10 avril
2020

Foolish lies of growing old

Rp Solo

Il existe des événements dans ce monde qui peuvent relever une vie entière. Des gens qu'on croise et qui permettent de remettre les choses en ordre. Et il y a, à l'inverse, ceux qui viennent pour tout effondrer et briser ce qu'on a cru savoir pour ne jamais le réparer. On dit que le mois d'avril est celui des blagues. Est-ce que je peux dire que c'est une blague, alors ?

Beaucoup de choses s'étaient passées dans cette année scolaire. Depuis son arrivée, Chelsea s'était débarrassée d'une partie de sa peur des autres. Très peu, certes, mais elle avait Luka, et Velvet, et Ashley. Elle avait eu de la chance dans toute cette histoire. Indarë l'avait libérée de son père sans la libérer de ses peurs, mais elle avait pu se stabiliser légèrement. Les crises d'angoisse qui lui serraient le cœur régulièrement étaient toujours là, elle éprouvait toujours la même répugnance à l'idée de côtoyer des adolescents en permanence et elle aurait donné n'importe quoi pour finir le lycée là, tout de suite, mais au moins, elle n'avait pas vécu trop de conflits, ni de jugement, ni de moqueries. Elle s'était tenue à l'écart de la majorité des problèmes.

Alors quand un surveillant s'approcha d'elle pendant qu'elle marchait avec Luka dans la cour, elle se crispa. Avait-elle oublié de donner son téléphone quand on le lui avait demandé ? Avait-elle enfreint une règle sans le savoir ? L'avait-on dénoncée pour quelque chose qu'elle n'avait pas fait, encore ? Elle déglutit. Elle avait tendance à éviter les figures d'autorité autant que possible, car elle n'arrivait pas à concilier très facilement sa peur de la violence avec son rejet des ordres, mais là, il avançait droit vers elle. Elle ne pouvait pas l'esquiver.

- Chelsea ? Est-ce que tu peux venir avec moi ?
- P... Pourquoi ? J... J'ai fait quelque chose de mal ?
- Non, pas du tout ! Quelqu'un a demandé à te voir.

Ça ne la rassura pas vraiment. Elle se figea, serrant sa main sur sa manche en bougeant les yeux dans tous les sens. Qui ? Personne ne pouvait vouloir la voir à part... Avait-il le droit ? De venir ici, de la demander, de forcer les surveillants à les mettre en contact ? Elle n'était même pas en sécurité en prison ? Lycée peut-être, mais prison quand même...

- Je... Je suis obligée ?

Un hochement de tête lui répondit, et elle déglutit. Elle n'avait pas envie d'y aller. Mais le surveillant ne semblait pas vraiment inquiet, alors que l'école avait dû avoir les infos de son procès, non ? Peut-être que lui non plus ne la croyait pas...

- Je... Je suis... obligée... de venir toute seule ?

Peut-être... Peut-être que si Luka était avec elle, elle ne se sentirait pas aussi mal. Elle avait peur. Sa respiration tremblait un peu et elle se recroquevilla sur elle-même, les mains serrées sur ses manches.

- Je ne pense pas que ce soit nécessaire.

Sa gorge se serra. Bon... Peut-être que ça se passerait bien... Peut-être qu'elle se faisait des idées. Mais elle ne voyait pas qui d'autre pouvait être venu la voir...

10 avril
2020

Foolish lies of growing old

Solo

- Ça va aller, Shell. Ce n'est qu'une visite. Et je serai avec toi, je te l'ai promis.

"Ce n'est qu'une visite." Elle dut lutter intérieurement pour ne pas s'effondrer rien qu'à cette phrase. S'il savait... s'il savait tout, tout ce qu'il n'avait pas vu, tout ce qu'il avait raté... Mais c'était elle qui avait toujours gardé ça pour elle, elle ne pouvait pas lui en vouloir de prendre ça à la légère. Pourtant, elle, elle tremblait. Elle n'avait pas envie d'entrer dans cette pièce. Elle resta figée un long moment avant de trouver enfin le courage de rejoindre le surveillant à côté de la porte. Allait-il les laisser seuls ? Sûrement. Il n'avait probablement pas le droit d'écouter le conversations privées de ses élèves.
Cependant, quand elle entra dans la pièce, sa peur s'évapora soudainement, remplacée par une profonde incompréhension.
À côté du bureau se tenait une femme qu'elle n'avait jamais vue de sa vie. Une femme qui, pourtant, faisait naître une étrange sensation de familiarité.

- Ch... Chelsea ? Tu es bien Chelsea Refrain ?

Elle ne comprenait pas l'expression sur le visage de l'inconnue. Elle semblait... émue ? Heureuse, triste, compatissante, dévastée... elle lisait beaucoup trop de choses sur son visage. Instinctivement, elle recula d'un pas vers Luka, et vers la porte désormais fermée derrière eux. Ce mouvement sembla blesser la personne qui se tenait face à eux.

- Q... Qui êtes-vous ?

Un silence, et la main de Chelsea vint naturellement attraper celle de Luka. D'ordinaire, elle ne se méfiait pas des adultes. Mais elle ne comprenait pas ce que lui voulait cette femme, et ça lui faisait peur.

- Je... Je m'appelle Mathilda Elven. ... Je suis ta mère.

Et quelque chose s'arrêta pour se briser dans la poitrine de l'adolescente. Dans son regard, aussi, qui afficha autant d'émotions que le visage de cette étrangère un peu plus tôt. Choc, surprise, compréhension, douleur, vide. Un vide qui, lentement et pour la première fois de sa vie, vint se remplir de colère. D'une rage refoulée, tournée contre la mauvaise personne peut-être, alimentée par des mots assénée à une enfant trop jeune pour en douter.
Pourquoi je n'ai pas de maman ?
Elle... elle ne m'aimait plus. Elle est partie quand tu étais encore petite.
Partie. Loin de lui. Sans elle.
Chelsea releva la tête qu'elle avait baissée, les yeux brillant de larmes et les dents serrées par une colère brûlante. Sa main lâcha sa prise. Se serra en un poing fermé.

- C'est de ta faute...

Les mots tremblaient d'une haine qui, au fond, n'était vouée qu'à son père. Mais à défaut d'avoir pu l'exprimer contre lui, c'était contre l'autre personne qu'elle estimait responsable que tout explosait.

- Tout est de ta faute !

Libérer la colère, la douleur, et la frustration. Elle avait hurlé, et elle se précipita en avant vers cette mère qui l'avait laissée seule. Elle avait envie de la frapper. De lui faire vivre tout ce qu'elle avait subi à cause de son abandon.

- Tout ce qu'il m'a fait, c'est à cause de toi !

Elle sentit quelqu'un essayer de l'arrêter et se débattit. Elle ne supportait pas l'expression d'incompréhension mêlée de tristesse sur le visage de cette femme. Elle n'avait pas le droit d'être triste ! Pas elle ! Ce n'était pas elle qui avait souffert ! Elle sentit les bras de Luka qui tentait de la retenir.

- Lâche-moi ! Lâche-moi !

Les larmes qui lui brûlaient les yeux commencèrent à rouler sur son visage mais sa voix ne se brisait pas pour autant, comme si toute la haine qui l'alimentait fournissait une armure indestructible.

- Tout est de sa faute ! Les nuits dans le noir sans manger, la main dans mes cheveux, les bleus, les fractures, la douleur, la torture, la peur ! C'est à cause d'elle ! C'est parce qu'elle m'a laissée toute seule ! Elle est partie sans moi ! Tu m'as laissée seule avec lui alors que tu savais qu'il était comme ça !, cria-t-elle à nouveau à l'intention de sa mère.

Elle ne réalisait même pas qu'elle venait de hurler toutes les choses qu'elle avait gardé pour elle depuis toujours. La colère finit cependant par perdre la course contre la douleur et elle cessa de se débattre, tête baissée, secouée de sanglots tandis que ses larmes s'écrasaient une par une sur le sol de la pièce. Ses jambes tremblaient, et elle n'était pas sûre qu'elles puissent vraiment soutenir son poids. En face d'elle, l'adulte semblait encore sous le choc. Elle ne disait rien, un regard à la fois effrayé et blessé posé sur Chelsea. Pourtant, ce n'était pas de sa colère qu'elle semblait avoir peur, mais des mots qu'elle avait prononcés. De l'ampleur du passé qu'elle venait de se voir envoyer à la figure.

10 avril
2020

Foolish lies of growing old

Solo

- Vous... Comment osez-vous revenir ici après tout ça ? Vous avez ravivé des souvenirs dont même moi, j'ignorais l'existence ! C'est parce que vous êtes partie que Chelsea n'est pas heureuse, qu'elle a tant souffert ! Et vous revenez comme si de rien n'était ?!

Chelsea ne bougeait plus. Elle réagissait à peine au contact, sa tête restant fixée sur le sol. Ses yeux se rouvrirent cependant quand elle entendit un murmure brisé sortir des lèvres de cette femme sur qui elle s'était jetée.

- Mais qu'est-ce qu'il t'a raconté...

Une larme roula sur la joue de l'adulte et Chelsea aurait serré les poings si elle n'avait pas vu autant de douleur dans son regard. Si ses paroles n'avaient pas fait vaciller une petite de ses certitudes. Les paroles de Luka semblèrent également la blesser, et elle posa des longs doigts devant sa bouche comme si le choc était trop grand pour qu'elle puisse l'exprimer. Puis, finalement, une voix tremblante et brisée par les larmes finit par rompre le silence.

- Je ne suis pas partie... J'aurais tout donné... tout... pour t'avoir près de moi...

Un hoquet lui coupa la parole et elle rétracta ses mains contre sa poitrine. Un instant, elle déglutit et pris un moment pour stabiliser sa respiration avant de reprendre la parole, la voix toujours tremblante et hachée, dans des mots qui se fichèrent un par un dans son cœur.

- C'est lui qui t'a emmenée...
- Non...

C'était à peine un murmure, un souffle. Elle n'avait pas envie de l'entendre, elle n'avait pas envie que sa vie soit fondée sur un mensonge de plus. Pourtant les mots continuaient d'exister.

- Ton père, je... je l'ai rencontré en sortant de ma compétition d'athlétisme...

La phrase s'enroula autour de son esprit, trouva des failles. Une athlète, pour un homme qui voulait un enfant entièrement consacré au sport. Un fil logique commençait à se tisser à mesure que Chelsea se recroquevillait dans les bras de Luka comme si ça pouvait tout faire disparaître.

- Il avait l'air de m'aimer... il avait l'air de vraiment vouloir construire quelque chose avec moi... Alors quand je suis tombée enceinte...

Elle inspira, et Chelsea ne vit pas la main qu'elle serrait sur le bureau à s'en blanchir les phalanges.

- Je n'ai même pas eu l'occasion de te voir... quand je me suis réveillée du repos... tu n'étais plus là.
- Non... Non non non...

L'adolescente prit sa tête dans ses mains en la secouant, les doigts crispés dans ses cheveux. Elle n'avait pas envie de savoir, elle n'avait plus envie de l'entendre, elle n'avait pas envie de comprendre ce que cette femme était en train de dire.

- Chelsea... Je... J'ai essayé de te retrouver... Mais il avait tout planifié... Il avait changé... tout ce qu'il pouvait...

Et la police n'avait jamais pu le retrouver. Les retrouver. Une partie de son existence s'effondrait à chaque mot qu'elle entendait. Des mensonges, encore et toujours des mensonges, alignés les uns après les autres pour cacher une vérité originelle qui venait de se planter brusquement dans son cœur. Il avait tout calculé. Choisi sa mère pour ses talents sportifs. Modifié son apparence avant d'être avec elle pour qu'elle n'arrive pas à faire un bon signalement pour le trouver. Attendu qu'elle soit épuisé par sa naissance pour l'emmener loin. Menti, chaque jour, chaque seconde de son existence pour faire d'elle ce qu'il voulait. Au final...

- Il m'a créée...

Ses mains se mirent à trembler et elle les serra l'une dans l'autre, imitant malgré elle cette mère qui venait de réapparaître. Celle qui l'avait perdue, celle qui l'avait cherchée toute sa vie.

- Il m'a créée pour ses médailles... pour sa gloire pour...

Sa gorge se serra trop brusquement pour que sa voix parviennent encore à sortir. Elle n'était rien. Pas une personne, pas une enfant, pas une adulte, juste... une marionnette fabriquée de toutes pièces pour se tenir sur un podium avec un trophée ou une médaille d'or. Était-ce étonnant qu'elle n'ait pas de personnalité ? Pas de rêve, pas de but, pas d'objectif ? Si son cœur n'avait été qu'une fabrication visant la gloire, comment pouvait-il battre pour autre chose que la maintenir en vie ?

- J'aurais voulu te retrouver plus tôt... mais ce n'est qu'en voyant le procès à la télé que...

Chelsea se crispa. Tais-toi. Tais-toi, tais-toi, il sait assez de choses comme ça ! Mais sa mère resta silencieuse après ce début de phrase, elle aussi trop emportée par les larmes pour prononcer un mot de plus.

10 avril
2020

Foolish lies of growing old

Solo

Chelsea ne bougeait pas. Son cœur et son esprit s'étaient figés à mesure que son passé se détruisait pour se recomposer de façon plus sordide et douloureuse. Elle n'avait rien, elle n'était rien. Quel genre de personne créait ce genre de plans ? Elle repensa à tout ce qu'elle avait considéré. Ne pas le dénoncer pour ne pas être envoyée dans un foyer. Ne pas prendre le risque de lui tenir tête. Toute son enfance, elle avait cru que c'était normal, parce qu'elle n'avait pas besoin de toutes ces choses que les autres avaient. Ensuite... ensuite elle avait eu peur de se retrouver dans une situation pire que celle-ci.
Mais aurait-elle vraiment pu vivre pire ?
Si elle l'avait dénoncé, aurait-on fini par retrouver sa mère ?
Est-ce que sa vie aurait été différente...

- Mais quel ordure ! Quel... Quel connard, j'arrive pas à croire qu'il soit venu chez moi. Qu'il ait été tout mielleux avec mes parents. Putain. Shell, tu n'es pas ce qu'il voulait que tu sois, d'accord ? Je te jure que je serai toujours là pour toi, ne le laisse pas te détruire, ce n'est qu'un enfoiré. Tu as ta vie, maintenant. Loin de lui.

Elle sursauta en entendant un coup frappé contre le mur, réalisant au même moment que Luka ne la tenait plus dans ses bras. Elle n'avait ni vu, ni senti son mouvement, comme si son corps avait perdu toutes ses facultés. Immobile, elle l'écouta crier et insulter l'homme qui l'avait tant effrayée sans qu'aucune émotion ne parvienne à reconnecter ses pensées. Même les mots qu'il cria à son intention ne parvinrent pas à se faire une place. Une vie ? Non. Elle n'avait rien de tout ça. On ne construisait pas une vie du jour au lendemain sans la moindre base, et elle avait quinze ans de vide en guise de support. Un support qui ne tenait qu'un à un fil pouvait être brisé en une parole. Une vérité. Ses poings se serrèrent. Quand elle releva les yeux, ce fut pour poser un regard menaçant sur sa mère.
Pas cette vérité. Tout sauf celle-là.

- Le procès ? C'est... C'est ton père, hein ? Ils ont tout découvert, il a été arrêté, c'est ça ?

L'adulte sembla remarquer l'éclat dans son regard, car elle n'élabora pas sa réponse. Elle se contenta de poser des yeux sérieux et neutre sur lui, malgré les larmes qui les embuaient encore. Et sa voix était assez tranchante lorsqu'elle finit par parler :

- Non.

Dans ce simple mot, Chelsea perçut la même haine et la même rancœur pour cet homme que celle qu'elle-même ressentait. Il n'avait pas ruiné qu'une seule vie avec ses manigances. La jeune fille serra ses bras contre elle.

- Tu n'as pas besoin de savoir.

Sa voix était faible, vide d'émotions, mais n'appelait pas pour autant à la discussion ou à la contradiction. Ou peut-être était-ce l'expression fermée de son visage. Elle releva lentement les yeux vers sa mère.

- Certaines choses sont mieux quand on les ignore.

Peut-être qu'elle aurait préféré ne jamais savoir. Ne jamais découvrir qu'elle avait été bien plus modelée qu'elle ne le pensait déjà. Son père avait fait d'elle une marionnette toute sa vie, mais elle n'avait pas envie de savoir qu'il avait commencé à tirer les ficelles bien avant sa naissance.

10 avril
2020

Foolish lies of growing old

Solo

Le monde devenait flou. Brouillé. Empâté dans des brumes et des ombres qui étouffaient même les sons. Peut-être que prendre conscience qu'elle n'avait aucune raison d'exister avait fini par l'effacer de cette réalité. Peut-être, après tout, qu'elle n'était qu'une chimère qui avait eu l'impression de vivre et qui venait, enfin, de réaliser qu'elle n'était qu'une illusion. Son visage se vida du peu d'expression qui s'y affichait encore et elle se redressa légèrement, comme si son corps n'était plus porté par des sentiments mais juste par des fils invisibles qui s'efforçaient de simuler de l'énergie dans un corps sans vie.

- Et maintenant, on fait quoi ? Comment je peux t'aider, Shell ?
- Tu ne peux rien faire...

Personne ne pouvait rien faire. Personne ne pouvait remonter le temps, personne ne pouvait rien annuler. Ni lui retirer son père, ni lui rendre sa mère, ni effacer Lena et ses mensonges, ni lui arracher ses menottes aux poignets, ni faire d'elle une personne et pas une poupée de glaise aux ordres d'un sorcier fou.

- Ça ne sert à rien... Rien n'a jamais eu d'intérêt.

Voix atone et regard vide, elle recule d'un pas, s'écartant de sa mère, s'écartant de Luka et du mur peu rancunier qui le soutien après avoir subi ses coups. À quoi bon trouver une famille maintenant ? À quoi bon découvrir tout ça maintenant ? On ne peut pas naître après quinze ans à ne pas exister. On ne peut pas créer une personne à partir du néant. Et elle n'était que ça, un amas de néant dans un corps humain. Alors ce qu'il dit lui tira un frisson. Une étincelle de vie bercée par la colère et l'injustice qui grésilla dans ses yeux.

- Chelsea... Je me fiche de savoir ce qui s'est passé à ce procès. Je veux juste être près de toi. De la Chelsea que je connais depuis mes six ans. C'est une fille bien, une fille vraie, une...
- Elle n'existe pas. Elle n'a jamais existé. Tu n'as pas compris ?

Sa voix s'était asséchée, brute et brisée par la lassitude et la fatigue. Elle en avait assez de ce monde où elle n'avait jamais eu sa place. Si elle n'était pas destinée à naître, elle ne la trouverait jamais. Alors elle recula à nouveau, puis fit demi-tour en s'avança vers la porte.

- Laissez-moi tranquille.

Et avant que qui que ce soit ait le temps de la retenir, elle sortit, puis se mit à courir le plus loin possible de cette pièce maudite.

• • • • •

Sa mère resta silencieuse après son départ, le cœur au bord des lèvres tant toutes les horreurs qu'elle avait racontées l'avaient elles-mêmes brisée. Chelsea s'était enfuie. Pouvait-elle le lui reprocher ? Elle venait de voir son univers s'écrouler. Au fond, c'était un peu une action égoïste de sa part, de lui dire tout ça. Elle n'avait pas eu envie d'être rejetée par la fille qu'elle avait cherchée toute sa vie sur la base d'un mensonge, mais la vérité pouvait faire mal, briser des choses. Peut-être qu'elle aurait dû accepter le choc, mais n'aurait-ce pas été une victoire de plus pour cet homme ? Avait-elle vraiment créé un choc irréversible par simple envie de gagner, par orgueil, ou par égoïsme ? Non... même si Chelsea ne voulait plus jamais la voir, elle subirait. Mais elle ne pouvait pas laisser sa fille vivre dans un mensonge. Ça n'aurait été juste pour personne. Pourtant, elle ne fit pas un geste vers la porte, se contentant d'interpeller le garçon.

- Luka, c'est ça ?

Elle ne savait pas qui il était. Pourtant, il avait l'air de tenir une part importante dans la vie de sa fille, malgré les chaînes qui l'avaient entravée, malgré la vie horrible qu'elle avait dû subir. Il semblait la connaître depuis si longtemps.

- Dis-moi... quel est ton lien avec elle ? Tu tiens à elle, n'est-ce pas ?

Son expression et son intonation étaient bienveillantes, son regard teinté de l'espoir que quelqu'un, dans ce monde, ait pu veiller sur sa fille et protéger son cœur à défaut de la protéger de son père.

- C'est... une amie d'enfance. J'ai fait tout ce que je pouvais pour qu'elle prenne goût au monde. je lui ai fait découvrir la musique, le cinéma, les plaisirs simples... J'étais là pour elle quand elle s'est cassé la cheville pendant l'ouragan. Mais elle ne m'a jamais dit tout ça...

Mathilda écouta la réponse du jeune homme qui semblait avoir été l'un des seuls soutiens de sa fille pendant tout ce temps. Une bonne amie d'enfance... Un petit sourire attendri flotta un instant sur ses lèvres. Elle savait reconnaître des choses que peut-être ni l'un ni l'autre ne réalisait encore, mais elle était persuadée qu'amie était un terme un peu faible. Elle se garda cependant de faire la moindre remarque. Le moment était mal choisi, et ils auraient tout le temps d'apprendre par eux-mêmes. Elle continua de l'écouter et quelque larmes revinrent perler dans le coin de ses yeux.

- Merci...

D'avoir veillé sur elle, pris soin d'elle, de lui avoir fait comprendre que la vie ne se résumait pas au père qui l'avait utilisée en négligeant ses sentiments et ses émotions. Il y avait tant de raisons à la gratitude qui lui comprimait la poitrine qu'elle ne savait pas laquelle exprimer. Alors elle les garda toutes silencieuses et préféra dire quelques autres mots, avant qu'il ne sorte.

- Luka, écoute. Chelsea ne voudra peut-être jamais me revoir, et je peux le comprendre. Même si j'aimerais pouvoir être une mère pour elle, le parent dont elle a toujours eu besoin, ce n'est pas à moi de prendre cette décision.

Le cœur serré par ses propres paroles, elle s'approcha, posant une main délicate sur son épaule.

- Prends soin d'elle. Si je ne devais jamais la revoir, j'aurais au moins cette certitude que quelqu'un veille sur elle et ne la laissera jamais sombrer.

Tant que Chelsea était heureuse. Tant qu'elle découvrait le rire, la joie, le bonheur, alors qu'elle en fasse partie ou non n'était que secondaire. Gardant son sourire bienveillant, elle retira sa main et le regarda suivre le même chemin que sa fille et quitter la pièce.
Alors, seulement, elle s'autorisa à vraiment pleurer.