- Qui est Thalivor:
Thalivor est une jeune femme, ayant à la fois des traits d’Alf de son père et des traits de Tarima de son père, une combinaison de Branches qui la prédestine à de grandes prouesses magiques. Placée par son père au sein de l’armée de Rhadamanthe, elle grimpe rapidement les échelons, profitant de l’accès aux connaissances magiques militaires pour parfaire son savoir. Ses yeux aveugles de naissance pétillent et semblent sourire en permanence, cachant le fait qu’elle se plonge si profondément dans l’apprentissage de la magie pour éviter d’avoir à faire ses propres choix de vie.
Du bout du pouce et de l’index, le lacet fut bouclé, puis les doigts de Thalivor en attrapèrent la fin pour le défaire et recommencer l’opération. Le lacet était parfait, elle n’avait pas besoin de le voir pour le savoir, mais cela ne l’empêchait pas de boucler dessus depuis quelques minutes. Faire des nœuds sur les lacets pour éviter de se faire des nœuds au cerveau, dénouer les lacets du corset pour visualiser et mieux comprendre comment dénouer ceux de la magie qui lui était tombée dessus.
Dans la matinée Le temps dehors n’était pas des pires sur Rhadamanthe, un doux mélange d’éclairs dans les cieux lointains et d’une brume piquant les mollets au sol. Un temps à aller s’enfermer dans les bibliothèques privées et accéder aux ouvrages magiques les plus interdits. Thalivor s’y était jeté très tôt après le réveil. Elle évitait ainsi de se perdre dans des élucubrations matinales sur ses choix de vie. Elle apprenait pour éviter, pour différer le moment où elle devrait s'engager sur une route incertaine.
Ses mains passaient sur les grimoires, laissant la magie couler sur les nœuds que formait l’encre pour déchiffrer chaque mot l’un après l’autre. C’est dans l’un de ces moments, perdue dans le fil d’un ouvrage sur la magie des corps célestes que le tonnerre gronda. Pas celui des éclairs au loin, celui d’un trémor dans la pièce assez fort pour envoyer les jambes de la magicienne par-dessus sa tête. Au passage dans ce tremblement, une caresse du destin, un sursaut magique vint la traverser, elle sentit les frontières de son corps s’effacer un instant.
Alors qu’elle rouvrait ses yeux aveugles, un frisson électrique parcourut sa chair. Elle sentit d’abord la différence sur sa peau et projeta sa magie : Elle était ailleurs, ses sens artificiels lui indiquant une bibliothèque, simplement … une autre ? L’air était plus sec aussi. Et une odeur de thé planait dans l’endroit. Se mordant la lèvre en réfléchissant, elle attrapait du bout des dents une sorte de chenille qu’elle tenta de cracher, prise de dégoût. Bien tenté, mais raté. La chenille était bien collée à son philtrum, impossible à déloger. Une moustache ? A l’aide.
- Non non non… marmonna-t-elle alors qu’elle palpait son corps. Plus de poitrine, comme une couche de poils un peu partout, et … en bas…
Des choix pour elle-même dans sa vie, elle n’en avait pas fait beaucoup, et ça lui allait très bien jusqu’ici. Il y’en avait une poignée évidemment, dont un spécifiquement, essentiel à sa survie, qui l’avait malmenée pendant des années. Thalivor était homo. Enfin pas dans l’instant, parce qu’un homme qui aime une femme, il est hétéro normalement. A quoi bon faire des choix pour soi si à la moindre emmerde magique, ils sont remis en cause ? Et sa tenue avec corset la serrait, il fallait qu’elle défasse ce fichu lacet.
Revenons à nos lacetsNouer et dénouer les lacets, dénouer et nouer la magie. Thalivor sentait sur elle le poids de l’enchantement qui lui avait fait gagner une paire de centimètres et du poil aux joues. S’occuper les mains. Ne pas réfléchir à l’inutile. Pense dans le bon sens. Ce nœud de magie est là et celui-ci va ici ? Si je tire là, je peux le défaire ? Et ici si je tire trop fort, ce sera impossible à dénouer … Ou l’inverse ? Thalivor arrêta de jouer avec le lien de son corset, hésitante face à la situation.
“Je peux avoir des enfants avec elle ?” Enfin “elle”, quelqu’un avec qui Thalivor partagerait sa vie, pas forcément quelqu’un en particulier. Thalivor n’avait personne dans sa vie avec qui avoir déjà ce genre de discussions. A peine une femme du camp militaire, une noble, hantant son esprit au réveil et au coucher, qui lui faisait des noeuds au cerveau et penser à l’envers. Mais elles se connaissaient à peine. Avoir des enfants avec elle, ça ne se posait même pas comme idée. Le songe d'une descendance, d'une postérité à étreindre contre son cœur, se dessinait pourtant devant elle.
Le choix était devant elle, il suffisait de tirer sur un fil pour fixer cette magie, sur un autre pour la défaire. La question l’avait évidemment intrigué par le passé, rien qu’un instant. Et là, elle vacillait, hésitante entre les multiples reflets d’elle-même. Homme ? Femme ?
Si elle voulait retrouver le fil de ses pensées, elle devait s’occuper l’esprit. Ses mains commencèrent à s’affairer sur le cordon de son corset et *tac*. Plus moyen de nouer un cordon cassé.
Même si l’occasion fait le larron, est-ce qu’elle pourrait affronter ça. Si elle pouvait éventuellement avoir un enfant avec son aimée, est-ce qu’elle deviendrait à la fois sa mère et son père ? Pourrait-elle embrasser paradoxe d’identité et enfant sans avoir peur que ce dernier ne lui rappelle le premier. Avoir du ressentiment pour un enfant qui n’était même pas encore né avec une aimée qui n’était même pas encore là: voilà pourquoi penser à ses propres choix était dangereux.
Et son identité à elle alors ? Ca c’était étonnamment facile, elle était une femme et elle le savait. Il fallait commencer par penser à ce qui est facile à résoudre. Devenir un homme aurait sûrement d’autres conséquences imprévues, mais peut-être serait-elle
meilleur homme que femme, parce que, franchement, être femme, de base, c'est quand même pas bien facile, enfin faut être doué pour ça quoi.- Ah bon ? Elle n’était plus seule. Alors qu’une douce voix interrompait ses pensées muées en murmures, le trémor retourna
de novo le monde. Le monde se retournait de nouveau. Thalivor, assénée de ce simple “Ah bon ?” si candide retrouva ses esprits. Beaucoup de réflexions pour une réponse pourtant très simple, parfois l’interrogation la plus facile mène à la meilleure solution. Alors qu’elle basculait, elle attrapa mentalement l’un des fils, tirant sur l’enchantement.
Et à l’aiguille du lacet, après quelques années
- Ithreb tu gardes la maison en m’attendant, ça va aller ?
- Maman, j’ai pas trois ans, oui ça va allerLa désormais générale rhadamantienne avait fait ses choix. Ithreb n’était pas de sa chair, mais il partageait son coeur et il l’avait choisie autant qu’elle l’avait choisi, nouant des liens qui ne casseraient pas aussi facilement que les lacets d’un corset. La véritable magie résidait dans la compréhension de soi, dans l'acceptation inconditionnelle de ce que l'on est. Et dans le fait de faire pleuvoir des météores. Ses deux spécialités désormais !
Il reste quelques petits choix de vie à régler maintenant :
Son crush du camp militaire n’est toujours pas au courant …
Thalivor s’apprête à commettre un crime de haute trahison pour son fils …
Il faut qu’elle achète des chaussures à scratchs.