Ça ne s’explique pas. Cette colère au bout des doigts, cette rage ardente, prenant toute la place, éclatant à la moindre étincelle; cette lave brûlante les veines, continuellement. Ça ne s’explique pas : cette violence sans fin prenant racine jusqu’au bout de ses organes, celle qui le consume, qui prend toute la place, ce poison sans antidote qui réside en lui depuis sa naissance. Pourquoi t’es comme ça ? mais lui-même ne le sait pas; parce que ça ne s’explique pas, ce magma en fusion n’attendant que le bon moment pour devenir volcan en éruption.

Et pourtant et pourtant, tout ce désir de ne pas être ainsi, cette pulsion bouillante de changer pour cesser de blesser, échouée, toujours en vain ― il n’est pas fait pour le bonheur, seulement pour les châteaux de carte qui s’effondrent. C’était cette condamnation, celle faite depuis sa naissance, l’unique certitude de pouvoir lacérer les cœurs autour de lui, plutôt que les border et les réparer. L’unique certitude de pouvoir uniquement émietter de ses propres mains ce cœur battant entre ses côtes.

Mais ce n’était pas grave ; dansant sous la lune, avec les démons, ceux-là même étant du même sang que lui; dansant sous la lune, avec les problèmes jusqu’à les faire amis.
Il avait l’excuse facile, sur ses lèvres elles coulaient comme de vaines promesses d’un meilleur lendemain, mais les éclats n’étaient jamais très loin. Toujours prêts à revenir, dans le sillage de ce fantôme qui le poursuivait, cette ombre qui se faufilait derrière lui, celle que nulle ne pouvait voir ou entendre, qui ne lui échappait pas à lui.

Le son de son stylo sur son bureau commençait à l’irriter, venait jouer avec les fils fins d’une patience presque inexistante, menant à l’inévitable : Cassian lança l’objet de sa frustration à travers la pièce, sans aucune cible précise. Seulement, il aurait voulu être partout, partout sauf dans cet établissement qui ne semblait rien comprendre. Mais qui prétendait tout appréhender.
Mardröm, installé sur la chaise à ses côtés, éclata d’un rire sonore qui n’atteignit les oreilles de personne d’autre que Cassian et le surveillant sursauta violemment lorsque l’impact de l’outil scolaire sur le sol résonna. « Cassian ! » Il se prendra une remarque, une note sur le cahier, des reproches, d’autres séances avec le psy, mais qu’importe, qu’importe. Deux semaines dans cet enfer était deux semaines de trop qui commençait à lui faire vriller le cerveau. Il ne voulait même pas prétendre tenter. Seulement s’évader.

Les sueurs froides, les tremblements, le manque ; l’instabilité accrue qui répercutait dans ses entrailles vides et cette frustration, cette rage immense qui prenait toute la place. Il laissa son dos retomber contre la chaise en soupirant. Ouais ouais faut pas lancer de stylo blabla Lever les yeux au ciel. Ses parents avaient pour habituer de le qualifier d’arrogant ― il connaissait la chanson par cœur, elle tournait en boucle, disque rayée.

Cassiaan voyons ça se lance pas des objets, tu aurais pu le blesser quelle horreur ! L’ironie suintait dans la voix de Mardröm, c’était un poison s’infiltrant dans ses veines alors qu’il faisait mine d’examiner ses mains, peut-être pour compter le nombre de petites entailles infligées par ses ongles. Beewolf sagement couchée à ses côtés, oreilles alertes, concernée par la colère soudaine, présente pour réagir dès les premiers signes d’un dérapement psychologique, remua légèrement sa queue.

Pour Cassian, il n’y avait que Mardröm dans la pièce, jusqu’à oublier l’autre élève présente pour une heure de colle également.
Paraît que fallait pas s’engueuler avec un camarade. Eh ! Il ne l’avait même pas frappé, c’était bien non ? Ce n’était pas l’envie qui lui avait manqué.