J'aurai pu l'ignorer et simplement faire comme si de rien n'était. Mais, même s'il était évident que sa question n'attendait pas de réponse, j'en tentais quand même une. Plus ou moins maladroitement. Pourquoi j'avais répondu déjà ? Enfin, même sans réponse de ma part, j'étais certaine que mes joues auraient tout de même pris cette teinte rouge caractéristique. Fort heureusement, il me tendit, certainement consciemment, un sujet de repli, en évoquant le livre qu'il avait pris au hasard. La lecture faisait partie des choses qui me permettaient de m'évader, en plus de la photographie et la danse. Alors, quand je me mettais à en parler, je n'avais plus cette angoisse constante et ces bafouillements qui montraient que je n'étais pas à l'aise. Parce qu'avec ces sujets là, j'étais justement à l'aise.

"Je suis d'accord. C'est juste que quand c'est un sujet qui n'intéresse pas une personne, je peux comprendre que ça puisse ne pas plaire. Et comme je ne sais pas si tu aimes ce genre de lecture..."

J'allais m'en tenir là, au risque de m'enfoncer et de m'embrouiller. Il n'avait pas l'air ennuyé, j'allais éviter de lui donner une raison de l'être. Des étoiles dansèrent dans mes yeux quand il évoqua la danse et un petit sourire apparut naturellement sur mon visage. Déjà au bal, je m'étais doutée qu'il devait en faire. Mais ça avait l'air d'être bien plus qu'un simple sport pour lui. Et je pouvais le comprendre car c'était bien plus pour moi. Et je savais aussi que c'était un milieu difficile, notamment pour les hommes. Mais de ce que j'avais pu voir, il n'avait pas l'air d'être le genre à se laisser marcher sur les pieds. Peut-être qu'il était comme ça justement à cause des remarques un peu trop présentes, et non justifiées, sur les hommes qui faisaient de la danse.

"C'est juste que... je n'ai pas l'habitude de parler autant. Je t'écouterai avec plaisir, si tu voulais parler de danse. C'est une de mes trois passions, avec la lecture et la photographie."

Même s'il se doutait certainement de tout ça. Ce n'était pas bien compliqué à deviner en me regardant. J'avais toujours, ou presque, mon appareil photo avec moi, et il m'avait vu avec au bal. La lecture, nous venions d'en parler. Et je lui avais déjà dit que je faisais de la danse avant. Un demi mensonge, puisque je continuais d'en faire, à l'abri des regards. Mais en parler n'était pas un problème, au contraire. J'étais certaine que je pourrais aimer en parler avec lui s'il était aussi passionné qu'il en avait l'air. J'ouvris la bouche pour lui répondre avant de la refermer, me perdant quelques instants dans mes pensées.

"Je ne pourrais pas te donner un temps exact. Depuis que je suis en âge de savoir en faire ?"

Un petit rire m'échappa.

"Mes parents m'ont offert mon premier appareil quand j'étais à l'école primaire je crois, et depuis, je fais des photos de tout et de rien. Au début, je me contentais de prendre mes proches en photo, ou tout ce que je trouvais beau. Puis, j'ai appris à faire attention à l'angle de vue, la lumière, à mettre en avant, ou au contraire à l'arrière, ce qui m'intéressait. Et après, je me suis essayée aux montages photos, avec des tutos sur internet et je me suis entrainée, beaucoup. Et une fois arrivée à Indarë, j'ai intégré le club photo pour continuer à développer mes compétences. Mais... Disons que c'est tout de même différent que quand je flâne simplement à l'école ou dehors et où je prends ce qui me tape dans l'œil on va dire."

Mon sourire s'était élargi. Quand je parlais de mes passions, j'étais définitivement plus heureuse que la plupart du temps. Je baissais un peu la voix.

"Le problème des photos que je fais en extérieur, c'est que je prends parfois, voire même souvent, des personnes en photo dans des situations que j'aime bien. Quelqu'un en train de lire un livre, un autre en train de dessiner etc. Mais bon, en théorie, je n'ai... pas le droit de le faire sans leur accord... Mais leur demander reviendrait à casser le moment magique que je veux justement capter alors..."

Je haussais les épaules pour finir ma phrase. L'air de dire "je les prends quand même en photo". Mais, de toute façon, ces photos n'allaient jamais plus loin que l'album de ma chambre, alors je ne faisais rien de mal en soit. Si ?

J'étais contente de voir que je n'avais pas l'air de l'ennuyer en parlant de tout ça. Peut-être qu'il était du genre à écouter les personnes passionnées et à s'intéresser au sujet même s'il ne connaissait pas le domaine.

"Oui, en effet. Au moins, ça m'occupe.. l'esprit."

Et quand mon esprit était occupé, il ne pensait pas à d'autres choses plus sombres et plus désagréables. J'aimais bien m'enfermer dans la bulle de mes passions et m'y consacrer pleinement afin de rester concentrée sur ça et non pas sur mes démons. Ca m'aidait aussi à les combattre alors je me disais que plus je pratiquais, mieux ça irait.

Je pouvais m'exprimer à travers la danse, voyager à travers mes lectures, m'évader et rendre les choses plus belles grâce à mes photos. Et tout ça m'aidait grandement à avancer et à me sentir plus sereine. Là où j'étais plutôt fermée à la discussion avant, j'arrivais à présent à parler de mes passions sans bafouiller et même parfois avec le sourire. Mes parents et Marika me disaient depuis quelques temps qu'ils étaient heureux de voir que je retrouvais le sourire.

Il me lança sur la photographie et j'acceptais de lui expliquer depuis quand j'en faisais et comment j'en étais arrivée à en faire ma passion. Il ne m'arrêta pas une seule fois et semblait vraiment attentif à tout ce que je disais. C'était agréable de parler de quelque chose qui me plaisait avec quelqu'un qui avait l'air de vraiment s'y intéresser, et qui me posait des questions dessus.

"Oui, globalement oui. J'ai cherché parfois des tutos sur internet pour certaines choses plus techniques. Mais je me suis surtout beaucoup entrainée et je montrais mes photos à d'autres personnes avant donc je récupérais des avis par-ci, par-là. C'était vraiment intéressant."

A présent, j'arrivais à globalement faire des auto-critiques et puis, j'avais aussi le club photo qui pouvait aussi m'aider à évoluer. Mais pendant l'entre deux, je faisais plutôt les choses pour moi, et je ne montrais plus mes projets à personne. Pas même à ma famille. Et j'en faisais aussi moins, tout simplement. Je captais son petit sourire quand je parlais du fait que j'aimais bien prendre les personnes et les moments en photo. Mais il ne dit rien. J'avais l'impression qu'il voulait me demander quelque chose mais qu'il se retenait.

"Non, je ne les publie pas. Je les retravaille sur mon ordinateur et parfois je les imprime pour les mettre dans un album que je garde pour moi. Les seules photos que je montre ou que j'expose éventuellement au club sont des photos de séances organisées ou d'événements comme le bal de fin d'année."

Au final, je n'étais pas certaine d'en avoir le droit. Même si, pour moi, je ne faisais rien de mal, si ces photos fuitaient, les personnes auraient totalement le droit de m'attaquer en justice ou je ne sais quoi. Je frissonnais un coup et baissais légèrement la tête. J'espérais qu'on en arriverait jamais là. Je n'avais aucune mauvaise intention. Mais ce n'était pas le genre de choses dont les autorités se souciaient vraiment.

"Et du coup, la danse est ta passion ? Tu en fais en club ?"

J'avais très envie de l'entendre parler d'un domaine comme celui-là où je pourrais tout comprendre sans problème, et même en apprendre plus grâce à lui. Et puis, parler de quelque chose qu'on aime en étant sûr de ne pas perdre la personne en face, c'était aussi très agréable je pense.

Depuis qu'il m'avait lancée sur le sujet de la photographie, je ne tremblais plus en parlant et j'enchainais les phrases. Je crois que ça faisait bien longtemps que je n'avais pas parlé autant. Mais je ne ressentais aucune gêne à le faire, étrangement. Il avait réussi à m'amener à lui parler d'une de mes passions. Avait il senti que j'étais plus à l'aise ainsi ? Si c'était le cas, c'était qu'il faisait vraiment attention à mes postures. Et qu'il était aussi réellement intéressé par ce que je disais.

A part ma famille, personne n'était au courant pour cet album. Mais ils respectaient tous mon choix de ne le garder que pour moi. Ils savaient à quel point il était important pour moi et n'insistaient jamais à ce sujet. Jesse n'en parla pas non plus. Malgré sa curiosité, il avait dû comprendre que c'était mon jardin secret et que ce n'était pas quelque chose que je voulais montrer. Mais il avait déjà vu mes photos puisque certaines étaient exposées au club.

Je souris en voyant qu'il avait autant de mal que moi à mettre un âge sur le début de sa pratique. Ces choses que l'on faisait depuis si longtemps qu'on pourrait dire qu'on les pratiquait depuis toujours. Je comprenais parfaitement sa situation.

"Oh, je vois tout à fait. C'est bien que tu aies pu en tester plusieurs et que tu aies finalement trouvé ce qui te correspondait. Je comprends ce que tu veux dire. Personnellement, j'aime beaucoup le fait de pouvoir faire passer des messages à travers la danse. Je m'exprime... m'exprimais beaucoup comme ça, avant."

A vrai dire, je le faisais toujours. J'essayais de me servir de la danse pour exprimer ce que je ressentais à l'intérieur et que je n'arrivais pas à exprimer avec des mots. C'était un exercice... très difficile. Sur la danse que je travaillais actuellement, je chutais toujours au même moment. J'avais une espèce de blocage à chaque fois et je ne parvenais pas à m'en défaire.

"Félicitations ! J'aimerai bien te voir danser..."

Une minute... J'avais dit ça à haute voix ? Je sentis mes joues chauffer à nouveau et je détournais légèrement le regard. Décidément, je n'en ratais pas une. Je me reconcentrais sur lui, une fois mon rouge aux joues estompé.

"Oh ? Je ne savais pas que tu gérais un club ici. Mais je comprends ce que tu veux dire. Juste pratiquer sa passion, sans prise de tête ou sans pression de podium, c'est très agréable aussi."

J'essayais de l'imaginer à la tête du club de danse. Il était tellement passionné qu'il devait facilement transmettre sa passion. Je ne le voyais pas comme un entraineur sévère. Plutôt comme celui qui prendrait le temps d'expliquer et de montrer les mouvements, plusieurs fois s'il le fallait. Le genre qui guiderait ses partenaires pour les aider en replaçant leurs membres pour qu'ils réussissent leur mouvement. Je m'imaginais un instant à la place d'un des danseurs de son club, le voyant replacer mon bras et ma taille. Je secouais la tête, chassant l'image qui m'avait fait frissonner. Non, c'était une mauvaise idée. Je ne pouvais pas retourner dans un club.

Je le voyais m'observer pendant que je parlais de photographie et je me fis la réflexion que si j'avais eu mon appareil à portée de mains, et que ce n'était évidemment pas moi qu'il regardait, j'aurai pu le prendre en photo. Ce petit sourire qui était venu naturellement sur son visage pendant qu'il m'écoutait parler était magnifique et illuminait son visage. Mais je n'allais pas sortir mon appareil comme ça. Et puis, cette image était à présent ancrée dans ma mémoire. Puis, la conversation dériva vers un sujet qui nous passionnait tous les deux, la danse. Je cachais à tout le monde que j'avais continué à danser de mon côté même si j'étais certaine que Marika le soupçonnait. Elle gardait ça pour elle.

"Avant, hein...

-Euh... Oui... Quand je dansais dans mon club..."

Voilà que je me remettais à bafouiller. Il avait capter mon lapsus et l'avait relevé. Sans pour autant m'interroger dessus. Mais moi, je lui avais répondu en essayant de ne pas m'emmêler les pinceaux. Ce qui avait complètement raté, forcément. J'avais réussi à faire dériver à nouveau vers la conversation sur lui, apprenant par la même occasion qu'il gérait le club de danse. Quand j'avais su qu'il y en avait un, je m'en étais tenue éloignée. Non pas que je ne voulais pas y aller, mais plutôt parce qu'au contraire je voulais m'y inscrire. Mais j'avais peur que les mêmes choses se reproduisent. Et pour ne pas être tentée, j'avais préféré mettre des œillères à chaque fois qu'il était question de ce club.

"Non, désolée. Je..."

Je n'allais pas lui dire que je fuyais ce club par peur. C'était... encore trop délicat pour moi de parler de tout ça. Mais je pouvais rester vague.

"Je ne me sentais pas prête à m'inscrire à nouveau dans un club de danse."

Je détournais légèrement le regard, refoulant les quelques larmes qui menaçaient de remonter. Il était gentil, et on s'entendait plutôt bien depuis le bal. Mais non, je ne pouvais pas parler de ça avec lui. Avec personne. C'était trop difficile d'expliquer tout ça. Les seuls avec qui j'en avais parlé étaient les psys de l'école. Et encore, j'avais eu énormément de mal à mettre des mots sur ce qui m'était arrivé pendant un moment.

Mon esprit dériva vers la possibilité qu'un jour, je m'y inscrive. Qu'un jour, il soit mon professeur de danse, quelques heures par semaine. Peut-être même que grâce à lui, je pourrais retrouver confiance en moi et en ma danse. Mais l'idée d'être encore plus proche de lui qu'au bal m'arracha un frisson. Frisson qui apparemment ne lui échappa pas. Bon sang, il voyait tout...

"Je... Oui, ça va. Désolée, j'étais perdue dans mes pensées... et mon passé."

Les derniers mots m'avaient échappés. J'avais relevé le regard vers lui avec un petit sourire triste. Certainement pas de quoi le rassurer, mais au moins, je souriais.

Il avait l'air d'être un garçon curieux et un peu taquin. En tout cas, c'était deux aspects de sa personnalités que j'avais vus. Ce n'était pas forcément des défauts. Je pouvais moi-même me montrer très curieuse des fois. Mais il savait se réguler. Et il avait bien remarqué les sujets sur lesquels il pouvait m'interroger sans problème et ceux qui étaient un peu plus restreints. Comme la danse. Une part de moi voulait continuer à en parler. Car je savais que je pourrais discuter de pleins de choses dans ce domaine avec lui, au vu de ce que j'avais découvert à son sujet. Mais l'autre part était bloquée à cause de ce qu'il s'était passé il y avait de cela quelques années. Et cette part était bien plus forte que l'autre.

"C'est rien, c'est moi qui suis désolée, je préfère... ne pas en parler."

Bien sûr qu'il l'avait déjà compris. Mais il avait l'air si enthousiaste à l'idée de parler de danse avec moi que je m'en voulais un peu de couper court à cette conversation. Une autre fois peut-être ? Il y avait tellement de sujets dont on pouvait discuter concernant ce sport sans s'approcher de celui qui me bloquait. Il me proposa même de changer de sujet. Je ne voulais pas qu'il parte. J'aimais bien discuter avec lui. Sa compagnie était vraiment agréable. Je pouvais mettre mes lectures à plus tard. Je croisais rarement des personnes avec qui discuter pendant les vacances. Je voulais en profiter un peu. C'était peut-être un peu égoïste de ma part. Mais pour une fois que j'étais à l'aise et que je ressentais autre chose que de la peur ou l'envie de disparaitre de la vue de tous, je voulais garder un peu plus ce sourire sur mon visage. Et garder en tête cette image de lui qui semblait prendre plaisir à discuter avec moi.

"Tu vas faire quoi l'année prochaine ? Tu rentres à l'université si je ne me trompe pas ? C'est dommage, je pourrais moins te voir..."

Une minute... Je l'avais dit à haute voix cette dernière phrase ? Mais qu'est-ce qui m'avait pris ? Je tentais de contrôler la couleur de mes joues en soutenant son regard. En même temps, je le pensais. J'étais déçue d'avoir enfin trouvé quelqu'un avec qui j'aimais discuter et passer du temps et que cette personne change d'école dans à peine un mois. Bon, l'université n'était pas si loin. Mais quelle excuse j'avais d'y aller ? Juste le voir, ce serait... pas une bonne excuse. Mais une raison suffisante de me déplacer.

Je me demandais si lui aussi vivait ce genre de moment. Celui où, même si la conversation se passait bien, d'un coup, ça dérivait sur le mauvais sujet par inadvertance et l'atmosphère changeait. Mais vu son uniforme, on n'était pas dans le même cursus, et je ne savais pas trop comment ça se passait pour eux. Je ne lui en voulais pas, il ne pouvait pas savoir que le sujet de la danse pouvait être un sujet sensible. Et en même temps, c'était aussi ce domaine qui me permettait d'avancer un peu et de travailler mes angoisses. Mon ancien club était composé des mêmes élèves qui se moquaient de moi à l'école. Alors forcément, j'avais associé les deux. Je n'avais aucun problème avec la danse, juste avec le regard des autres. Mais je n'allais pas parler de ça avec lui. C'était à peine la deuxième fois que l'on discutait alors je préférais parler d'autre chose pour le moment. Et ça, il l'avait bien compris, et surtout, il le respectait. La curiosité pouvait parfois pousser les gens à poser les mauvaises questions et c'était aussi ce genre de choses qui me faisait peur. Je parlerai de tout ça quand je serai prête, et pas avec tout le monde.

La boulette. Pourquoi j'avais dit ça à voix haute ? Pourquoi je l'avais seulement pensé ? Il avait raison. C'était même seulement la deuxième fois qu'on se voyait. Enfin, que l'on discutait. Parce qu'en réalité, depuis le bal, je le voyais assez souvent et je prenais parfois des photos. Il était devenu un de mes modèles récurrents, à son insu, évidemment. Mais je n'étais pas le genre de fille cringe qui gardait les photos et faisait je ne sais quoi avec. Je n'étais pas non plus la photographe mystère qui déposait des photos un peu partout dans l'école pour ridiculiser les personnes dessus. Non, je gardais juste les photos dans un album que j'avais commencé en arrivant à Indarë. C'était un peu comme écrire une histoire, je me créais des souvenirs et ça marchait aussi pour ma thérapie puisque je pratiquais ma passion sans aucun regard des autres sur ce que je faisais. Parfois, je prenais des photos et je m'entrainais dessus pour jouer avec les ombres, la luminosité. Mais ce n'était jamais pour nuire à quelqu'un. Et Jesse faisait partie de ces personnes très photogéniques que je prenais plaisir à prendre comme modèle. Et s'il était au courant, les photos ne seraient peut-être pas aussi naturelles.

"Non, c'est vrai, je te l'accorde. Mais j'aime bien discuter avec toi. C'est plaisant, et je ne me sens pas jugée. Je peux juste... être moi. Et puis, c'était agréable de partager cette danse au bal, ça m'a redonné un peu confiance en moi. "

Pour une fois, j'avais dit ça sans bafouiller et sans rougir. Je pensais chacune de mes paroles. Et je me sentais... un peu plus légère de l'avoir dit, en fin de compte. Alors certes, c'était admettre que je voulais continuer à le voir et à lui parler. Mais... est-ce qu'il y avait vraiment quelque chose de mal à ça ? Je veux dire, pour une fois que je trouvais quelqu'un avec qui discuter sans stresser, qui partageait même une passion avec moi et qui semblait réellement intéressé par ce que je disais sans me juger, je ne voulais pas perdre ça. Alors je le lançais sur un nouveau sujet, celui de la rentrée prochaine.

"Je vais continuer la danse. Il y a un programme consacré à l'université, et avoir les cours de chorégraphie qui vont avec, ça élargira mon champ de possibilités."

Je vis son sourire désolé. Mais je répondis par un sourire joyeux. Ce n'était pas le sujet de la danse qui me mettait mal à l'aise, mais certaines choses qui s'y rapportaient et me concernaient. Je ne voulais pas l'empêcher d'en parler, il semblait vraiment beaucoup y tenir. Peut-être qu'il serait celui qui m'aiderait à renouer avec, qui sait ?

"Oh, c'est génial ça ! Tu vas pouvoir allier tes études et ta passion, c'est parfait comme plan. Tu crois que les représentations seront ouvertes au public ? J'aimerai beaucoup venir te voir danser... Et, tu sais, tu n'as pas à te sentir désolé de parler de danse. Au contraire. C'est ta passion et je serais ravie de t'écouter en parler. Il faut juste que tu saches qu'il y a certaines choses que je n'arriverai pas à aborder. Pas pour le moment. Mais globalement, c'est juste la perspective de m'inscrire dans un club avec... d'autres personnes qui me pose problème... En parler, ça me ferait beaucoup plaisir, surtout avec une personne aussi passionnée que toi."

Oh la, qu'est-ce qui m'arrivait ? C'est moi qui avait parlé aussi longtemps ? Bon, j'avais un peu buté sur les mots. Mais je m'améliorai. C'était lui qui me faisait cet effet ? Je ne savais pas l'expliquer, mais plus je lui parlais, plus je me sentais en confiance. Et ça faisait bien longtemps que ça ne m'était pas arrivé.