mains d'Edgar Brennan se posent sur les épaules de son épouse.
Cathleen Doyle. Qu'il aime cette femme.
Toujours, il désire l'avoir à ses côtés. Cette femme qui vit pleinement ses émotions.
Au point que leur relation est un chaos sans nom. Habillée des atours de l'ordre.
« Pourquoi devoir aller à ton rendez-vous ? Je me fiche bien de la campagne de ce type. Aucun intérêt. Rien d'important. L'anniversaire de ton fils, ça c'est important ! » Un soupir intérieur de la part du père. Qui lâche sa femme. S'approche du bureau. Regarde le personne se faire attaquer, en boucle. Quelques soins prodigués par un compagnon dirigé par une quelconque IA.
« Nous n'allons pas refaire la discussion. De toute façon vu ce qu'il fait avec l'argent que je lui offres … » Haussement d'épaules. Puis. Il reprend. Alors que ses pas le guident hors de la chambre.
« Appelle le. S'il y a bien une chose qu'il ne quitte pas, c'est son téléphone. Donc appelle le. Rassures-toi. Laisse le cadeau ici. Puis rejoins moi dans notre chambre. » Les derniers mots sont appuyés. Il a d'autres choses en tête que s'inquiéter, oui. Mais, il a raison. Et elle le sait. S'il y a bien une chose qui peut l'aider … C'est cet objet. Toujours là. Toujours présent. Alors, elle compose le numéro. Il s'éloigne.
Une musique résonne. Synchronicity – musique d'un anime.
Il s'arrête. Elle lève les yeux. Approche de la salle de bain. L'homme revient sur ses pas. Remarque que la porte ne s'ouvre pas.
Le téléphone continue de sonner. Dans cette pièce. Dans le combiné. Elle toque. Un peu fort. Elle l'appelle. Aucune réponse. Non. S'il s'est endormi dans son bain. Cela pourrait être dangereux. Non. Non. Voilà qu'elle s'inquiète. Et s'il sait calmer ses angoisses. Il sait que là, elle n'arrivera pas à se calmer tout de suite. Sans qu'il soit ramener dans son lit. Alors. Edgar Brennan approche. Éloigne sa femme. Recule un peu. Avant de donner un violent coup de pied dans la porte pour l'enfoncer. Le verrou saute au troisième coup. Bordel. Encore des dépenses inutiles. Ainsi est la pensée. Son épouse passe à côté de lui. Silence. Puis cri. Lumière allumée. Dissipant les ténèbres. Alors que la musique continue de tourner. Alors que le combat se termine, sur un game over.
Un corps pâle. Nu. Cerné. Qui flotte dans l'eau de sa baignoire. Blessures béantes au niveau des poignets.
Un silence. Après le cri. Silence froid. Que les larmes viennent briser. Son nom est répété. Une fois. Deux fois. Dix fois. Alors que le numéro est composé. Un numéro pour faire parvenir la détresse de son fils. Pour tenter de le sauver. Depuis combien de temps ? Combien de temps, merde ?! Elle voudrait le frapper. Frapper ce mari qui l'a séparé ce jour de son fils. Elle voudrait s'effondrer dans ses bras. S'effondrer dans les bras de ce mari qui soutiens ses émotions. Mr Brennan, lui. Ne pense finalement qu'à une chose.
Qu'est-ce qu'il est laid …
Un game over domine donc l'écran. L'écran que personne ne regarde.
Cela devait en être un. Oui. Sans chance de revenir.
Cela devait en être un. Oui. Mais cela ne l'a pas été. Quand je retrouve les images de mon réveil, je ne sais jamais quel sentiment je ressens. Non. Pas du soulagement. Je voulais que ça se termine. Mais cela n'est pas arrivé. Ce jour-là … c'est comme si je me réveillais, encore. Avec la même sensation qui suinte contre ma peau. Avec le même claquement de langue qui résonne dans l'oreille. Avec le même écoulement que je vois ramper sur les murs. Sauf que, ce jour-là, ce n'était pas dans mon habituelle chambre. Blanche. Claire. Aseptisée. Puant l'odeur d'anti-sceptique. Une petite pièce. Sans douceur. Sans brutalité. Rien. Rien. Et ce rien accentuait tout. Je me souviens encore que la première chose que j'ai faite a été de vomir.
Je crois que c'est comme ça qu'ils ont compris que j'étais réveillé. Le personnel infirmier. Le médecin. Ma mère. Ma tante. Lui ? Ah. Il n'était pas là. Pour ce que ça aurait changé, de toute façon. Pareil pour les autres. Ça n'aurait rien changé. Foutrement rien. Je n'avais pas envie de parler. Alors, lorsque ma mère m'a parlé. A pleuré. S'est excusée. La première chose à laquelle j'ai pensé était que j'étais à poil sous ce drap. Totalement nu. Pire encore. Je me disais que tout ce qui m'habitait était à nu. Devant tout ça. Devant cet ensemble de gens. Alors la deuxième chose à laquelle j'ai pensé est que j'aurai quand même pu éviter de me louper.
Mais bon. J'avais l'habitude. De la nudité de l'hôpital. Pas que le fait d'être à poil me gêne. Mais j'aime bien l'être quand je veux l'être. Là, franchement. C'était pas ce qui me faisait jouir – encore heureux d'ailleurs. Mais bon. Je connaissais. Ce que je connaissais moins. C'était la nouvelle sensation. Les sangles sur les poignets. Les bandages. Aussi. Ah. Attaché en plus d'être nu. Dans une autre situation, ça aurait ses avantages.
J'oubliais ce que j'entendais. Je fixais juste les bandages. Je voyais, même sans les enlever. Les blessures. Alors. Je me suis souvenu – troisième ou quatrième pensée, j'sais plus – que quand j'ai fait ça. Je regardais. J'ai pas détourné les yeux ! Je voulais voir. Je sais pas pourquoi. Je pense que ça m'aidait à me concentrer. Me dire que je le faisais. Que je devais le faire. Et que donc je devais pas laisser la fatigue faire. Prendre le pas. Malgré la chaleur du bain. Malgré les cachets pour retirer mes dernières frontières, déjà bien amochées.
J'ai pas détourné les yeux. Même quand je l'entendais rire. Ce putain de rire. Qui s'accroche à l'esprit. Qui s'accroche à l'angoisse. Qui la tord et la bouffe. Comme Hannibal bouffant un foie.
J'ai juste fait. Et comme un con. J'me suis loupé. Donc ouais. Cela a fini par arriver. Ce jour-là, j'ai fini par penser à ce qu'on me disait. À l'inquiétude. Au fait que je devais être aidé. Alors j'ai rien dis. J'ai juste regarder cette putain de pièce aseptisée. Ma tante était fébrile. Prête à m'engueuler – j'imagine que de son point de vue, elle aurait raison. Mais j'ai continué à rien dire. Peut-être que j'avais un peu honte. Aussi. De devoir entendre ça. De devoir savoir, encore, à quel point je l'inquiète. J'aimerai bien lui dire qu'elle n'aura plus à s'inquiéter. Mais ce jour-là, ce serait mentir.
Car je m'étais loupé.
J'ai fini par accepté. D'être aidé. Après quelques jours de mutismes. De cauchemars. De manque.
Même si je savais qu'un jour. Je me louperai pas.Silence. Dans le bureau de la psychiatre. D'un regard professionnel, elle observe les résultats des dernières prises de sang. Elle regarde. Étudie. Compare. Indarë est d'une grande attention concernant l'évolution de ses patients. Un rendez-vous par semaine. Avec une psychiatre. Avec une psychologue. Avec une neuropsychologue. Curieusement, les tests cognitifs ont toujours été bons. Comme si le jeune homme faisait un doigt d'honneur aux effets pervers de sa maladie sur ses capacités cognitives. Au contraire, là où la majorité des patients subissent les hallucinations qu'une à deux fois par mois, les siennes sont plus … fréquentes.
Pourtant. Depuis son arrivée. Force est de constaté qu'il n'a jamais rien fait. Rien tenté. À la surprise générale de l'équipe médicale et thérapeutique. Car tout dans sa façon de parler. De considérer l'avenir. Tout cela semblait le pousser à recommencer. Mais cela ne s'est pas produit. Une agréable surprise.
Lui ? Il avait sans doute fait quelques tentatives. Plus discrètes. Plus feutrées. Associées à des quelconques soirées interdites entre lycéens de l'établissement. Avec un peu de jugeote, il n'était pas difficile de savoir comment braver les interdits. Des doutes, ils en ont sûrement – il n'est pas dupe. Mais tant qu'il ne tente rien de réel. Tant qu'ils n'ont pas de véritables preuves. Ils ne peuvent faire qu'une chose. Croire. Sans véritablement savoir.
« Eh bien … Je reste sceptique par rapport à votre poids, Mr. Brennan. » Une légère surprise suite à la phrase de la part de l'intéressé. Le fait d'avoir été nommé ainsi semble l'avoir empêché de suivre la voie du sommeil. Une bonne chose – même si compréhensible, c'est qu'elle prenait son temps pour lire quelques documents. Un instant, il hausse les épaules.
« La situation médicale pour laquelle je suis entré ici n'est pas liée à mon poids. » Vrai. Même s'il est de nature pour les thérapeutes de rester conscient de chaque problématique. Et d'inculquer cela à certains de leurs patients.
« De plus … Je n'ai jamais été un gros mangeur. » Sauf quand il s'agit de fraisiers et à peu près toutes les conneries qui peuvent contenir de la fraise – et la fraise en elle-même. Chantilly et fraise … Aaaah. Tiens. Il veut vite sortir pour aller s'en prendre. Et …
« Hm … Vous ne devriez pas prendre cela à la légère. Même si vous sortez du programme Potion, vous devrez continuer d'avoir un suivi régulier. » Léger haussement de sourcil. Pas une surprise. Pas un étonnement. Quelque chose de l'ordre d'une attitude blasée.
« Je sais. »Il sait. Et il continue de le savoir. Qui pourrait oublier ce qu'on lui répète jour après jour. Ah. Oui. Lui. Lui et encore lui. Bon. D'accord. Point pour eux. De toute façon, ils réussissent toujours à avoir un point pour eux. Toujours ! Mais bon. Si cela pouvait vite se terminer.
Chantilly et fraise. Voilà qu'il ne pensait qu'à ça. Et qu'il se concentrait sur cette image. Ses pieds bougeant un peu. Sous l'impulsion de l'envie. De l'impatience. On le dit souvent ainsi. Impatient. Dissipé.
Ne le seriez-vous pas. Si votre putain d'esprit voyait quelque chose qui se colle à votre peau dès que vous commencez à vous endormir ? Ne le seriez-vous pas. Si votre sommeil se brisait par des terreurs et des paralysies du sommeil ? Mais bordel ! Ne le seriez-vous pas si votre vie tournait autour d'un rythme horrible de sommeil et d'envie de rester, chaque minutes, éveillé. Au point que votre comportement entre en conflit avec vos besoins et les réalités ? Au point de refuser de dormir en colocation dans une chambre. Mais que vous ne pouvez dormir seul tant la présence est là. Toujours. Violente. Rampante.
Ne pas pouvoir s'accrocher. Ne pas vouloir le faire. Mais finalement trouver parfois une présence, en pleine journée, pour se reposer. Juste un peu. Pour pas tomber par terre en s'endormant. Pas se faire mal – alors qu'au fond, vous vous en foutez comme de votre première chemise.
Ah. Il avait balancé ça. Une fois. Une fois de trop lui a-t-on dit. Sans doute parce qu'il y avait, entre quelques phrases, des insultes. Crachées avec véhémence. Le lendemain, il avait été convoqué. Et encore. Pendant un temps, il avait par jour un rendez-vous. Juste après ça. Car il en avait beaucoup dit. Beaucoup trop.
Alors maintenant. Je ne dis plus rien.
Du moins, suffisamment pour les satisfaire.
Et cela me convient. Car ce n'est pas à eux que je veux parler. J'sais même pas à qui j'veux parler. Mais pas à eux. Surtout pas à eux. Jamais à eux. Ils comprennent pas. Ouais, la science c'est bien – j'aime bien ça, moi aussi. J'aime bien la psychologie, aussi. J'aime bien quand on joue avec les molécules. J'veux bien qu'il y ait une explication scientifique, à ça. À tout ça.
Mais je m'en fous. Je veux pas savoir le pourquoi. Je veux rien. Je ne veux rien de vous. Juste que vous finissiez par vous lasser. Comme lui. Comme elle. Lassez-vous. Laissez juste moi … là. Dormir dans un coin. C'est comme ça que je finirai, non ?
Comme ça. Oui. Je ne vois pas d'autres alternatives. Qui voudrait d'un truc pour qui l'esprit va tellement loin. Est tellement flou. Un monde isolé. Un monde où il n'y a presque plus rien à comprendre.
Et vous croyez pouvoir arranger ça ?
Non. Je ne le crois pas. Sans doute que je ne veux pas que vous continuez à espérer.
Sans doute que je ne veux pas espérer.
Ou sans doute que je veux tenter. Autre chose. Que vous. Toujours vous.Silence. De la part de la psychiatre. Qui l'observe. Alors qu'il lève les yeux vers elle. Elle note quelques éléments.
« Que souhaitez vous faire, si vous allez en ISS ? » Ah. Question importante. Et surtout, là. Pas besoin de mentir. Pas besoin de se voiler la face.
« Si j'y arrive. » Il accepte. Aussi. La possibilité de ne pas pouvoir. Parce que, finalement, cela ne tient pas qu'à lui. Malheureusement.
« Je compte finir mes études. » Vérité. Il veut les finir. En même temps, il veut faire autre chose. Mais ça rentre en conflit. Parce que, quand même. Parfois, on s'amuse bien.
« Ensuite. Entrer à l'université … Et … »Ouais. Des rêves quoi.
Je pensais pas les atteindre. Je pensais que je finirai avant au fond d'un fossé ou dans les profondeurs d'une piscine – paraît que c'est une habitude.
Mais. Eh. Je suis pas si nul que ça on dirait. Vu que j'y suis.
Maintenant. Là.
Oui. Là. Juste ici. En train de … « Euh … C'était une blague vous savez. » Les mots en direction de la présidente qui s'éloigne. Quelques secondes passent. Il fini par être comme à son habitude. Seul. Les mains attrapent la tignasse.
« AAAAAHHHH MAIS BORDEL DE CON QUE TU ES CON ! » Ah. C'est épuisant de gueuler comme ça. Mais. Oui. Con. Il l'est. Secrétaire c'était tranquille. Boulot administratif. Tout ça. C'était pas stressant et ça faisait plaisir à tout le monde – dont à lui. Parce que. Ouais. Le Bureau des Étudiants. Cela a fini par lui faire plaisir. D'avoir un rythme. Des choses à faire. Autre chose que rester à rien branler dans sa chambre – ou peu. Et puis. C'était pas tant une corvée. Mais maintenant. Ah. Ah. Oui. Maintenant c'est la galère.
Se frappant la tête contre une table. Il voudrait dormir. Se réveiller. Se dire que c'est un cauchemar. Non. Il allait quand même devoir faire ça … ? C'était juste une blague à la base. Hop on pose son nom sur la liste des volontaires, d'autres viennent et hop il reste secrétaire parce que bon, il est quand même mieux pour ça. N'était-ce pas un plan génial ?
Bon. Plutôt une bonne idée de merde. Mais à ce moment-là de la réflexion, il y avait plus de vingt-quatre heures sans dormir. Et il faut dire que ça joue sur les neurones. Surtout quand votre premier réflexe en fermant les yeux est de sentir l'étreinte d'Hypnos, lentement vous …
Non. Non. On ne s'endort pas !
« Aaah … Je fais quoi …. ? » La tête contre la table. Les yeux – cernés – grands ouverts. Bon. Cela aurait pu être pire. Cela aurait pu être la place de HOT – qui porte franchement bien son nom. En plus. Comment devenir secrétaire maintenant ? Tessa en a la fonction. Et on a donné au sexy flambeur le poste de trésorier. Attendez. Ce n'est pas une mauvaise idée ça ? Non. Sexy flambeur sera top pour ce boulot. Lui au moins sait compter. Enfin. Bon. Que faire que faire … ? Que disaient les thérapeutes, déjà ? N'ayez pas peur d'échouer. Si vous n'arrivez pas, si vous ne pensez pas y arriver, n'ayez pas peur d'abandonner. Mais faites attention aux regrets. Ah. Oui. Les regrets. Ils sont là. Ils continuent d'être là. Les regrets d'avoir échoué. Cette nuit. Les regrets aussi qu'il ressent, parfois, en se disant qu'il n'aurait pas vécu ça. Le regret de perdre quelque chose qu'il n'aurait pas connu. Pour ça, sans doute. Qu'il a rien fait. Ces derniers temps. Parce que, il aime. Un peu. Tout ça.
Il finira bien dans un coin. Un jour.
Mais pour le moment, il n'y est pas. Donc. Bon.
Sa tête tourne un peu sur le côté. Ses yeux regardant la liste des membres du Bureau des Étudiants. En soi. Cette année. Tout va être différent. Il va enseigner. Deux fois par semaine. Il va être devant des élèves. Plus jeune que lui. Qui attendent quelque chose de sa part. Alors. Est-ce que ça, ce n'est pas un peu la même chose.
Le téléphone sonne. Il l'attrape. Le regarde. La mère. Il coupe. Avant de se redresser. Sortir de la salle de réunion du BDE. Poser ses écouteurs dans ses oreilles. Mettre de la musique – Kingdom Hearts, un classique pour ses oreilles. Et envoyer un message à sa mère.
Vice-Président. Oui. Merci pour les félicitations d'avance.Ouais.
C'était vraiment un plan à la con.
La prochaine fois, j'irai jouer plutôt que de dire des conneries.