De temps en temps, il aurait bien aimé avoir une journée normale. Bon, c'était beaucoup demander vu qu'il passait son temps à se battre – quoiqu'à ce stade, c'était un peu sa définition de la normalité, finalement – mais une journée sans catastrophe, disons. Visiblement, ce n'était pas pour aujourd'hui.

Son lien avec Apollon avait eu un effet secondaire qu'ils n'avaient pas vraiment prévu, mais qui se résumait finalement très bien en une phrase : ils étaient capables de "s'invoquer". Enfin, c'était plus ou moins la seule explication qu'il avait trouvé au fait que parfois, il pouvait sentir qu'Apollon l'appelait, ou avait envie qu'il soit à ses côtés, et que ça suffise à l'y transporter. Et c'est exactement ce qui venait de se passer.
Il venait d'apparaître dans un endroit qu'il n'avait absolument jamais vu, avec Apollon dans une tenue qu'il n'avait jamais vue non plus, et une fille qu'il... bref, vous avez compris l'idée.



Trop de questions. Qui était cette fille, pourquoi il portait cette tenue – qui lui allait beaucoup trop bien, soit dit en passant – pourquoi est-ce qu'il y avait des chats bizarres avec eux, d'où sortaient les serpents géants avec une tête débile...



Ça irait plus vite comme ça. Avant qu'Apollon ait pu dire quoi que ce soit, cependant, une petite bestiole rouge et noir – chat ? renard ? va pour chat – apparut près de lui.




Comme s'il avait prononcé une formule magique, ce qui était absolument le cas, il fut soudain à la fois auréolé de lumière et plongé dans l'obscurité. Une expérience inconcevable, mais pas autant que la tenue qui venait subitement de remplacer la sienne. Il ouvrir la bouche pour essayer de formuler une question, mais ça faisait trop d'un coup. Tout ce qu'il aurait pu réussir à dire était "????".
Mais sérieusement, est-ce que quelqu'un pouvait lui expliquer ce bordel ?

Tout ça n'avait absolument aucun sens. Voilà, autant s'arrêter là-dessus. Est-ce qu'il l'avait sérieusement invoqué ? Comment est-ce qu'il s'était retrouvé avec une tenue pareille ? C'était qui cette fille ? Elle venait vraiment de se comparer à lui, là ?!



Non mais sérieusement. Les Moires avaient raison, en fait : les mortels n'avaient plus le moindre respect pour eux. Pas étonnant que leur monde parte en vrille.



Non, il ne lui adresserait pas la parole. C'était déjà un miracle que son premier réflexe n'ait pas été de la frapper, et c'était parce que le reste de toute cette histoire détournait son attention.



Celles de sa patience étaient très basses, par exemple. Il soupira.




Ce qui ne voulait absolument rien dire. Super.




Bon, la petite bestiole était trop enthousiaste et carrément chiante, mais au moins elle avait le sens des priorités, c'était toujours ça de pris. Donc le but c'était juste de tabasser des vers géants avec Apollon sans briser le microbe en deux ? Ça pouvait se faire.

Ça lui faisait un peu penser à celle qu'il l'avait forcée à porter au carnaval de printemps, il y a très longtemps. Mais avant qu'il puisse ajouter quoi que ce soit, le microbe-qui-se-prenait-pour-un-dieu se permit un commentaire. La décence ? Il lui jeta un regard en biais. D'habitude, il n'était pas méprisant avec les mortels - à part quelques exceptions - mais ceux d'Olympus avaient un peu plus de cervelle.



Puis il écouta leur petite conversation et haussa un sourcil. Une seconde... Elle l'avait appelé par un autre nom, et elle le prenait pour... son frère ? Donc un être humain. Arès se mordit la lèvre pour ne pas rire, mais le chat qui vint se poser sur la tête d'Apollon ne l'aida pas beaucoup. Il ricana.



Imaginer un dieu avec un tel ego confondu avec une simple humain... Ouais, non, le connaissant, ça expliquait vraiment pourquoi il avait détesté se retrouver avec elle au point d'invoquer Arès par accident. Surtout qu'elle avait l'air bornée, vu qu'il semblait lui avoir expliqué plusieurs fois que ce n'était pas le cas. Pour éviter d'avoir un Apollon grognon sur les bras, quand même, Arès l'embrassa rapidement sur la joue.



Au moins, à défaut d'avoir un semblant de logique et de ne pas comprendre la différence entre un dieu et un mortel, elle avait un esprit combattif. Le même genre de logique que lui, en fait, mais il trouvait dérangeant de l'envisager sous cet angle.

Bon, si Eclipse avait dit vrai, il avait des pouvoirs pour amplifier ses attaques, et son arme n'avait pas l'air d'avoir disparu avec la transformation. Il la fit donc prendre la forme d'une épée - ornée d'espèces de symboles brillant de flammes, donc la magie devait avoir agi dessus quand même. Enfin, tant que ça fonctionnait pareil... Il s'avança, épée en main, vers le premier ver géant.

Il l'avait vu venir à dix kilomètres, qu'Apollon allait bouder. Heureusement, depuis le temps, il avait appris très facilement à désamorcer sa mauvaise humeur. L'avantage d'un dieu aussi porté sur l'affectif, c'est qu'il était assez facile de lui faire plaisir. Un bisou, et il oubliait qu'il était fâché, même si ça se sentait encore un peu dans son choix de mots.
Arès, de son côté, n'était pas encore totalement habitué à ses déclarations d'affection beaucoup trop spontanées. Ils étaient censés affrontés des bestioles, ce n'était pas le moment d'être touché par ses paroles.



La petite mortelle semblait en plein débat avec sa propre mascotte. Bon, d'accord, elle était un peu bête de confondre Apollon avec un simple humain, et de croire qu'elle était capable d'invoquer quelqu'un comme il l'avait fait, mais au moins elle avait un semblant d'ordre de priorité. Ou peut-être que c'était juste parce qu'il était similaire au sien qu'Arès le trouvait positif. Taper d'abord, s'occuper du reste ensuite, c'était quand même très souvent son mode opératoire.

Épée explosive d'un côté et cartes tranchantes de l'autre. Arès, quant à lui, vit des flammes commencer à danser autour de son épée dès que l'attaque d'Apollon passa à côté. Ça, c'était une bonne nouvelle. Une part de lui avait toujours été un peu jalouse de la combinaison "flèches de lumière" qu'il pouvait créer avec Artémis. Il sourit.



Plus vite ils en auraient fini ici, plus vite ils pourraient rentrer. Et Apollon était quand même très... hm, très agréable à regarder, quand il se battait sérieusement. Le reste du temps aussi, d'accord, mais voilà. Bref. Taper d'abord et s'occuper du reste ensuite, on a dit.

La blondinette avait raison : il n'y avait pas franchement de défi. L'épée d'Arès élimina une dizaine des vers hideux en quelques secondes, entre ses attaques renforcées et les flammes qui causaient des dégâts collatéraux. Il avait l'impression de manier une arme géante tout en tenant une épée "normale" – selon ses standards, en tout cas. C'était quand même vachement cool. Il n'y avait pas moyen de ramener ces pouvoirs avec eux ?

C'était dommage que ce soit si facile. Quitte à être invoqué pour se battre, il aurait au moins aimé avoir plus de difficulté, histoire que ça vaille le voyage. Là, n'importe lequel d'entre eux aurait pu battre ces machins tout seul. Apollon ne tarda d'ailleurs pas à le prouver en participant à son tour. Jaloux qu'Arès se batte aux côtés de quelqu'un d'autre, ou pressé de rentrer ? Quelle que soit la raison, il était encore plus sexy avec son air sérieux.

Un ver sembla vouloir profiter de ce petite instant d'égarement pour attaquer Arès ; il finit découpé avant d'avoir le temps d'approcher à moins d'un mètre. Le dieu leva les yeux au ciel.



En tout cas, il ne semblait plus y avoir d'ennemis à combattre. Dommage – et à la fois, pas dommage du tout. Ça voulait dire qu'ils pouvaient rentrer à Olympus. S'il voulait encore se battre il aurait de quoi faire là-bas.
Ce n'était pas sa priorité du moment, mais il pourrait.

Le combat était fini. La petite blonde grognait encore, ce qui semblait être son mode par défaut. Arès se renfrogna un peu en voyant le chaton blanc câliner Apollon. Oui, bon, c'était un machin flottant, mais voilà.



Arès arqua un sourcil. Alors, vu la tenue, il était prêt à parier qu'Apollon serait ravi de revoir, mais lui... il s'en fichait. Il haussa les épaules, ce que le chaton bicolore sembla prendre pour un oui car il se mit à sautiller dans les airs. Mieux valait rentrer avant qu'il décide de les coller.

Comme s'il avait pensé une formule magique, le décor autour d'eux redevint celui d'Olympus. Et ils étaient toujours ensemble au lieu de revenir à l'endroit où ils étaient partis. Tant mieux. Il accorda à Apollon une seconde pour respirer avant d'attraper son visage dans ses mains pour plaquer ses lèvres sur les siennes. Il mourrait d'envie de l'embrasser depuis le début de ce combat, quand même !



Un murmure essoufflé contre ses lèvres, puis il l'embrassa à nouveau, glissa ses mains contre son torse pour le pousser vers un arbre proche. Il n'y avait personne. Et pour l'instant, il ne voulait pas le lâcher. Ils trouveraient un autre endroit plus tard.