Un petit bémol dans la partition

Juin 2002

TOC TOC TOC !

"Oui, entrez."

J'étais penchée sur mes partitions lorsque ma mère entra dans ma chambre, suivie par Cassandra qui avait un large sourire aux lèvres. Me retenant de lever les yeux au ciel devant tant de bonheur non dissimulé, je me contentais de regarder la matriarche d'un ton neutre.

"Alexandre De Chatelet est convié dans notre demeure cet après-midi pour prendre le thé avec Cassandra. Tu es donc priée de rester dans ta chambre pour ne pas les interrompre.

- J'avais prévue de m'exercer à ma musique.

- Oh quelle bonne idée ! Mère, je pourrais jouer de la harpe pour Alexandre, qu'en dites vous ?

- Très bonne idée, allons vous préparer."

Je les regardais partir en refermant la porte derrière elle. Je soufflais bruyamment. Voilà deux ans que nous avions rencontré la famille De Chatelet. Je me souviens encore de ce repas, un véritable enfer, mise à part ma rencontre étrange avec Alexandre. Et depuis, les familles se sont mises en tête de marier ces deux là. Quel gâchis. Alors, la plupart du temps, je suis obligée de rester à l'écart, pour ne pas "gâcher" leur moment. C'est terriblement frustrant. Moi aussi j'aimerai bien échanger avec lui. Au moins, lui, il a de la conversation et des choses intéressantes à partager...

Mais bon, il parait que je suis trop maladroite, et peut-être trop méchante ? Non, je ne suis jamais trop méchante avec ma sœur. Elle essaie de me le rendre de temps en temps. Essaie. Je souris méchamment. Je ne manque jamais d'imagination pour la faire tourner en bourrique et c'est très satisfaisant. Alors si je pouvais gâcher ses rencontres avec Alexandre, je ne m'en priverai certainement pas. Mais bon, connaissant Mère, elle a posté un chien de garde devant ma porte pour ne pas que je descende. J'ouvre d'ailleurs la porte pour vérifier et oui, il y a quelqu'un qui me regarde sévèrement.

"Quoi ? Je n'ai pas le droit de garder ma porte ouverte ?"

Je lance un regard dédaigneux à l'homme devant ma porte qui ne répond rien. Je retourne m'installer à mon bureau et récupère la partition que j'étais en train de travailler. Je m'écarte ensuite du bureau, après avoir pris mon matériel. Ma partition et mon violoncelle, un silence dans la maison, tout est parfait. Je respire un grand coup avant de commencer à jouer mon morceau en faisant totalement abstraction de ce qu'il se passe autour de moi. Plus rien n'existe autour de moi à part mon violoncelle.

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Un petit bémol dans la partition

Cassandra, dans sa grande originalité, fut enchantée quand je parlais musique. Elle souhaitait sûrement impressionner Alexandre avec son "talent". Tout aussi inexistant que sa capacité à avoir une culture littéraire, même basique, d'ailleurs. Finalement, jouer du violoncelle me permettra de couvrir le massacre qu'elle fera. Alexandre par contre... Mais bon, j'avais interdiction de les déranger alors... Et même si j'aimerai bien, le chien de garde m'en empêcherait. J'arrivais quand même à garder un minimum ma porte ouverte. Au mieux, ça divertira le garde du corps. Et au moins, je ne me sentirais pas enfermée.

Me voilà donc complètement absorbée par mes mouvements, jouant avec passion de mon instrument. La musique résonnait dans mes oreilles, me gardant dans une bulle qui me permettait de m'échapper de la réalité. Je vivais mon morceau, presque les yeux fermés. Je le connaissais presque par cœur, à force de m'entrainer. Mais malheureusement, je ne pus terminer ce morceau. Quelqu'un toqua à ma porte, assez fort pour que je l'entende. Comme une aiguille qui fit éclater ma zone de solitude. J'essayais de ne pas répondre trop sèchement, mais ce n'était pas l'envie qui manquait.

"Oui ?

- Monsieur De Chatelet demande à ce que vous descendiez pour jouer avec votre sœur."

Je restais quelques instants interdite. Il m'avait entendu jouer ? Et il voulait que je joue pour lui ? Oui, mon cerveau avait écarté le fait que Cassandra serait là. Partager un morceau avec elle n'allait pas être une partie de plaisir. Mais je voulais bien faire un effort, pour Alexandre. Je tendis mon violoncelle au chien de garde qui descendit les escaliers après moi.

J'avais une vision globale quand j'arrivais au milieu des escaliers. Cassandra, assise près de sa harpe, me lançant un regard noir. Pour changer. Et Alexandre, qui s'était levé à l'instant où il m'avait vue. Il s'était alors approché de l'escalier pour m'attendre. Je lui souris sincèrement, sans accorder d'attention à ma sœur. Il saisit ma main avec douceur, comme il le faisait à chacune de nos rencontres. Puis, il baisa délicatement ma main, s'attardant sur mes doigts, comme lors de notre première rencontre.  Comme à chaque fois, j'avais l'impression que le temps se suspendait, nous laissant seuls tous les deux.

Mais le raclement de gorge de Cassandra me ramena à la réalité. Quel rabat-joie, celle là... Je m'assis sur la chaise qui avait été installée pour moi.

"Qu'étais tu en train de m... jouer ?

- Le canon de Pachelbel.

- Bien, je devrais pouvoir réussir à m'y ajouter au violoncelle."

Le mot massacrer était venu effleurer mon esprit. Et je l'aurai prononcé, si Alexandre n'avait pas été présent. Un peu de tenue en sa présence, j'en étais capable. Je démarrais en même temps qu'elle, mais bon le mot massacrer allait très bien avec sa manière de jouer. Je fronçais les sourcils, essayant de faire abstraction du bruit qu'elle faisait. Mais c'était insupportable.

"Stop ! C'est pas possible... Laisse moi te montrer comment l'on joue convenablement de cet instrument magnifique."

Quelle horreur de pouvoir être capable de tant de... médiocrité. Je m'installais à sa place et commençais à jouer, délicatement, contrairement à ce qu'elle faisait juste avant. Là comme ça, ça sonnait beaucoup mieux. Mon visage se détendit alors que je fermais les yeux. Puis, je lui laissais à nouveau la place.

"Sois plus douce avec cette merveille."

Elle serrait les dents en me regardant et je souris davantage. Oh oui, énerve toi, montre ton vrai visage. Je repris avec mon violoncelle et elle me suivit. Je ne pensais pas que ça pouvait être pire. Et pourtant... Alors que je m'apprêtais à répliquer à nouveau, un bruit sourd retentit.

"Aïe !"

Je m'arrêtais aussitôt, et vis la corde qui pendouillait. Elle avait osé. J'étais horrifiée de voir cela. Casser un instrument aussi beau... Puis, j'entendis ma sœur sangloter. Je relevais les yeux, à contrecœur, vers elle. Une perle de sang pointait timidement à son doigt. Elle pleurait pour ça ? Moi je pleurerai plutôt pour ce qu'elle avait fait à la harpe ! Je soufflais et me tournais vers le chien de garde.

"Emmenez la se soigner voyons."

Et éloigner la de moi. Sa comédie ridicule me dégoutait. Sans un regard pour elle, je m'approchais de l'instrument pour évaluer les dégâts. Je soufflais en prenant la corde en main.

"Quel gâchis... Je vais devoir réparer ça... Je suis désolée que vous ayez dû assister à ... ça."

Ca. Je n'avais pas d'autres mots pour décrire ce qu'il venait de se passer.

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Un petit bémol dans la partition

Je pris le temps de descendre les escaliers. Autant pour observer la scène qui se jouait en bas que pour éviter de me prendre les pieds dans le tapis qui les recouvrait. Alexandre m'attendait en bas pour me saluer, au grand désespoir de Cassandra qui espérait certainement passer l'après midi avec son promis. Pour une fois, je n'étais pas celle qui cherchait à tout gâcher. Il m'avait demandé et on ne refuse pas la demande d'un invité de ce rang. Le sourire qu'il esquissa ensuite n'était pas adapté à la situation mais m'en fit esquisser un également. Il n'y avait aucun adulte qui aurait pu voir cet échange de sourires discrets.

"Le plaisir est entièrement partagé, Alexandre."

Il retourna s'installer sur son siège pendant que je m'installais à côté, mais à une distance raisonnable, de ma très chère sœur. Je voulais rester dans ma bulle. Mais la distance n'a pas suffit à épargner mes oreilles devant tant de médiocrité. Si bien que je l'ai même arrêtée en plein pendant notre duo pour lui montrer comment être douce avec notre magnifique harpe. De quoi la faire grincer des dents d'ailleurs et rien n'aurait pu me faire plus plaisir que de l'observer avec sa mine sombre, se retenant de me faire une remarque devant notre invité.

L'ambiance était bien plus légère lorsque je me mis à jouer à mon tour sur la harpe. Je fus très étonnée d'entendre Alexandre relever le fait que j'étais meilleure que ma sœur. Elle n'allait clairement pas bien le prendre. Mais je m'en fichais. Je n'étais en rien responsable de ce que disait notre invité. Mais je ne manquais pas de lui répondre.

"Vous me flattez, Alexandre..."

La réponse de Cassandra ne se fit pas attendre. Elle reprit rapidement sa place à la harpe, me poussant presque de la chaise. Je levais les yeux au ciel et repris ma propre place auprès de mon violoncelle. Bien évidemment, sa colère prit les devants et elle massacra encore plus le morceau au point de casser l'une des cordes. Je fus étonnée du rire qui passa les lèvres de notre invité lorsque je lui présentais mes excuses pour ce désastre. Et je ne pus m'empêcher de le suivre.

"Du piano ? Quel choix divin ! J'adore en jouer. Une... virtuose ? Oh je n'irais pas jusque là... Mais je vous remercie pour le compliment..."

Je rougis légèrement. Je n'ai pas l'habitude que l'on remarque ma manière de jouer. Et encore moins que l'on me complimente dessus. C'était agréable. Je me concentrais ensuite sur ma tâche de changement de corde. Je n'allais pas laisser ce pauvre instrument ainsi. Surtout s'il voulait que je lui joue un morceau dessus. Au bout de quelques minutes, j'avais fini de le réparer.

"Voilà, il est comme neuf. Désirez vous que je vous en joue un morceau ? Ou peut-être d'un autre instrument ? Je sais jouer également du piano et de la flûte traversière..."

Je ne voulais pas me vanter, je ne le faisais qu'avec ma sœur, par pure vengeance. Je voulais juste lui laisser plus de possibilités quant à la suite de son après-midi.

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Un petit bémol dans la partition

Je captais le regard changeant d'Alexandre lorsque ma sœur quitta le salon. Etait-il... heureux qu'elle parte ? Je ne pouvais pas lui en vouloir. Moi-même, j'étais soulagée qu'elle ne soit plus dans la même pièce que moi. En plus, je pouvais me retrouver seule avec Alexandre. Ce qui arrivait très rarement, voire même jamais. Notre première conversation remonta dans ma tête. Ca avait été fort plaisant de converser avec lui ce jour-là. Même si ça avait été une journée très stressante et qu'elle ne s'était pas forcément bien passée. Au moins, ce moment là de la journée était très agréable. Et j'espérais que nous pourrions à nouveau discuter aujourd'hui.

Après m'être occupée de réparer le carnage de ma sœur, je me tournais à nouveau vers notre invité pour lui proposer un nouveau divertissement. Je lui avais proposé de jouer pour lui. Or, il n'était pas mon promis. Mais j'estimais que ses oreilles méritaient d'entendre une douce mélodie. Bien plus agréable que l'enfer provoqué par les essais de Cassandra. Je lui laissais le choix de l'instrument. J'aimais jouer de tout.

"Apprendre à maitriser ces instruments est un passe temps tout aussi important que la lecture dans mon quotidien. J'aime diversifier mes apprentissages. Et ces instruments sont pour moi de véritables passions que je veux explorer."

Et puis, ils étaient tous dans la maison, je ne pouvais décemment pas laisser ces objets divins prendre la poussière, ou subir les monstruosités de ma sœur. Je fus très surprise de l'entendre dire qu'il aurait préféré m'écouter dans ma chambre plutôt que d'être en bas en compagnie de ma sœur et de son... talent affreux pour le massacre de musiques magnifiques. D'ailleurs, il semblait vouloir peser ses mots quant à la prestation de Cassandra, vérifiant même que personne n'était dans le coin. Le voir regarder partout me fit sourire. Il est vrai qu'il était limité par l'étiquette et la décence, ce qui n'était pas mon cas quand je m'adressais à elle. Je lui disais clairement ce que je pensais, comme tout à l'heure lorsqu'elle massacrait Pachelbel. Je ne pus m'empêcher de pouffer de rire quand il prononça la fin de sa phrase. Son analyse était des plus justes. Je me repris bien vite, repensant à ma proposition.

"Si cet air vous a plu, je peux parfaitement vous le jouer à nouveau, ici. Ainsi, vous pourrez apprécier de plus près les notes que je jouerai sur mon violoncelle."

Je m'installais sur la chaise après avoir récupéré mon instrument. Je n'avais pas besoin de ma partition, restée en haut. Je connaissais cet air par cœur. Je fermais les yeux, respirais un coup et commençais à jouer les notes de la musique pour laquelle je m'exerçais quelques minutes plus tôt, dans ma chambre. Je pourrais très bien lui jouer d'autres airs sur cet instrument ou un autre après cela. Un invité pouvait demander ce qu'il souhaitait et je me plierai volontiers à ses demandes.

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Un petit bémol dans la partition

Les instruments sont sacrés pour moi. C’est pourquoi j’ai aussi appris à les réparer pour ne pas dépendre de quelqu’un s’ils devaient casser. J’étais prévoyante, surtout avec ma calamité de sœur dans le coin qui veut toujours faire son intéressante. Mes pauvres instruments… Elle les massacrait autant par son incapacité à en jouer correctement qu’en les détruisant dès qu’elle les touchait.

Je fus étonnée qu’il m’applaudisse. Pour moi, apprendre des instruments était un passe-temps plus qu’un exploit. Au moins, ça m’évitait de croiser certaines personnes de la maison si j’étais occupée dans ma chambre.  Personne ne venait me déranger quand j’étudiais dans ma salle de repos. Le seul endroit, en dehors de l’écurie, où je me sentais vraiment moi-même. Mais je préférais garder ça pour moi.

« C’est un plaisir d’en découvrir un peu plus chaque jour. Une autre de mes passions. »

Je lui souris. A force de nous côtoyer, il allait finir par découvrir tout ce qui me passionnait. A cause, ou peut-être grâce, à Cassandra. J’en profitais pour lui proposer de lui rejouer mon morceau au violoncelle. J’avais été interrompue. J’avais autant envie de le jouer pour lui, que pour moi.

« Vous êtes un public fort aimable. J’aime beaucoup jouer pour vous. »

Je fermais les yeux pour me concentrer et entamais le morceau. Je ne prêtais pas attention à mon invité pendant que je jouais, restant fixée sur les notes qui émanaient de mon instrument. Lorsque j’eus fini, ce furent ses applaudissements qui me firent relever la tête vers lui. Il était debout et applaudissait avec enthousiasme et un grand sourire ma prestation.

Je lui souris en retour et fis une petite courbette comme font les musiciens à la fin d’un concert. Sa remarque me fit monter le rouge aux joues.

« Ravie que cela vous ait plu. Je n’ai pas l’habitude de recevoir autant de compliments… »

En fait, je n’en reçois jamais. Personne ne fait attention à ce que je fais. Et, en même temps, cela me va parfaitement. Ce qui sortirait de la bouche de certains ne serait pas sincère et je n’ai que faire de leur avis. Je fais cela pour mon plaisir. Si ça me plait, c’est tout ce qui compte.

« Si cela vous convient, je peux passer sur un autre instrument. Je ne voudrais pas vous ennuyer… Dites moi ce que vous désirez faire. »

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Un petit bémol dans la partition

Je serrais les dents à propos de son commentaire sur ma famille. J'imagine que ce n'est pas quelque chose qu'il a l'habitude de voir dans sa famille. Mais dans la mienne en tout cas, ils n'avaient d'yeux que pour les deux aînés. Moi, j'étais considérée comme le mouton noir, la fille indisciplinée. Alors me faire des compliments, ça revenait à m'encourager. Donc c'était impossible venant de ma très chère famille. Mais j'étais habituée. Par contre, je n'avais pas l'habitude de bons traitements et que l'on relève certains de mes talents. Alors des compliments à mon égard, ça ne pouvait que me surprendre, même si ça me touchait beaucoup.

"Non... Ils considèrent que ce n'est pas... intéressant. J'apprécie votre sollicitude. Cela me va droit au cœur. Je ne me lasserai pas de jouer pour vous, vous êtes un public fort enjoué."

Il s'était approché de moi en disant tout cela. Notre proximité ne m'avait jamais dérangée. A vrai dire, depuis notre discussion dehors, après ma fuite, notre fuite même, du repas de présentation, je m'étais sentie très proche de lui. Il me comprenait et il savait apprécier mes connaissances à leur juste valeur. C'était rare. J'aimais beaucoup sa compagnie.

Toujours assise derrière mon violoncelle, je fus très surprise de la fin de sa phrase ainsi que de son geste. Ce surnom... n'aurait jamais dû m'être destinée. Sa fiancée, ça devait être... ma sœur. Je ne devais être que la belle sœur. Et pourtant, l'entendre m'appeler ainsi... Suivi de son baise main d'une douceur... Je sentis le rouge me monter aux joues alors que je ne pouvais plus décrocher mon regard de lui. Mais je n'étais pas la seule à rougir visiblement. Je souris.

"Ne vous en faites, je ne vous en tiendrai pas rigueur. J'ai juste été... surprise."

Il était temps de passer à autre chose où nous risquions de rester ainsi. Et si Cassandra revenait, cette position n'était pas appropriée. Je me levais donc pour ranger mon violoncelle et réfléchis un instant à quel instrument je pourrais m'attaquer. La flûte traversière me paraissait être une bonne idée. Je la cherchais donc dans sa boite de rangement et restais cette fois debout avant d'entamer les deux morceaux qui me venaient en tête et qui pourraient lui plaire.



Je m'arrêtais après les deux morceaux, reprenant mon souffle et regardant Alexandre pour voir sa réaction. Si cela lui avait plu, je savais déjà à quel instrument je m'attaquerai ensuite...

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Un petit bémol dans la partition

Peut-être était-il choqué de cette réaction de ma famille ? Moi pas. J'avais l'habitude, c'en était presque malheureux. Avant j'en souffrais un peu. Plus maintenant. Leur indifférence me délectait de plaisir.

"Merci beaucoup. J'aime beaucoup jouer, je ne m'en lasserai pas."

Son baise main ne me mit pas mal à l'aise et je fus surprise par le surnom qu'il m'attribua. Ca ne me déplut pas, au contraire. Par contre, je me doutais bien que ce n'était pas approprié, surtout avec ma famille, et d'autant plus ma sœur, dans les parages. Il s'excusa aussitôt de ses propos qu'il considérait déplacés. Mais je le rassurais sur le fait que je n'étais pas gênée de son geste.

"Ce n'est pas le cas, je vous assure."

J'entrepris de lui jouer deux airs à la flûte traversière. Je constatais qu'il avait l'air d'apprécier vu qu'il ferma les yeux quelques instants. Lorsque je terminais, il m'applaudit à nouveau et je m'inclinais pour le remercier. Je souris en voyant qu'il avait reconnu les airs que j'avais interprété.

"Contente que vous ayez reconnu. Ce sont des classiques que je trouve magnifiques."

Ses applaudissements furent encore plus enjoués que pour le morceau d'avant. Je glissais un regard vers la pièce où avait disparu Cassandra. J'avais peur qu'elle ne soit alertée par le bruit et qu'elle ne se décide à revenir. J'avais encore envie de jouer pour lui. Je me dirigeais donc vers le dernier instrument de la pièce que j'appréciais énormément : le piano. Je m'installais puis respirais un coup.

Je jouais les premières notes puis me mis à chanter, fermant les yeux pour encore plus apprécier la mélodie à mon oreille.



A la fin du morceau, j'entendis un autre type d'applaudissements. Le genre qui me hérissa le poil tout le long de mon dos. Un applaudissement contrarié. Je me retournais lentement pour apercevoir le regard sévère de ma mère et celui, satisfait, de Cassandra. Je soutins son regard sans sourciller. Je me levais pour leur faire face avant de m'adresser une dernière fois à Alexandre.

"Ce fut un plaisir de jouer pour vous, Alexandre.

- Il est temps pour vous de regagner votre chambre."

Je l'affrontais encore un instant du regard, je ne voulais pas monter.

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Un petit bémol dans la partition

Je pouvais enfin jouer, me laisser aller à mes émotions avec mes instruments. Et devant quelqu'un qui appréciait les morceaux que je jouais. J'avais la possibilité de m'exprimer librement et de montrer à quelqu'un d'extérieur ce dont j'étais capable. J'étais certaine que le piano lui plairait, il en avait parlé au début de notre rencontre du jour. Je me permis même d'ajouter du chant sur cette musique. Je considérais que la voix était également un instrument même si c'était bien le seul sur lequel je n'osais avoir un avis. On ne s'entendait pas comme les autres nous entendaient. Et j'aimerai beaucoup avoir l'avis d'Alexandre sur ma voix...

J'entendis son commentaire et cela me fit sourire. Je n'étais pas certaine qu'il aimerait ma manière de revisiter Queen. C'était un groupe que j'aimais particulièrement. J'avais appris de moi-même à jouer certaines musiques au piano ou avec d'autres instruments. C'était cette musique que je préférais. Et j'avais envie de la jouer pour lui. Lorsque j'eus terminé, son enthousiasme m'arrache un petit rire.

"Je ne pensais pas que ça vous plairait autant. Cela fait plaisir à voir. J'espère que ma voix... n'était pas de trop."

Il était bien le premier à m'entendre réellement chanter et j'avais peur de ce que cela avait pu donner. J'espérais vraiment que ça lui avait plu. C'était sans compter sur l'apparition des deux autres femmes de cette maison. L'ambiance fut si froide d'un coup. Je changeais automatiquement d'attitude. Plus sombre, plus sèche. Elles avaient gâché mon moment avec Alexandre. Je l'entendis intervenir pour prendre en quelque sorte ma défense. Tout le monde fut surpris.

"Je l'ai entendu en effet. Elle a... peut-être quelque chose. Un attrait pour la musique."

Je serrais les dents. Jamais elle n'admettrait que j'avais un talent pour la musique. Elle détestait ma manière de jouer. Pour elle, je revisitais trop de morceaux n'étant pas fait pour des instruments classiques à la base. Et clairement, le rock n'était pas son genre préféré, alors que c'était le mien. Je m'apprêtais à monter dans ma chambre, pour fuir cette ambiance austère qui me pesait à présent. Même si cela voulait dire, quitter la compagnie d'Alexandre.

Mais il savait comment leur parler. Il savait comment les brosser dans le sens du poil. Le sourire qui illumina le visage de Cassandra me dégoûta, surtout lorsqu'elle me lança un regard l'air de dire "tu as vu, il a apprécié mon morceau tout à l'heure." Mais je savais ce qu'il pensait réellement de sa manière de jouer. Alors je gardais un visage neutre.

Elle regarda ensuite notre mère pour la convaincre d'accepter. Evidemment, elle ne pouvait pas refuser quelque chose à sa très chère fille adorée. Le regard qu'elle me lança ensuite me fit comprendre que je n'avais pas intérêt à gâcher ce moment. Un petit sourire en coin naquit sur mon visage. J'allais simplement jouer plus fort afin de passer au delà de la cacophonie de Cassandra. Je lui glissais à l'oreille le nom du morceau que j'avais en tête. Elle m'assura qu'elle le connaissait par cœur mais je n'en crus pas un mot.



Comme prévu, je jouais plus fort que Cassandra, cachant légèrement le carnage et m'empêchant de serrer les dents à chaque fausse note de ma sœur. Je me concentrais sur mon instrument, le piano, sans me préoccuper de ce que jouait Cassandra. Je jetais de temps en temps un coup d'œil à Alexandre, profitant de ce dernier morceau que je passais à ses côtés.

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