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Épreuve 7 - Solo Esquisse

Kaoren
Kaoren
Kaoren
Anonymous
Invité

11.09.23 10:13
Rp en cours


Introduction:


Entre les haies du Labyrinthe, à la faveur de leurs remaniements libertins, virage après virage, la gauche devenait la droite, et l’avant s’égarait vers l’arrière. Les chemins, légers et tortueux, s’amusaient à se perdre pour se retrouver ailleurs ; de brèves traverses devenaient à leur guise de longues errances, débouchant tantôt sur des impasses, tantôt sur des carrefours où deux, trois, ou dix embranchements se réunissaient pour les accueillir. À leurs flancs, les buissons changeaient de couleurs, de texture, ou même de matière, laissant défiler des allées de briques blanches et des avenues de coton rose, entre lesquelles couraient des souris de papier ou des plumeaux sur pattes à queue de nylon. Et au milieu de tout cela, d’un pas tranquille, la Gardienne se laissait promener.

L’Esquisse était calme, et ses membres s’animaient sans que rien ne vînt les entraver ; pas un homme, pas un fil de trop dans ce grand agencement de libertés, rien qu’un ciel qui virait lentement du rose au violet au-dessus de ses yeux. Autour d’elle, les haies s’accordaient à ne jamais lui montrer aucune sortie, pour jouer avec elle aussi longtemps que les hasards ce terrain de jeu le leur permettrait. Elle tournait certainement en rond, d’ailleurs ; le même virage de feuillage vert semblait l’avoir accueillie déjà deux ou trois fois, et reviendrait encore l’accueillir aussi souvent qu’il le désirerait.

Mais bientôt, le mouvement commença à ralentir : aucune créature du Labyrinthe ne défilait plus sous les yeux d’Easel depuis un petit moment, et en haut, progressivement percé par les rayons d’une imposante boule de lumière, le violet du ciel laissait place à un ton de lavande bleutée qui ne s’était encore jamais présenté à elle. Les couloirs se mouvaient toujours à ses flancs, mais ne semblaient plus se transformer ; chacun de ses passages ressemblait de plus en plus au précédent, et ce virage de feuillage vert continuait de revenir encore et encore, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que lui où qu’elle regarde. L’herbe était verte, les haies étaient vertes, les sentiers étaient droits et le ciel était bleu.

Les pas de la Gardienne s’étaient arrêtés. L’infinité des possibilités régnant dans ces lieux semblait s’être muée en un décor beaucoup plus taciturne, qui ne s’exprimait plus que par quelques gestes répétés. À sa droite, puis à sa gauche, des murs de végétation s’ouvraient et se fermaient, mais elle ne les suivait plus.

Sa routine devint alors beaucoup plus saccadée : elle tâtait les haies, observait les sentiers, tournait la tête plusieurs fois avant de s’engager dans une allée, et mettait fin à son mouvement à chaque fois que le labyrinthe recommençait les siens. Elle revenait souvent sur ses pas, fuyant les carrefours pour se réfugier dans les longues avenues tortueuses ; elle prenait des pauses devant les impasses, auxquelles elle ne mettait fin que lorsque de nouveaux chemins s’ouvraient spontanément à elle. Régulièrement, elle tentait de lever les yeux vers la boule de lumière qui trônait au-dessus d’elle, mais les replongeait toujours aussitôt entre ses mains. Même son bandeau d’étoffe ne lui suffisait pas à les soutenir vers le ciel plus de quelques secondes.

Ses haltes se firent de plus en plus longues, et bientôt, elle finit par s’asseoir à l’ombre d’une haie. L’eau commençait à tremper son front, et le vent ne parvenait plus à suivre la cadence de sa respiration. Elle promenait toujours son regard autour d’elle, mais c’étaient toujours les mêmes allées désertes et répétées qui se dressaient à perte de vue. Ses pupilles restaient droites, mais ses paupières cillaient à chaque brise qui les chatouillait. Après un instant, elle avait déjà la tête couchée sur les bras, et les bras affalés sur ses genoux.

Elle resta dans cette position un moment. Les remaniements du labyrinthe n’attiraient plus son attention, même lorsqu’ils se produisaient tout près d’elle. Elle se contentait de regarder, guidée par des yeux à peine encore ouverts, la frontière entre l’ombre de sa haie et l’herbe ensoleillée qui jaunissait derrière.

Et puis une voix, puis deux autres lui répondant, se firent vaguement entendre dans son dos. Elle se retourna spontanément, pour ne faire face qu’à la haie contre laquelle elle était adossée, mais les dialogues étouffés continuaient derrière. La Gardienne se redressa, jeta un œil le long de la verdure, et se dirigea avec diligence vers une traverse qui donnait vers la source des voix. À mesure qu’elle marchait, les mots se faisaient de plus en plus audibles ; il y était question d’orientation, de l’heure tardive, et puis d’un débat entre la beauté des aléas de l’aventure et le sentiment d’avoir marché dans l’arnaque du siècle. Bientôt, à la sortie d’un dernier tournant, trois personnages apparurent.

« Loran, derrière toi ! », s’exclama la première aussitôt qu’Easel sortit du virage. Ses deux compagnons, deux jeunes hommes dont un en piteux état, se braquèrent immédiatement pour faire face à l’arrivante, les mains sur les pommeaux de leurs armes. Avec leur amie qui se tenait derrière, tous trois drapés sous des capes noires, ils lançaient des regards intimidants à l’attention de la Gardienne ; le visage interloqué de celle-ci se mua rapidement en une expression beaucoup plus sévère, et les deux partis s’observèrent un instant sans dire un mot. Le garçon estropié rompit sèchement le silence d’un « Vous êtes qui ? », auquel elle répondit après une profonde inspiration :
« On m’appelle Easel, la Gardienne. »
Une brève stupeur s’empara de ses interlocuteurs, qui reprirent entre eux à voix plus basse :
« C’est une Gardienne ?
Accoutrée comme une aristo’ ? C’est pas censé être des gens en harmonie avec la nature, le genre à randonner loin de la civilisation ?
Ben elle randonne loin de la civilisation, là, non ?
Ouais, puis vu l’état de sa robe, c’est pas sa première fois. »
Les trois comparses relevèrent les yeux vers la dame aux cheveux blancs, toujours prêts à dégainer.
« Et vous faites quoi, dans le labyrinthe ? Les trésors, ça vous intéresse pas, si ?
Il n’y a aucun trésor, ici. Aucun sinon la sérénité de se laisser promener par les volontés de la Déesse Mère. »
Nouvelle stupeur, nouvelles messes basses :
« Attendez, elle est au courant qu’il y avait pas de trésor ?
Ça veut rien dire. Nous aussi, maintenant, on est au courant.
Ben oui, mais c’est pas n’importe qui qui peut atteindre le cœur du labyrinthe tout seul. Nous, on l’a fait à trois, et t’as failli y passer. »

Les poignes se relâchèrent sur les pommeaux des armes, et les sourcils se défroncèrent lentement. Alors que tous contenaient leur respiration, un souffle de vent revenait s’engouffrer dans les couloirs végétaux pour alléger les cheveux mouillés de la Gardienne, qui se tenait plus droite que jamais. À nouveau, l’un des aventuriers se risqua à l’interroger :
« Et donc c’est juste ça, que vous cherchez ? De la sérénité ?
De la sérénité, oui, répondit-elle à voix plus basse.
En somme, on vous laisse tranquille, et on repart chacun de notre côté ? »
Easel marqua cette fois un moment d’hésitation, avant de renvoyer :
« Faites comme vous le désirez. Vous pouvez poursuivre votre chemin ou m’accompagner.
Vous accompagner ?
Attendez, vous accompagner où ?
Où la Déesse me portera. Aujourd’hui, c’est ici ; demain, ce sera peut-être par-delà la Plaine ; et un jour, peut-être, elle me guidera au plus près d’elle.
Au plus près d’elle ? C’est-à-dire ?
Un endroit qu’aucun de vous n’a jamais pu voir, un lieu où la vérité est plus pure que celle altérée que l’on peut percevoir ici.
Où la Vérité est… »
Retour aux messes basses.
« Elle parle de l’Arbre de Vie, là ?
Non, mais t’imagines quoi ? Qu’une Gardienne va nous guider comme ça jusqu’à l’Arbre de Vie ?
Je sais pas, elle a l’air un peu lunaire.
Je suis d’accord, j’ai l’impression qu’elle a pas toute sa tête. Avec un peu de chance, on peut lui soutirer des secrets de Gardiens.
Ouais, si on joue bien notre coup, on pourrait revendre ça à bon prix. J’ai une connaissance à Arnlo qui pourrait être intéressée. Ça nous compensera le "trésor" du labyrinthe.
Comme vous le sentez. Mais moi, j’ai l’impression que cette pièce fait que nous porter la guigne depuis qu’on l’a ramassée, et qu’on est bien partis pour que ça reprenne.
On restera prudents, t’inquiète pas. »
La jeune femme redressa son attention vers la Gardienne.
« D’accord, on vous suit.
À votre guise. », termina cette dernière avant de retourner s’engouffrer derrière le tournant du sentier. Cachée derrière la haie, elle replongea un instant ses yeux trempés de sueur entre ses mains, et son souffle redevint très fort. Mais à la faveur d’une brise lui caressant la joue, elle reprit une grande inspiration et leva le regard vers le ciel. Il semblait rosir de nouveau, et l’oppressante boule de lumière qui y trônait était redescendue si bas qu’elle ne la percevait presque plus derrière les remparts de végétation. L’air dans ses poumons s’assagit un peu.

Derrière elle, ses nouveaux compagnons reparurent. Elle bomba de nouveau le torse, et reprit enfin son pas lent à travers les allées du labyrinthe, suivie de près par trois aventuriers impétueux qu’on entendait prêts à découvrir « les plus grands secrets de Madelle ».


Conclusion:
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