Epreuve 5

Une petite brise, un silence apaisant, le clapotis de l’eau du lac juste à côté de moi, un environnement parfait pour de la lecture. Comme à mon habitude, je me suis isolée de l’académie, n’ayant aucune obligation de cours pour le reste de la journée. J’étais passée rapidement au réfectoire pour y manger un bout mais j’avais préféré partir en voyant le monde. Si je pouvais éviter de me retrouver au beau milieu d’une énième baston de bouffe, ça m’arrangerait…

Donc j’avais récupéré un livre dans ma chambre avant d’aller m’installer près du lac de la forêt d’automne. A l’ombre d’un arbre, je bouquine silencieusement dans le silence paisible de la nature, parfois entrecoupé par des cris d’animaux. J’aime tant écouter les bruits de la nature ou même l’observer. Ca me repose l’esprit de passer des après-midi entières au calme.

Et en même temps, je crois que c’est ce qu’il y a de mieux pour ma santé, mentale et physique. Mentale parce que si je m’écoutais, je les regarderais tous en leur demandant de se taire et de me foutre la paix. Pas bon pour mon cerveau d’utiliser autant mon pouvoir. Et puis bon, l’utiliser ainsi ce n’est pas… moral. Si je me force à ne pas utiliser ce pouvoir de manipulation de l’esprit, ce n’est pas pour rien. Et physique… Et bien je dirais qu’il suffit de me regarder pour comprendre. Je suis aussi fragile qu’une fleur. Et étrangement, je me retrouve un peu trop à mon goût au milieu des conflits et des combats en ce moment. J’en ai marre de disparaitre et d’être blessée. C’est lassant à la longue. Et puis, le pauvre Achille qui doit passer son temps à se faire un sang d’encre pour moi.

J’ai donc espoir d’être un peu tranquille ici, à bouquiner sans embêter personne. Mais bon, avec la chance que j’ai, il va encore m’arriver des bricoles… Je devrais peut-être trouver un autre moyen que mon pouvoir pour me défendre ? Je verrais ça plus tard, je ne sais pas si je me vois manipuler une arme. Je serais encore capable de me blesser toute seule…

*Cui Cui*

Hein ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Je me suis endormie sur ma lecture ? Je veux me frotter les yeux mais mes bras me semblent si lourds à lever… Je suis si engourdie que ça ? J’ai dû dormir dans une position désagréable pour le corps… J’essaie de m’étirer, lâchant un bâillement beaucoup trop bruyant. Eh ! C’était quoi cette voix ?! Va vraiment falloir que je me réveille…

Le lac ! Je vais me passer de l’eau sur le visage, ça me réveillera à coup sûr. Je me traine difficilement jusqu’au lac, prête à mettre mes mains dedans pour y récupérer de l’eau fraiche à me passer sur le visage. Mais lorsque je vois mon reflet, c’est un cri rauque qui m’échappe alors que je recule précipitamment et que mon dos vient rencontrer l’arbre derrière moi d’un coup. Une minute… Pourquoi je n’ai pas eu mal ? Et qu’est-ce que c’était que ce reflet d’homme ?! Il n’y a pourtant personne avec moi. Encore une blague d’Hermès ? Ce ne serait pas étonnant, le connaissant…

Il faut bien que je vérifie… Je m’approche encore plus prudemment de l’eau. Oui, c’est bien un visage d’homme que je vois là… Je passe mes mains dessus et mon reflet fait de même. Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ? J’écoute autour de moi mais n’entends que les bruits de la nature. Pas de rire moqueur… Je suis victime d’un sortilège alors ? Je m’observe sous toutes les coutures… Dis donc, c’est des sacrés muscles ça… Et cette tenue… Digne d’un Héros. Mais bon, est-ce que c’est une image ? Ou est-ce que je suis vraiment transformée en homme ? Et surtout, est-ce que ces muscles sont des vrais ?!

Je me lève difficilement. Bon sang ce que je suis engourdie. Et pourquoi le sol est si loin d’un coup ?! Je fais rouler mes muscles et les étire. Ah bordel, je ne pensais pas que ce serait si bon… Alors c’est ça de se sentir fort ? C’est très… intéressant. Désolé l’arbre, mais je veux vérifier un truc. Je balance mon poing dans le tronc, persuadée que je vais me briser les phalanges. Mais au lieu de ça, je sens l’écorce se briser, alors que je ressens à peine un petit chatouillis dans la main. Incroyable !

Je me sens tellement plus sûre de moi, tellement pleine de confiance en moi. Je n’ai pas peur qu’un monstre débarque et me fasse mal, je le briserai en deux bien avant. D’un pas assuré, je me dirige vers l’académie. Faut que je montre ça à Achille ! On pourra peut-être se faire un petit combat. Oui, je sais, faudrait aussi que je cherche un moyen de redevenir une femme. Mais je compte bien profiter un peu de ma nouvelle force avant.

Quelques étudiants sont à l’orée de la forêt, en train de se chamailler. J’en reconnais un comme étant l’un des deux qui m’a fait mal au bal de printemps. Je serre les dents. J’avais pris tellement de plaisir à le mettre à genoux ce soir-là… Alors que j’allais passer à côté sans vraiment me préoccuper de lui, j’entends son petit rire insupportable.

« Mais dis donc… Ce ne serait pas cette chère Mégara ? Qu’est-ce qui t’arrives ? T’as pris des prot… »

Je ne lui laisse même pas le temps de finir sa phrase et lui balance mon poing dans la tronche. Il s’étale par terre en gémissant de douleur. Moi, je n’ai rien senti. Un rire rauque m’échappe.

« Bah alors, on fait moins le malin maintenant ? Retourne jouer au bac à sable. »

Je me détourne, ma cape volant dans mon dos. Tous ceux qui étaient présents pour voir ça s’éloignent à mon passage. J’adore cette sensation. Pas besoin d’être sur mes gardes, je sens que je pourrais soulever des montagnes ! Bon, voyons. Où est-ce que je pourrais bien trouver mon... Hmm Achille. Certainement en train de se battre dans son sanctuaire. Bien, voyons, les Tamarisc…

Mais alors que je me dirige vers le sanctuaire des bourrins, une voix froide m’interrompt.

« Mégara. »

J’en ressens des frissons tout le long de mos dos. Je me retourne lentement et aperçois Nyx, la déesse primordiale de la Nuit et enseignante de la magie obscure juste derrière moi. Je n’ai jamais vraiment eu affaire avec elle. La magie obscure, brr non, pas mon domaine. Mais sa réputation la précède dans toute l’école. Mais alors, qu’est-ce qu’elle peut bien me vouloir ?

« Suis moi. »

Croyez moi, on ne dit pas non à Nyx. Même les autres professeurs évitent de se la mettre à dos. Alors je la suis, docilement, non sans garder la tête haute. Elle m’emmène dans son bureau et me fait assoir.

« Je vais t’arranger ça. »

M’arranger… quoi ? Elle me montre dans mon entièreté. AH ! Ça. Bon, ben je n’en aurai pas profité longtemps… Pourquoi est-ce qu’elle est venue jouer les rabats joies… Je souffle, un peu trop bruyamment vu la tête qu’elle fait ensuite.

« Un problème peut-être ? »

Encore ce glacement et ces frissons dans le dos… Ouais, non. On ne va pas se mettre la déesse à dos, c’est vraiment pas une bonne idée…

« Non… Aucun… »

Adieu mes muscles et ma confiance en moi. Je sens une douce chaleur m’envelopper alors qu’elle énonce des paroles dans une langue que je ne comprends pas. Lorsqu’elle a fini, je ressens une immense faiblesse. Je regarde mes mains, à nouveau fines. Me voilà de retour dans mon corps fragile de mortelle. Joie.

Je me lève, dépitée, sans un merci pour la déesse et souffle, résignée. Ce fut de courte durée. Mais je ne vais pas me laisser abattre. Je vais juste retourner à mon arbre. J’ai oublié mon livre là-bas, dans la confusion. Je repasse devant les mêmes idiots que tout à l’heure. Celui à qui j’ai enfoncé mon poing dans la tronche ricane à nouveau.

« Eh bah Meg…
- Toi, ta gueule. »

Je l’ai regardé droit dans les yeux, utilisant mon pouvoir au passage. Il ne va pas me faire chier longtemps celui-là. Il va savoir ce qu’elle vaut, la Maitresse des Mots…

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Codage par Libella sur Graphiorum