Ça faisait depuis qu'il était arrivé dans cette chambre que sa coloc lui faisait de l'oeil. Il avait eu sa résidence un peu après la date normale, en novembre au lieu de la rentrée de septembre, mais il était déterminé à réussir à attirer sa coloc dans son lit avant qu'elle quitte l'université. Problème : les examens étaient dans dix jours et il n'avait toujours rien réussi à en tirer.

C'était même pire que ça, vu que son projet de la surprendre à son anniversaire était complètement tombé à l'eau. Elle avait disparu tout le weekend et il avait dû revoir ses plans. Mais elle serait à lui d'une manière ou d'une autre.
Elle ne pourrait pas dire non à un weekend de révisions à deux, n'est-ce pas ?

Il avait tout prévu. Repoussé un peu les magazines sous son lit pour qu'elle ne les voie pas, repassé et bien remis ses drapes avant d'organiser les coussins pour créer un "canapé" confortable où s'asseoir, ramené une boisson chaude qu'il savait qu'elle aimait et placé quelques bougies sur la table au pied de son lit. Oui, c'était interdit, mais c'était pour l'ambiance, et puis ils allaient réviser, ça n'avait aucune raison de prendre feu. Il attendit donc, tranquillement installé, qu'elle rentre, et l'accueilli près de la porte.

- Salut ma belle. Tu révises pour tes examens ? Tu veux qu'on travaille ensemble ?

Ils avaient au moins un cours en commun, après tout, et même sans ça, réviser côte à côte pouvait amener toutes sortes de rapprochements sans qu'ils aient forcément besoin d'être en train de bosser sur le même sujet. L'essentiel, c'était qu'elle s'installe sur le lit à côté de lui. C'était pour ça qu'il s'était aussi arrangé pour que les bureaux soient malencontreusement envahis de bouquins et de feuilles. Comme ça, le lit était sa seule option si elle voulait réviser vite, à moins de s'asseoir par terre.

Ah, elle était quand même vraiment sexy. Super bien foutue, super jolie, tout ce qu'il fallait pour lui plaire. Maintenant, il fallait juste qu'il trouve le moyen et le moment parfait pour l'attirer dans son lit une bonne fois pour toutes. Au moins réussir à l'embrasser, poser ses pions pour la suite. Il avait préparé un plan qui, normalement, serait efficace. Aucun autre endroit pour réviser que son lit, c'était la meilleure manière de tenter - et réussir - un rapprochement.

- Parfait.

Il allait lui proposer de s'asseoir, mais elle le devança en observant les bureaux et en faisant une remarque sur leur état. Oui, d'accord, c'était louche, heureusement qu'elle ne chercha pas plus loin et n'essaya pas trop de comprendre comment tout ce bazar était arrivé là. Il se contenta de sourire.

- Avec les révisions, on a un peu la tête ailleurs. Le mien aussi est dans un sale état.

Inutile qu'elle comprenne que c'était lui qui avait arrangé ça. En regardant, elle finirait par se rendre compte que le seul moyen de s'asseoir était de venir sur son lit et tout se déroulerait comme prévu. Ou presque. Elle avait préféré s'installer sur son lit à elle. Il serra les dents mais retrouva vite son expression calme et avenante. Pas grave, ce n'était qu'un contretemps mineur, elle restait assise sur un lit, donc tout pouvait prendre le tour qu'il avait prévu tout de même. Il récupéra ses livres et vint s'asseoir près d'elle. Très près.

- J'en ai pas mal, ouais. T'as l'air plutôt avancée, toi. C'est quand ton premier exam ?

Il regarda par-dessus son épaule pour essayer de jeter un oeil à ce sur quoi elle travaillait. Ils n'avaient pas de cours en commun, pour être tout à fait honnête, mais ce n'était pas le plus important pour réviser à deux. Il se pencha vers son lit pour attraper un paquet de bonbon.

- Tu en veux ?

Son plan avait eu quelques ratés mais dans l'ensemble, les choses se passaient plutôt bien. Il avait réussi à s'asseoir à côté d'elle sur le lit – pas le bon, mais tant pis – et à s'approcher assez pour pouvoir tenter un semblant de contact physique. Elle ne réagit pas vraiment quand il s'installa tout près d'elle, donc ça ne la dérangeait pas. Logique, non ? En même temps, qui ça aurait bien pu déranger d'être aussi proche de lui ? D'autres auraient tué pour être à sa place.

- Le 23 aussi. Et c'est vrai, tu révises trop. Mais au moins tu es sûre de réussir, c'est bien aussi.

Si seulement il pouvait la convaincre de faire une petite pause pour simplement profiter du calme. Avait-elle besoin de travailler autant, alors qu'elle avait de l'avance ? Enfin, peu importe. Tant qu'elle révisait, elle restait là, avec lui. Il se pencha un peu au-dessus de son épaule pour regarder – mais surtout pour pouvoir sentir son parfum – puis se détourna avant que ça devienne bizarre pour attraper des bonbons et les lui proposer. Elle choisit une sucette, ce que son esprit tordu interpréta comme un message. Pourtant, elle ne tenta pas de se rapprocher. C'était sans doute pour avoir l'air subtile.

- Je n'ai pas de petite amie.

C'était une façon discrète de lui demander s'il était déjà pris ? Si elle pouvait tenter sa chance ? Peut-être, peut-être pas, dans tous les cas il choisit de le prendre comme tel. Une ouverture.

- En fait, je voulais te demander quelque chose.

Elle avait dit qu'il agissait différemment de d'habitude, et elle n'avait pas tort. Il ne pouvait pas continuer de tenter des messages subliminaux, il fallait être plus direct. Il approcha sa main de sa cuisse, sans la poser dessus mais suffisamment près pour la toucher. Ça, ça lui demandait déjà beaucoup de self-control.

- Tu as quelque chose de prévu ce weekend ? Tu veux qu'on bosse ensemble pour être vraiment prêts pour les examens ?

Si elle disait oui, il pourrait l'avoir pour lui seul tout le weekend. C'était largement suffisant pour la séduire.

Si seulement il pouvait la convaincre de s'arrêter de travailler pour se concentrer sur autre chose. Sur lui, par exemple. Depuis tout à l'heure, elle lui envoyait des indices et des signaux, mais elle restait la tête baisée dans ses livres, comme si elle jouait les inaccessibles. Comment était-il censé faire marcher son charme légendaire si elle ne relevait pas la tête quelques secondes de temps en temps pour la regarder.

- Bien sûr, c'est important de faire des pauses. Se détendre, passer du bon temps, tout ça.

À la regarder avec sa sucette dans la bouche comme ça, il se demandait quand même pourquoi elle soufflait autant le chaud et le froid au lieu de juste être honnête avec elle-même. Se comporter comme une allumeuse était une bonne technique à court terme mais à un moment, il fallait aussi commencer à faire un peu plus que des œillades et des sous-entendus. Elle s'assurait même de savoir s'il était en couple, donc bon, c'est qu'elle avait parfaitement compris ce qu'il voulait et qu'elle tâtait aussi le terrain.
Très honnêtement, même s'il avait été en couple, sa réponse aurait été la même. Pourquoi ruiner ses chances ?

Ah, voilà, elle le regardait enfin. Avec ses yeux plein d'intensité. Donc elle n'avait rien de prévu ce weekend, parfait, il pouvait s'arranger pour le passer avec elle. L'excuse des révisions ne marcherait pas éternellement mais franchement, si ce soir continuait sur cette lancée, il n'aurait pas besoin d'utiliser cet argument peu crédible pour qu'elle reste, elle comprendrait très bien pourquoi.

- Oh pas spécialement, c'est juste que je préfère faire ça à deux que tout seul, c'est moins intéressant.

Il n'avait pas précisé à quoi le "ça" fait référence, pour une très bonne raison : il ne parlait pas uniquement de révisions. Enfin bon, ça, elle le savait. D'ailleurs elle ne tarda pas à le prouver, vu qu'elle proposa – enfin – de faire autre chose que réviser ce soir. Eh bah voilà, il y avait du progrès.  Et il savait parfaitement quel type de pause il avait envie de faire ; Il ne se fit pas prier pour poser son livre à côté de lui. Il n'avait pas besoin de réviser, de toute façon. Et vu comment elle bossait, elle non plus.

- Tu as raison, faisons une pause.

Il sourit. Il ne pouvait pas juste se pencher vers elle pour l'embrasser, quand bien même il en mourrait d'envie. Il fallait entretenir un peu le jeu qu'elle avait installé, sinon elle le trouverait juste naze, ou trop pressé, bref, pas assez intéressant pour remettre ça ce weekend. Il connaissait les filles comme elle, la partie drague les intéressait autant que le reste, il ne pouvait pas juste passer à l'étape suivante sans la laisser jouer un peu. Il désigna donc sa sucette d'un petit signe de la main.

- Elle est à quoi ? Je peux goûter ?

C'était basique comme méthode, le bon vieux coup du baiser indirect, mais c'était infaillible pour faire frétiller les séductrices. Une preuve d'intérêt plus subtile, juste de quoi leur faire comprendre que oui, le message était passé.

Il n'avait pas besoin de plus de preuves. Vu la façon dont elle lui avait tendu sa sucette sans la moindre hésitation, ses intentions étaient très claires. D'autant plus qu'elle la reprit dans le plus grand des calme après lui avoir fait goûter. Elle jouait. Il n'avait rien contre, et il savait très bien le aire aussi ; donc si elle voulait faire durer les étapes, il ne s'en priverait pas. Jusqu'à un certain point, bien sûr. À un moment, le jeu devrait quand même s'arrêter.

- On peut regarder un film, ça sera le plus simple.

Et c'était l'excuse parfaite pour pouvoir la prendre dans ses bras discrètement. Après tout, c'était tout à fait normal de se rapprocher quand on regardait quelque chose, non ? Il suffisait de choisir un film qui ne risquait pas de tuer la petite ambiance qui s'était installée et qu'elle accentuait en faisant tourner la sucette dans sa bouche pour l'aguicher.

- Si si, t'inquiète. Je les garde pour le film.

Ce qui était totalement incohérent avec le fait qu'il venait à peine de décider de regarder un film, mais peu importe. Il lui avait proposé surtout comme manière de tâter le terrain et de se rapprocher un peu.

• • •

Au final, il ne se passa rien ce soir-là. Pas qu'il n'ait pas eu envie de tenter – bien entendu – mais il préférait jouer sur le weekend. Après une journée de cours et des révisions, elle serait fatiguée, donc nettement moins performante et intéressante. Mieux valait attendre qu'elle se soit bien reposée pour pouvoir mieux s'amuser.

Il avait donc misé sur le temps qu'ils avaient prévu de passer ensemble. Cette fois, pas de grande mise en scène ni de plan compliqué. Elle venait là pour être avec lui, aucun risque qu'elle se pose sur son bureau pour bosser toute seule. La chambre était bien mieux rangée que la veille ; mieux valait qu'elle ne soit pas distraite par un bazar quelconque s'il voulait mener ses projets à bien.

Il l'attendit en relisant un peu ses cours, histoire d'avoir au moins travaillé avant les examens. Parce que clairement, ils savaient aussi bien l'un que l'autre qu'ils ne réviseraient pas du weekend. Ou en tout cas pas tout de suite.

L'une des premières choses qu'elle fit fut d'aller prendre une douche. Rien de spécial, direz-vous, surtout qu'elle avait bien fermé la porte, mais. Mais. Elle en ressortit en ne portant qu'une serviette - et a priori des sous-vêtements - pour aller récupérer un t-shirt. Franchement, si ce n'était pas pour le chauffer...

Elle revint dans le plus grand des calmes comme si rien ne s'était passé, mais il ne se priva pas de la regarder. Il savait bien pourquoi elle avait choisi "d'oublier" son t-shirt dans la chambre, surtout que le haut en question, maintenant qu'elle le portait, ne faisait qu'accentuer l'image qu'il avait pu se faire en l'apercevant quand elle était sortie.

- Plus ou moins, oui.

Il voulait aussi rattraper ce qu'ils n'étudieraient pas aujourd'hui ou demain, quand elle se serait enfin décidée à oublier cette histoire de serviette et de t-shirt. Si elle était assez à l'aise pour se promener en presque sous-vêtements devant lui, pourquoi s'embêter à porter d'autres trucs par-dessus ? Il soupira discrètement. Elle s'était installée sur son propre lit. Comme ça, il avait une vision parfaite sur ses jambes, d'accord, mais il espérait qu'elle ne jouerait pas les inaccessibles tout le weekend ou ça allait devenir lassant. Au bout d'un moment, il serait obligé de prendre les devants. Jouer, d'accord, mais ça avait ses limites.

- Je vois pas pourquoi on aurait pas le droit. Faudra juste descendre chercher ça à la porte.

Comme dans une résidence normale, finalement. Et puis comme ça, ils pourraient rester dans la chambre en privé au lieu d'être entourés de monde et de casser l'ambiance. Elle calculait vraiment bien son coup pour avoir l'air subtile. Elle maitrisait vraiment ça à la perfection.

- Tu dessines quoi ? Je peux voir ?

Autrement dit : est-ce que je peux te rejoindre sur ton lit ? Si elle l'invitait, ça voudrait dire qu'au moins une étape était passée. Inutile de se presser, ils avaient tout le weekend, mais autant commencer dès maintenant à poser ses pions.